Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

137h2
V. 14

TR

PREMIÈRE PARTIE

LA RELIGION ET L'ÉGLISE AVANT LA RÉVOLUTION

LIVRE PREMIER

LA RELIGION RÉVÉLÉE

CHAPITRE PREMIER

LES PREUVES DE LA RÉVÉLATION

§ 1. Considérations générales

I

Les défenseurs du christianisme s'étonnent de ce que les libres penseurs ne veulent plus discuter les fondements de la révélation chrétienne. Ne comprenant rien à leur silence, ils s'en applaudissent comme d'une victoire, et ils reprochent à leurs adversaires de reculer devant la lutte. Si leur zèle ne les aveuglait point, ils se garderaient de voir un triomphe là où, en réalité, il y a une irremediable défaite. Les libres penseurs ne parlent plus de miracles, à moins que ce ne soit pour s'en divertir un instant. En faut-il apprendre la raison aux orthodoxes? Les philosophes sont organes de la société comme tous ceux qui prennent une part quelconque au travail intellectuel. Demander pourquoi ils n'attaquent plus les miracles, c'est demander pour qui ils écriraient. Qui donc croit encore à ces prodiges? Les libres penseurs ne parlent plus des prophéties. Pourquoi ? Les prophéties sont une espèce de miracle, et les esprits sont si peu préoccupés de surnaturel que c'est à peine si l'on songe qu'il y a eu des prophètes. Quand on s'y intéresse, c'est comme à un fait historique, mais plus on appro

582476

fondit l'histoire, plus le merveilleux disparaît, pour faire place au cours naturel des choses.

Il faut que les apologistes du christianisme en prennent leur parti la croyance au surnaturel s'est évanouie, comme s'évanouissent les rêves. Qui l'a ruinée? Les philosophes du dix-huitième siècle. Ces rudes destructeurs ont si bien détruit, que le merveilleux a disparu de nos idées et de nos sentiments comme s'il n'y avait jamais existé. Vainement les partisans du passé ont-il essayé de rendre crédit aux miracles; ceux qu'ils ont tenté de fabriquer en plein dix-neuvième siècle ont donné le coup de grâce à l'élément miraculeux de la foi : on dirait qu'ils tenaient à démontrer combien les libres penseurs avaient raison en signalant la main de l'imposture dans les prodiges dont la foi crédule s'est nourrie si longtemps. Quoi qu'on fasse pour réchauffer les superstitions, les miracles ne feront plus fortune dans la patrie de Voltaire et de Rousseau. Voilà pourquoi les libres penseurs ne s'occupent plus des miracles ni des prophéties. Pourquoi recommenceraient-ils un débat qui est terminé? C'est comme s'ils devaient disserter sur les revenants et sur les sorcières. Tout ce qui leur reste à faire c'est d'être historiens de la lutte qui a abouti au triomphe de la raison.

Rien de plus intéressant que l'étude des preuves sur lesquelles les apologistes fondent la vérité de la révélation chrétienne. Jadis il y en avait en masse, et les unes plus invincibles que les autres. Aujourd'hui la plupart de ces témoignages sont répudiés par les défenseurs du christianisme; et les seuls qu'ils maintiennent, les prophéties et les miracles, ne sont pas faits pour trouver faveur dans un siècle rationaliste. Pourquoi abandonnent-ils des preuves que l'on considérait autrefois comme décisives? Pourquoi s'attachent-ils à celles qui ont le moins de chance d'être accueillies? Pascal, qui eut tant de peine à conserver la foi, écrit sur les témoignages que l'on allègue en faveur du christianisme, ces paroles remarquables : « Les prophéties, les miracles mêmes, et les preuves de notre religion, ne sont pas de telle nature qu'on puisse dire qu'ils sont absolument convaincants (1). » Quand un homme qui lutta avec héroïsme contre le doute, fait un pareil aveu, il faut

(1) Puscal, Pensées, XXIV, 18.

« ZurückWeiter »