Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

cèdent aux premiers; l'insecte hideux ourdit de nouvelles toiles avec une constance et une opiniâtreté infatigables; ce n'est qu'en écrasant l'animal lui-même, que vous pouvez arrêter ses dégoûtantes et dangereuses trames (1). »

Rien de plus vrai. La révolution de Brabant est un témoignage de la puissance malfaisante du clergé. Quand on veut toucher à ses priviléges, quand on veut éclairer les esprits, et faire pénétrer le soleil de la vérité dans les antres ténébreux où l'on dresse à leur mission de ténébrion les futurs oints du Seigneur, il s'insurge au nom de la liberté; la liberté dans sa bouche veut dire liberté de l'ignorance et de la superstition. Cette liberté-là est synonyme de servitude. Il faut donc détruire l'empire des prêtres, ce qui veut dire qu'il faut détruire le catholicisme. Mais, nous le répétons détruit-on une religion à coups de hache? On le croyait en 93, et il y a des partisans de la démocratie qui le répètent encore aujourd'hui. Ce qui faisait illusion aux révolutionnaires, c'est que les décrets de la Convention ne rencontraient aucune résistance, au moins dans les villes; pour mieux dire, la nation paraissait devancer l'Assemblée. Un conventionnel, homme d'esprit et bon observateur, écrit dans un ouvrage publié en 1800 : « Le peuple semblait être attaché au catholicisme, mais il y a des corps frappés de la foudre qui semblent encore conserver la vie; on les touche, et ils tombent en poussière. Le peuple avait l'apparence de croire à la messe, à la présence réelle; il n'y croyait pas (2). » Mercier ne se doutait pas que deux ans après qu'il avait écrit que les Parisiens ne croyaient pas à la messe, ils accourraient dans les temples et se prosterneraient au pied des autels, où l'on célèbre la présence réelle de l'Homme-Dieu. Ce n'est pas que la foi dans les mystères chrétiens soit très vive; mais l'homme croira à l'absurde, tant qu'on ne lui donnera pas pour aliment des croyances que la raison puisse accepter.

Éclairer les esprits, écarter l'influence funeste des hommes de ténèbres, imposer l'instruction à ceux qui sont appelés à guider les hommes dans la voie du salut, voilà les seuls moyens de préparer la transformation des croyances. Elle ne se fait point par

(1) Les Révolutions de Paris, no 215, 23 brumaire an II, pag. 211.

(2) Mercier, le Nouveau Paris, t. IV, pag. 104.

des révolutions et des lois. Mais les révolutions et les lois y peuvent aider, en brisant la puissance de l'Église, en la forçant à entrer dans la voie de la civilisation. C'est en ce sens que nous faisons appel à l'esprit révolutionnaire et à l'action du législateur. Mais pour que le travail des lois ne soit pas impuissant, il faut qu'il soit accompagné d'une transformation religieuse. Que tous les hommes auxquels la foi et la liberté sont chères unissent leurs efforts pour répandre la vérité. Il ne suffit pas d'une œuvre de destruction, il faut aussi songer à reconstruire; sinon les superstitions que l'on croyait détruites renaîtront. Nous allons assister aux orgies de 93. On pouvait croire que la dernière heure du catholicisme avait sonné; et au moment où nous écrivons, nous sommes en pleine réaction catholique.

III

On peut lire dans les historiens de la Révolution les mascarades catholiques qui se présentèrent à la barre de la Convention nationale. Un contemporain, témoin de ces scènes burlesques, nous dira l'esprit qui animait les acteurs : « On ne procédait pas, dit Mercier, à la destruction du culte avec la fureur du fanatisme, mais avec une dérision, une ironie, une gaîté saturnale, bien propre à étonner l'observateur (1). » C'était l'inspiration de Voltaire, et avouons-le, au risque d'encourir la malédiction des zélés, il y avait encore ailleurs qu'au sein de la Convention, des mascarades religieuses. Il y a cette différence toutefois, qui est toute à l'honneur de la Convention, c'est qu'elle détruisait la superstition, tandis que les prêtres l'exploitent.

Le 25 brumaire an II, une députation de la Section des piques, vint dire à la Convention « qu'elle avait envoyé la brune Marie se reposer de la peine qu'elle eut de nous aveugler pendant dix-huit siècles »>; elle proposa de lui donner pour compagnons tous ses acolytes « Dépouiller les temples de tous les objets du vieux culte, y prêcher la morale, disent les républicains, est le seul moyen de fonder la félicité philosophique et républicaine, et de

(1) Mercier, le Nouveau Paris, t. IV, pag: 108.

l'étendre avec la prospérité générale, aux régions les plus éloignées de l'univers. » Le lendemain, l'orateur de la Section des marchés déclara que les citoyens qui la composaient ne rougissaient pas de porter le nom de rénégats, puisqu'ils reniaient la superstition pour embrasser la philosophie: ils renvoyaient, disaient-ils, saint Crépin en paradis, pour faire des souliers à ses confrères, et la Madeleine pour y pleurer ses péchés (1). »

Les abbés jettent les hauts cris en racontant ces sacriléges. Rappelons leur qu'à la chute du paganisme on démolit aussi les temples; et qui s'empara de leurs richesses? Le clergé chrétien. En 93, les autels furent dépouillés, mais ce ne fut pas au profit d'une superstition nouvelle, le trésor de la République s'en enrichit. N'en déplaise aux réactionnaires, nous préférons que les saints servent à la défense de la liberté, que de servir à nourrir la superstition et le fanatisme. En lisant le récit des exploits de 93, nous n'éprouvons aucune horreur; nous désirerions plutôt qu'ils se renouvelassent, si la chose pouvait se faire sans heurter la conscience publique. Chaumette va nous raconter une tournée qu'il fit dans sa province avec Fouché : « Dans le département de la Nièvre, il n'y a plus de prêtres. L'on a débarrassé les autels de ces monceaux d'or qui alimentaient la vanité sacerdotale. Trente millions, en effets précieux, vont être amenés à Paris. Déjà deux voitures, chargées de croix, de crosses d'or, et deux millions d'espèces monnayées sont arrivées à la Monnaie; trois fois autant suivent le premier convoi (2). »

Un autre jour un convoi s'arrête aux portes de la Convention. Des sacs et des malles remplis d'or et d'argent sont apportés dans la salle des séances. Un des commissaires envoyés dans les provinces, Dumont raconte, aux applaudissements de l'Assemblée et des tribunes, ce qu'il a fait dans les départements du nord-ouest : « J'ai trouvé dans une abbaye de moines, près d'Hesdin, 61,000 livres, dont j'ai fait hommage à la Convention. On m'a accusé d'être brouillé avec la religion: eh bien, j'ai fait une réquisition, et trois ou quatre cents saints m'ont demandé de venir à la Monnaie. Il n'existe plus dans les églises du département de la Somme, ni

(1) Grégoire, Histoire des Sectes religieuses, t. I, pag. 37, s.

(2) L'abbé Gaume, la Révolution, t. I, pag. 130.

plomb, ni cuivre, ni argent. Les métaux ont été remplacés par du bois. Les flammes de la liberté ont succédé aux clochers, et les citoyens ont partout crié : Vive la République (1)! »

On sait que les communes qui tenaient leur nom d'un saint, répudièrent leurs patrons célestes et prirent un nom nouveau. Làdessus grande colère des réactionnaires, indignation, malédiction du fanatisme révolutionnaire. Cependant parmi ces saints détrônés il y en avait de faux. Nous ne parlons pas de la fausse sainteté, qui ne manquait point; nous parlons de saints qui n'ont jamais existé. Tel fut le fameux saint Denis qui, comme chacun sait, porta sa tête dans ses mains l'espace de je ne sais combien de lieues, miracle qui faisait dire à Voltaire qu'en ces choses-là il n'y avait que le premier pas qui coûtait. La commune de SaintDenis prit le nom de Franciade. Si ce nom sonne moins bien aux pieuses oreilles des abbés, pour nous, nous préférons la vérité à la superstition, et nous applaudissons de tout cœur aux jacobins, faisant hommage à la Convention de la tête et des ossements de leur patron, le prétendu apôtre des Gaules. Nous applaudissons encore à leurs railleries, quoiqu'elles ne soient pas de trop bon goût. Ils traitèrent les reliques de guenilles puantes, et de pourriture dorée, puis ils ajoutèrent en s'adressant aux saints détrônés: « Vous, jadis les instruments du fanatisme, saints, saintes, et bienheureux de toute espèce, montrez-vous enfin patriotes; levezvous en masse, marchez au secours de la patrie, partez pour la Monnaie. Et puissions-nous dans cette vie obtenir par votre secours le bonheur que vous nous promettez pour une autre ! » Permis à l'abbé Gaume d'appeler ce discours une lâche ironie (2) ; y a-t-il du courage, par hasard, à faire accroire au peuple de stupides mensonges, tel que le conte de saint Denis décapité, et portant sa tête dans son abbaye?

Répudier les saints, c'était répudier le christianisme; car pour les masses, la religion consistait dans un paganisme chrétien, le culte des demi-dieux dont la superstition a peuplé le paradis. Applaudissons donc à la commune de Sèvres qui vient faire hommage à la Convention de l'argenterie de son église,

(1) Moniteur du 3 novembre 1793.

(2) L'abbé Gaume, la Révolution, t. I, pag. 128.

en disant « On n'immolera plus de victimes humaines aux dieux imaginaires. Le Dieu républicain, c'est la liberté : Vive la République une et indivisible! » Une foule de communes en firent autant. L'abbé Gaume dit qu'ils assaisonnèrent leurs offrandes de la plus révoltante impiété. Nous allons transcrire un de ces discours; pour notre part nous le préférons à ceux qui se font dans nos campagnes par les oints du Seigneur: « La commune de Clamart se félicite de n'être pas la dernière à venir déposer aux pieds de la sagesse nationale les hochets de la superstition et l'arsenal du fanatisme. Et nous aussi nous avons la gloire de partager le saint catholicisme de la raison. Législateurs, qu'avec ces brimborions sacrés, ces puériles pagodes, disparaissent pour jamais les arlequins célestes qui ont stupéfié la plupart des hommes depuis dix-huit siècles! Plus de ministres, plus d'apôtres, plus de cultes; que chacun adore l'Etre suprême à sa manière : c'est un droit qu'il tient de la nature. La Patrie, voilà la Divinité d'un vrai républicain (1). »

Nous comprenons que le saint catholicisme de la raison ne soit. pas du goût de la réaction. La raison et le catholicisme sont in-compatibles. En 93, l'on adora la Raison. Il est vrai que le nouveau culte ne fut qu'une orgie; mais laissons de côté les excès, et pénétrons au fond des choses. Le dogme fondamental du christianisme traditionnel conduit chez les catholiques à la croyance d'un Dieu-pain ou d'un Dieu-farine qui souleva la colère et le dégoût des philosophes. Sous le règne de la Raison, on abandonna avec mépris le culte de la farine, et l'on crut que l'on honorerait davantage la Divinité par la pratique de toutes les vertus (2). Ge culte-là, s'il avait réellement été pratiqué, n'aurait-il point valu le culte catholique?

Les abbés prétendent que les excès de 93 furent inspirés par l'athéisme. Ils citent le discours de Dupont à la Convention; nous ne craignons point de le transcrire, bien que cette triste philosophie ne soit point la nôtre. « Quoi! disait Dupont, les trônes sont renversés et les autels sont encore debout! Croyezvous donc fonder et consolider la république française avec des

(1) Gaume, la Révolution, pag. 127.

(2) Grégoire, Histoire des Sectes religieuses, t. I, pag. 42.

[ocr errors]
[ocr errors]
« ZurückWeiter »