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« Les évêques refusèrent, dit le marquis de Ferrières, de se prêter à aucun arrangement, et, par leurs intrigues coupables, ils fermèrent toute voie de conciliation, sacrifiant la religion catholique à un attachement condamnable à leurs richesses (1). » Ils ne se bornèrent pas à des intrigues secrètes; les plus osés, les enfants terribles, lancèrent des mandements dès les premiers jours de la Révolution, alors qu'on n'avait pas encore parlé d'un changement dans l'organisation de l'Église (2). Quand parurent les décrets sur la constitution civile du clergé, les hauts prélats, au lieu de s'affliger de cette entreprise sacrilége, l'exploitèrent dans l'intérêt de la contre-révolution. L'aveu échappa à l'abbé Maury, en pleine assemblée. Cazalès parlait contre un projet de loi qui tendait à assurer la prestation du serment. Maury l'interrompit : « Laissez porter le décret, dit-il, nous en avons besoin; encore deux ou trois comme cela, et tout sera fini (3). » Les hauts prélats émigrèrent, et dans quel but? quelles étaient leurs espérances? Faut-il le demander? On peut lire leurs lettres dans le recueil publié par le savant Theiner. Il y a une de ces pièces qui est caractéristique, et qui suffirait à elle seule pour démentir les imprudents défenseurs de l'Église; car l'altération de l'histoire, si elle est un crime, est aussi une imprudence; elle tourne toujours contre ceux qui se la permettent. C'est un Mémoire que l'abbé Maury adressa au pape en 1793. Le pape, selon le projet du grand ora. teur catholique, écrit au roi de France : « Sa Sainteté craindrait de blesser la juste confiance qui est due aux sentiments du dépositaire de l'autorité royale, si elle méconnaissait assez sa justice pour croire avoir besoin de lui demander le rétablissement du clergé séculier et régulier, dans son ancien état, DANS SES BIENS, dans ses honneurs et dans ses prérogatives (4). »

Que l'on compare ce langage avec celui des historiens catholiques, et que l'on décide ce que l'Église peut gagner à une apologie qui est en contradiction avec tous les faits. C'est ajouter l'hypocrisie au mensonge. Nous devons ajouter que les évêques donnèrent l'exemple des vertus catholiques. Ils se gardèrent bien,

(1) Ferrières, Mémoires, liv. VIII.

(2) Voyez la première partie de cette Etude, (T. XIII, pag. 443, ss.). (3) Moniteur du 28 janvier 1791.

(4) Theiner, Documents inédits, t. I, pag. 420.

ces saints personnages, de se plaindre de la spoliation consommée par le décret qui mettait le patrimoine de l'Église à la disposition de la nation. Mais les chanoines se chargèrent d'éclairer les fidèles sur les vrais sentiments du clergé. Le chapitre de Lyon, « fondé sur toutes les lois divines et humaines, » protesta contre le décret et déclara audacieusement qu'il s'opposait à toute vente, échange ou aliénation qui pourraient être faits des biens, droits et revenus de l'Église. D'autres chapitres suivirent ce bel exemple; ils appelèrent le despotisme de l'antique royauté en garantie de leurs prétendues propriétés. On lit dans un rapport fait à l'Assemblée nationale: << Vous trouverez dans ces protestations la bassesse et la cupidité invoquant la tyrannie; vous y trouverez le secret de cette coupable association des prêtres avec les cours qui, depuis tant de siècles, a causé le malheur des peuples et la honte de la religion. >> Il n'y a pas jusqu'aux malheureux curés, que les hauts prélats, dans leur insolence, qualifiaient de bas clergé, les curés qui vivaient de privations sous l'ancien régime, tandis que les évêques nageaient dans le luxe, les curés mêmes prêchaient contre la vente des biens ecclésiastiques. On lit dans le même rapport: «Tels curés damnaient impitoyablement ceux qui acquerraient des biens ecclésiastiques, et ceux mêmes qui se prêteraient aux opérations préliminaires de la vente; ils déclaraient que ni eux, ni les évêques, ni le pape, fût-ce au moment de la mort, ne pourraient donner l'absolution d'un pareil crime (1). » Il faut plaindre les malheureux égarés par le fanatisme. Les grands coupables sont ceux qui répandaient l'erreur dans l'intérêt de leur domination. Et le plus coupable parmi ces coupables, c'était le pape, le vicaire infaillible de Dieu, qui au lieu d'éclairer les consciences les viciait. Il écrit à l'archevêque de Sens que le décret qui met les biens ecclésiastiques à la disposition de la nation, est un sacrilége condamné par les papes et les conciles, que c'est l'hérésie d'un fameux hérésiarque, de Marsile de Padoue (2). Ainsi le chef de la chrétienté enseigne aux fidèles à confondre les biens avec la foi. N'est-ce point avouer que pour l'Église la foi ne consiste que dans les biens?

(1) Rapport de Voidel. (Histoire parlementaire de la révolution t. VIII, pag. 110-113.) — Moniteur du 28 novembre 1790.

(2) Theiner, Documents inédits, t. I, pag. 9.

Voilà la vérité sur l'opposition que le clergé fit à la Révolution. Il faut y ajouter, et c'était là le grief par excellence des révolutionnaires, que dès l'origine, avant la constitution civile, avant le décret sur les biens ecclésiastiques, les évêques firent une sourde guerre à tous les principes nouveaux. Les contemporains le disent, et les actes du clergé confirment leur accusation. Il aurait fallu le plus impossible des miracles, pour convertir subitement à la liberté, à l'égalité, des prélats qui, jusqu'à la veille de 89, avaient combattu toute innovation politique. Avant que le pape eût flétri la libre pensée, les évêques de France l'avaient condamnée. On lit dans le mandement de l'évêque de Tréguier: « Par un abus dé-* plorable de la liberté, on veut que chacun puisse penser tout ce qu'il lui plaira. » Ainsi, aux yeux des hauts prélats, c'est un déplorable abus de la liberté que le droit de penser librement! Faut-il s'étonner, si les amis de la liberté prirent en haine une Église qui aurait détruit la liberté dans son berceau, si elle en avait eu la puissance!

Au mois d'avril 1792, le ministre de l'intérieur signala officiellement les coupables menées du clergé : « Les querelles du sacerdoce, dit Roland, désolent le royaume; les opinions religieuses servent de prétexte à tous les troubles; mais l'amour des richesses et de la domination, la haine d'une constitution établie sur les bases de l'égalité en sont les véritables motifs. Des prêtres factieux et hypocrites, couvrant leurs desseins et leurs passions du voile sacré de la religion, ne craignent pas d'exciter le fanatisme et d'armer du glaive de l'intolérance des citoyens égarés. Les trop crédules ha bitants des campagnes cèdent à des suggestions perfides (1)..... » Là où le peuple était pour la Révolution, dans les grandes villes, il poursuivait les prêtres insermentés de ses malédictions, et ne lui permettait pas de célébrer son culte : « La raison en est, disent les Révolutions de Paris, que cette horde est encore possédée de l'esprit de tyrannie qui distingua toujours l'ancienne Eglise, et ne sert que son ambition et sa haine (2). »

Nous avons rétabli la vérité sur les sentiments du clergé pour la Révolution, afin que l'on comprenne l'explosion de haine qui

(1) Lettre du ministre de l'intérieur aux agents du pouvoir exécutif. (Révolutions de Paris, n° 114, 7 avril 1792, pag. 77.)

(2) Révolutions de Paris, n° 99, 28 mai 1791, pag. 379.

éclata contre l'Église et contre le catholicisme, sous l'Assemblée législative, et qui alla en grandissant sous la Convention. Puisque le clergé est l'ennemi mortel de la Révolution, périsse le clergé! Tel fut le cri de tout ce que la France possédait d'hommes libres. Nous allons transcrire leurs invectives, parce qu'elles renferment le plus grave des enseignements; la leçon s'adresse à l'Église et à nous, hommes du dix-neuvième siècle. Nous n'avons plus la franchise de nos passions, mais que l'Église ne s'y trompe pas! Nos passions sont toujours celles de 92: c'est la liberté qui est notre religion. Malheur à l'Église, si elle se met en opposition avec ce besoin irrésistible des sociétés modernes ! Or, l'Église n'a point changé, et elle ne changera point, malgré quelques voix isolées dont on peut contester la compétence et même la sincérité. L'Église sera brisée, si elle ne parvient pas à se transformer. Faut-il ajouter que l'œuvre de transformation ne doit point consister à faire mentir l'histoire en représentant le catholicisme comme partisan, comme fondateur de nos libertés? Il faut qu'elle transforme ses croyances, si elle veut se concilier avec les aspirations de l'humanité. Si elle ne le veut, ou si elle ne le peut, eh bien, alors les hommes du dix-neuvième siècle et ceux de l'avenir s'inspireront des fortes haines de la Révolution, et ils consommeront l'œuvre que leurs pères ont commencée. Voilà pourquoi nous transcrivons les furieuses attaques des révolutionnaires contre le catholicisme.

Écoutons d'abord François de Neufchâteau. Il relève l'opposition qui existe entre la constitution que la France s'est donnée et les prétentions du clergé insermentaire qui se prétendait seul catholique et qui, en effet, était seul avoué par le pape : « Quand je lis la constitution, j'y vois le principe que toute souveraineté réside dans la nation, que tout citoyen est admissible aux fonctions publiques; et je vois le clergé reconnaître au sein de l'État l'autorité d'une puissance étrangère, et prescrire pour un grand nombre de places des preuves de noblesse. Je lis dans la constitution que nul ne peut être inquiété pour ses opinions religieuses. Le clergé invoquera-t-il le bienfait de cette loi, lui qui a couvert la France de meurtres et de carnages; lui qui a inventé l'inquisition, lui qui a dispersé les cendres de Descartes ; lui qui a vendu par grâce une portion de terre pour couvrir les restes de Molière, le premier

génie libre du siècle de Louis XIV! Je vois dans la constitution que pour l'entretien de la force publique et les dépenses de l'administration, une contribution commune est indispensable, et je lis dans l'histoire du clergé dissident que, pendant mille cinq cents ans, il a refusé le paiement des contributions, que toujours il a réclamé des immunités. Je lis dans la constitution qu'il n'y a plus pour aucune partie de la nation, ni pour aucun individu, aucun privilége, ni exception au droit commun de tous les Français; or, c'est ce que le clergé dissident n'entendra jamais ; il regrette l'existence de ses priviléges, de ses exemptions, il voudrait les ressusciter. Il n'y a plus dans la constitution de corporation; or, l'esprit du clergé dissident est de faire une corporation. Doit-on souffrir qu'un culte qui tend à faire une corporation, existe sans se soumettre à la loi qui détruit les corporations? La constitution porte que les biens du ci-devant clergé sont à la disposition de la nation; or, les dissidents abusent de l'empire invisible qu'ils exercent sur les consciences pour effrayer les acquéreurs, pour leur persuader qu'ils se rendent coupables du plus grand de tous les crimes. Je demande à tout esprit sensé, si la liberté de conscience qu'ont l'air de réclamer ces prêtres, n'est pas la liberté de faction et de sédition (1)? »

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Il n'y a pas un mot dans cet acte d'accusation qui ne soit l'expression de la vérité. Le catholicisme est incompatible avec la souveraineté de l'État; c'est grâce à la Révolution française qu'il a cessé légalement d'être une corporation en dehors et au dessus, de l'État; mais il trouve moyen de violer la loi, sournoisement, quand il ne peut pas le faire ouvertement. Pendant la Révolution le clergé catholique se mit en révolte contre le nouvel ordre de choses. Les révolutionnaires, et nous ne parlons pas des hommes de 93, voyant que les prêtres étaient inalliables avec la Révolution, proposèrent de les bannir en masse du sol de la France rgéénérée. Ce fut Vergniaud qui fit cette proposition, d'un ton moitié sérieux, moitié plaisant : « En général, dit-il, rien n'est plus immoral que d'envoyer dans un gouvernement voisin les coupables dont une société veut se délivrer. J'observerai cependant que ce principe ne paraît pas rigoureusement susceptible

(4) Moniteur du 30 novembre 1791.

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