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més est assurée. L'on dira qu'ils violaient la loi. Cela est vrai, et la violation des lois est toujours un mal, mais quand le législateur foule aux pieds les droits de l'homme, quand il veut le dépouilter de la liberté la plus sacrée, celle de sa conscience, alors il est bon qu'il éprouve de la résistance: ce sont ces héroïques révoltes qui ont sauvé l'avenir de l'humanité, car il n'y a point de vie sans liberté.

Louis XV se souciait fort peu que des prédicants baptisassent et enterrassent. Pour se concilier son appui, sans lequel, le clergé n'avait pas honte de le dire, il ne pouvait arrêter le progrès de l'hérésie, l'Assemblée dénonce les huguenots comme étant toujours prêts à se révolter. « C'est sous ce caractère, dit le Mémoire, qu'ils sont représentés dans la déclaration de 1724 ils ne sont occupés, y est-il dit, qu'à exciter les peuples à la révolte. L'expérience des siècles passés l'avait appris. Il y a deux cents ans que trois ou quatre novateurs, dont la licence ne fut pas d'abord réprimée, remplirent l'Europe de trouble et de confusion. On doit craindre les mêmes malheurs, si on laisse les peuples en proie à ceux qui ont hérité de leurs principes. » Nous citons ces paroles pour apprendre aux hommes du dix-neuvième siècle, quelle confiance ils doivent attacher aux déclarations et aux protestations du clergé. Dire, en 1750, que les réformés étaient toujours prêts à s'insurger, c'était se moquer du bon sens. Les calvinistes auraient été très heureux si on les avait tolérés: comment faibles, opprimés, dispersés, auraient-ils pu songer à une insurrection?

Quel était le remède au mal déploré par le clergé de France? Il était plus facile de combattre les huguenots que les philosophes. Louis XIV avait rendu contre eux une série d'édits odieux que Louis XV réunit dans sa déclaration de 1724. Il s'agissait de tenir la main à l'exécution des lois. Quelles lois, grand Dieu! Les catholiques de nos jours prétendent que l'Église n'a jamais persécuté cette sainte mère est toute charité! En effet, celui qui persécute par charité, ne persécute point. Écoutons l'assemblée générale du clergé : « Par l'article 3 de la déclaration de 1724, les religionnaires sont obligés de faire porter à l'église dans les vingt-quatre heures, leurs enfants pour y être baptisés. Cet article a été exécuté jusqu'en 1743, époque funeste du changement. Depuis ce temps, ceux de la religion prétendue réformée, réser

vent cette fonction à leurs prédicants. Ils aiment mieux exposer leurs enfants à mourir sans baptême, que de les faire porter à l'église. » Cela ne s'appelle point persécuter! Il est vrai que l'on fait violence aux convictions religieuses, mais c'est une salutaire violence; il s'agit de sauver les enfants de la damnation éternelle, et la fin justifie les moyens ! L'assemblée du clergé finit par demander à Louis XV l'exécution rigoureuse de la déclaration de 1724: «<les prédicants disparaîtront, les assemblées cesseront, les anciens et les nouveaux catholiques ne seront plus tentés d'abandonner l'Église; les prétendus réformés y reviendront (1). » C'est la violence légale, la plus odieuse de toutes, mais qu'importe ! L'essentiel, c'est de sauver les âmes, et de maintenir la domination du clergé.

Depuis 1750, le clergé de France ne se réunit plus, sans dénoncer au roi les entreprises des religionnaires, sans solliciter de la piété de Louis XV l'exécution sévère des lois les plus odieuses qui aient jamais été portées. C'est une fatigante répétition des mêmes doléances et des mêmes réclamations. Quelques traits, qui révèlent l'esprit de l'Église, suffiront à notre but. Les philosophes attaquaient la révocation de l'édit de Nantes, comme un attentat contre la liberté de conscience, et comme un acte funeste aux intérêts de la France. Là où les libres penseurs blâment, les évêques et les abbés louent : « Sire, votre auguste prédécesseur a fait triompher dans ce royaume la religion catholique des plus formidables ennemis qui l'y eussent attaqué depuis le commencement de la monarchie. La révocation de l'édit de Nantes a porté un coup mortel à l'hérésie de Calvin. Des esprits légers et superficiels, de prétendus politiques ou philosophes, des chrétiens chancelants dans la foi, ont osé critiquer une démarche profondément méditée dans le conseil de ce grand roi, et aussi nécessaire au repos du royaume qu'à l'affermissement de la vraie religion. Nous ne suivrons pas ces téméraires censeurs dans leurs écarts, sur les divers dommages que la France a soufferts selon eux, par la révocation de l'édit de Nantes. » Qu'est-ce en effet que des pertes matérielles, en comparaison d'un bien inestimable, l'unité de foi? Cependant le clergé est obligé d'avouer que l'unité de foi est

(1) Procès-verbaux, t. VIII, 4" partie, pag. 344, 346.

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une fiction, que l'hérésie subsiste et qu'elle gagne même de nouvelles forces. A quoi donc a servi la révocation de l'édit de tolérance de Henri IV? A démontrer l'impuissance de la force, quand il s'agit de croyances, à prouver que la liberté de conscience est plus qu'un droit, que c'est une nécessité. Le clergé ne l'entendait pas ainsi, Ce que nous considérons comme un droit, le plus naturel de tous, puisque nous le tenons de Dieu, il le réprouve comme une aberration d'hommes qui dans leur aveuglement osent s'élever contre les saints Pères et contre les conciles généraux (1). Voilà ce que le clergé disait au roi en 1760. La tolérance gagnait tous les jours au sein de la société laïque; le clergé seul s'obstinait dans des sentiments qui répugnaient à l'humanité, cette religion du dix-huitième siècle. En 1765, l'Assemblée dit dans un mémoire sur les entreprises des religionnaires : « Votre Majesté a constamment rejeté les différents systèmes de tolérance, exposés dans une foule d'écrits répandus dans le public elle les regardera toujours comme inventés pour renverser toutes nos lois et y substituer, sous prétexte d'humanité et de bienfaisance, des principes de révolte et d'anarchie, et comme capables de ramener ces temps désastreux, où l'hérésie, toujours ennemie de l'autorité, osa lui déclarer la guerre, commit tant de violences, renversa les autels et ébranla le trône (2). »

Si la tolérance est un crime, il faut dire que l'intolérance est un devoir. Telle est en effet la doctrine des saints Pères et des conciles dont le clergé invoquait l'autorité contre les novateurs. Les conciles et les Pères, logiques dans leur intolérance, n'avaient reculé devant aucun excès de la force : les bûchers de l'inquisition, les croisades contre les hérétiques, la Saint-Barthélemy et les guerres de religion nous montrent où aboutit l'unité de foi considérée comme loi d'État. Que voulait le clergé au dix-huitième siècle? Il prêchait l'intolérance, et il n'osait point accepter les conséquences de ses principes. « Nous connaissons, dit-il, la douceur de l'Évangile, et nous nous faisons gloire de la pratiquer. Ce ne sont point des actes de rigueur que nous sollicitons. A Dieu ne plaise que nous cherchions à armer contre vos sujets votre bras

(1) Procès-verbaux, t. VIII, 4" partie, pièces justificatives, pag. 294, 295. (2) Ibid., 2 partie, pièces justificatives, pag. 460.

vengeur! Nous cherchons à sauver nos frères. Nous sommes leurs pasteurs, ils nous sont chers, puisqu'ils sont le prix du sang de Jésus-Christ, et nous nous estimerions heureux de répandre le nôtre pour leur salut. C'est uniquement pour exercer LIBREMENT notre ministère à leur égard, que nous nous bornons à solliciter auprès de Votre Majesté l'exécution des lois (1). »

Est-ce hypocrisie? est-ce aveuglement? Quoi! Vous ne sollicitez pas des mesures de rigueur, en demandant l'exécution sévère des édits de Louis XIV contre les huguenots! Et parmi ces mesures, il y a une loi qui punit de mort les ministres réformés! La mort était un excellent moyen de faire disparaître les prédicants; et la mort n'est pas une mesure de rigueur! Effectivement, selon la doctrine de votre Église « la persécution est un acte de charité.» Louis XIV accumula ces actes de charité, les dragous devinrent des missionnaires, les nouveaux convertis furent contraints d'aller à la messe. Ce n'étaient pas des mesures de rigueur, c'était la douceur de l'Évangile! Il vous faut cette odieuse législation qui enlève l'enfant à sa mère, qui met le mari aux galères, et sa femme dans un couvent, pour pouvoir exercer librement votre ministère ! Vous n'êtes donc libres que pour autant que les réformés soient dans les chat→ nes! Vous ne pouvez prêcher la parole de Dieu qu'accompagnés du bourreau! Si au moins vous ouvriez les yeux sur le résultat de votre charité et de votre douceur. Vous voilà à l'œuvre depuis bientôt un siècle, et vos prétendus convertis sont restés attachés à la foi de Calvin! Pour les convertir, que demandez-vous? Ces mêmes mesures de douceur qui ont si bien réussi à Louis XIV!

En 1770, nouvelles représentations au roi sur les entreprises hardies et multipliées des gens de la religion prétendue réformée. « Quel spectacle, sire, pour la religion, que de voir dans un royaume catholique élever autel contre autel! renouveler des erreurs si dangereuses et si souvent proscrites (2)! » La conclusion de ces jérémiades, quelle est-elle ? Toujours l'appel à la force, bien que l'impuissance de la force soit aussi évidente que la lumière du jour! Nous disons que le clergé demanda l'emploi de la force. En effet, en 1775, il cita dans ses remontrances les

(1) Procès-verbaux, t. VIII, 2 partie, pièces justificatives, pag. 462. (2) Ibid., pag. 566, 567.

paroles de Bossuet : « Le prince, dit un grand évêque de l'Église gallicane, doit employer son autorité à détruire dans son État les fausses religions. Il est ministre de Dieu : ce n'est pas en vain qu'il porte l'épée; il est le protecteur du repos public qui est appuyé sur la religion et il doit soutenir son trône, dont elle est le fondement. >> Voilà la doctrine de la persécution concentrée en quelques lignes! Cependant cette même assemblée proteste que les ministres de Dieu ne songent pas à armer le bras du roi contre les sectateurs de l'hérésie (1). Dire au roi qu'il porte l'épée pour détruire les fausses religions, ce n'est pas armer le bras du roi contre les religionnaires! Si le clergé ne veut pas de persécution, il doit vouloir la tolérance civile; est-ce là le sentiment de l'Assemblée? On prétend que l'Église a toujours accepté la tolérance civile. Écoutons les évêques et les abbés de France, presque à la veille de la révolution. Il y avait un cri général en faveur de la tolérance; l'Assemblée supplie le roi de se refuser constamment à ces clameurs : « On essaiera en vain, Sire, d'en imposer à Votre Majesté, sous de spécieux prétextes de liberté de conscience; en vain, par de fausses peintures des avantages d'un règne de douceur et de modération, voudrait-on intéresser la bonté de votre cœur, vous persuader d'autoriser ou du moins de tolérer l'exercice de la religion prétendue réformée; vous réprouverez ces conseils d'une fausse paix, ces systèmes d'un tolérantisme, capable d'ébranler le trône et de replonger la France dans les plus grands malheurs (2). »

Nous sommes à la fin de l'ancien régime; la révolution approche, et le clergé s'obstine dans son aveuglement; il ne voit dans l'opinion publique qui gronde que de vaines clameurs, dans la tolérance qu'une fausse paix; il invente un mot barbare, le tolérantisme, pour flétrir une doctrine d'humanité ! Il y eut encore une assemblée générale en 1780; le langage des évêques est toujours le même; ils repoussent la liberté des cultes; ils soutiennent qu'elle mettrait en danger l'autel et le trône. La philosophie n'a exercé aucune influence sur le clergé, sauf que la tendance irrésistible des idées nouvelles ne lui permet plus d'invoquer ouvertement la violence. Il proteste, au contraire, que l'état ecclésiastique est de

(1) Procès-verbaux, t. VIII, 2o partie, pag. 2609; pièces justificatives, pag. 712. (2) Idem, ibid., pag. 713.

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