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yeux aux simples d'esprit de la cour pontificale. La ruse devint fatale à Galilée. On fit accroire au pape que c'était lui que l'auteur avait fait parler sous le nom de Simplicius. Le vicaire infaillible de Dieu, un simple! Ce trait seul méritait le bûcher. Quand les oints du Seigneur s'aperçurent qu'ils avaient été bernés, leur fureur ne connut plus de bornes; ils crurent effacer la honte du ridicule par une persécution odieuse. Les jésuites se distinguèrent dans cette guerre faite à un homme de génie. Plus prudents que les dominicains, ils travaillèrent dans l'ombre, disant aux personnages influents « que le dialogue de Galilée était plus abominable et plus pernicieux pour l'Église que les écrits de Luther et de Calvin (1). » Est-ce que par hasard les révérends ne professeraient point aujourd'hui ces abominations? Les prudents de l'ordre reprochèrent à Galilée son imprudence, c'est à dire la passion qu'il mettait à maintenir la vérité; ils auraient voulu qu'il ne la soutînt que comme une hypothèse. Tel était notamment l'avis de Bellarmin (2). Admirons la foi de ces saints personnages! Le mouvement de la terre est-il une hérésie? En ce cas pourquoi le cardinaljésuite permettait-il de la défendre à titre d'hypothèse? Il ne croyait donc point que ce fût une hérésie. Dès lors c'était une vérité : et il ne veut pas qu'on l'enseigne! Il faut mentir à Rome pour faire son salut!

Ce qu'il y a de curieux, c'est que les défenseurs de l'Église compromettaient sa cause, et Galilée la sauvait autant que la chose est possible. On lit dans une lettre du savant Florentin ; « Si l'on parvenait à établir à l'aide des textes sacrés que c'est une hérésie de soutenir que la terre se meut, et qu'ensuite l'observation vînt à démontrer nécessairement qu'elle se meut, dans quel embarras ne mettrait-on pas l'Église? Si, au contraire, l'on s'en rapportait à l'expérience, l'autorité des livres saints n'en serait pas atteinte, puisque, pour se mettre à la portée de tous, elle a souvent attribué à Dieu lui-même des qualités indignes de la Divinité. Pourquoi voudrions-nous donc qu'en parlant du soleil et de la terre, elle ne se fût pas conformée à la vulgaire ignorance? Que la terre se meuve, et que le soleil reste immobile, cela ne porte aucune

(1) Libri, dans le Journal des Savants, 1841, pag. 205.
(2) Biot, dans le Journal des Savants, 1858, pag. 400-403.

atteinte à l'Écriture, qui parle dans le sens de ce qui frappe les yeux de la multitude. Il y a plusieurs années que j'écrivis assez longuement, pour montrer, d'après l'autorité d'un grand nombre de Pères, combien il y a d'abus à s'appuyer des livres saints dans les questions naturelles (1). »

Voilà ce que l'on appelle l'erreur théologique de Galilée. Cette erreur est aujourd'hui le thème banal des défenseurs de l'Église. Nous leur répondrons, avec les libres penseurs : « Vous avez soutenu la divinité de l'Écriture, dans tout ce qu'elle contient, tant que vous avez eu la force en main. C'est depuis que la science, selon la prédiction de Galilée, a prouvé que la prétendue parole de Dieu fourmille d'erreurs de toute espèce, que vous avez été obligé de battre en retraite. Mais il est trop tard. Bruno et Galilée sortent de leurs tombes pour témoigner contre vous. Ils vous rappellent qu'eux vous ont offert cette planche de salut et que vous l'avez repoussée par le bûcher et par la prison. Il fallait saisir avec empressement le compromis; il vous eût, non pas sauvés pour toujours, cela est impossible, mais il eût prolongé votre empire. Au lieu de cela, vous avez donné gain de cause à vos ennemis; vous vous êtes perdus vous-mêmes, en aveugles que vous êtes; et pour montrer bien clairement combien vous abusez le genre humain, c'est votre chef, l'infaillible, qui dans le procès de Galilée a fait preuve d'une ignorance et d'une outrecuidance également prodigieuses ».

C'est ce que nous allons établir d'après le témoignage du savant académicien qui a publié la Vérité sur le procès de Galilée. Blessé dans sa vanité, le souverain pontife, aussi ignorant que les moines, voulut mettre son infaillibilité à couvert par une censure. Urbain VIII avait été l'ami de Galilée; mais la vérité lui était plus chère que l'amitié! << Il regrettait, disait-il, d'affliger un homme avec lequel il avait mangé plusieurs fois à la même table; mais il s'agissait de la foi et de la religion. » Ajoutez-y la domination. L'ignorance de cet infaillible est réellement délicieuse! Il disait que « soutenir que la terre tourne autour du soleil, c'était entreprendre sur la toutepuissance de Dieu et lui imposer des nécessités ! » Dans une entrevue avec l'ambassadeur de Florence, le saint-père déclara que « l'opi

(1) Journal des Savants, 1841, pag. 205.

nion de Galilée était contraire aux saintes Écritures, lesquelles ont été dictées ex ore Dei (1).» Le pape ne se doutait pas qu'à force de vouloir sauver la Bible, il la compromettait ainsi que l'autorité de son infaillible interprète. Galilée avait des partisans; ils demandèrent qu'il fût admis à se défendre devant l'inquisition. Urbain VIII répondit avec colère, que le saint-office censurait, mais qu'il n'entendait pas de défense. Quelle justice, grand Dieu! Et ces hommes osent invoquer ton nom et se dire tes organes! Urbain VIII ajouta que la doctrine du mathématicien de Florence était perverse au dernier degré. » Plus le pape se fâche, plus il flétrit une opinion qui est devenue une vérité banale, et plus il montre que la divinité de l'Écriture et sa propre autorité ne reposent que sur la crédulité humaine. Voilà pourquoi l'Église cultive avec tant de soin l'ignorance et la superstition. Voilà pourquoi elle voudrait tuer la libre pensée, mais elle a beau immoler les libres penseurs, la pensée ne se tue point: Bruno périt en vain sur le bûcher; Galilée continue

son œuvre.

Galilée avait soixante et dix ans, quand il fut cité devant le saintoffice; il dut se mettre en route pendant l'hiver pour s'entendre condamner par les imbéciles ou les hypocrites qui s'intitulent le saint-office. C'est ici que commence le chapitre des erreurs, et le triomphe des défenseurs de l'Église. L'on croyait que Galilée avait été mis à la torture. Un savant français a pris soin de prouver qu'il fut, au contraire, traité avec beaucoup d'humanité, grâce à la recommandation du duc de Florence. Les découvertes de M. Biot ont répandu la joie dans le camp ultramontain. Il n'y a point de quoi! Si l'Église a joué un si beau rôle dans le procès de Galilée, elle a un moyen bien simple de fermer la bouche à ses ennemis. Qu'elle publie les pièces originales du procès, comme elle en a contracté l'engagement! Tant qu'elle cachera la vérité, nous sommes autorisés à la croire coupable. Qu'importe après tout que Galilée n'ait pas été torturé! Il s'agit bien de cela dans ce scandaleux procès ! Il s'agit d'une dizaine de prêtres, nommés cardinaux, et Monsignori, il s'agit de ce sacré tribunal qui ose traduire devant lui un des bienfaiteurs de l'humanité, et qui a l'impudence de le condamner à rétracter la vérité, au nom d'une prétendue révéla

(1) Biot, dans le Journal des Savants, 1858, pag. 469, 548.

tion divine! Toutes les découvertes du monde, toutes les excuses imaginables ne détruiront pas et n'atténueront en rien ce fait, et il suffit pour ruiner l'Église et la révélation!

Les dix cardinaux, les princes de l'Église, décident donc que «< c'est une proposition absurde, fausse en philosophie et formellement hérétique, parce qu'elle est expressément contraire à l'Écriture sainte, de prétendre que le soleil soit immobile. » En effet, Josué n'a-t-il pas arrêté le soleil? Preuve, ex ore Dei, par la bouche de Dieu, que le soleil marche, et que c'est lui qui se meut autour de la terre. Nos dix lumières de l'Église décident encore « que c'est une proposition absurde et pour le moins erronée en foi, de soutenir que la terre n'est pas le centre du monde, qu'elle n'est pas immobile et qu'elle a un mouvement diurne (1). » Si au moins ces saints personnages s'étaient contentés de déclarer la vérité hérétique! La vérité est habituée à passer pour une hérésie, et par contre la théologie est en possession de passer pour une niaiserie. Mais les dix princes de l'Église voulurent se donner l'air d'être des philosophes. Ils décidèrent qu'une vérité mathématique était fausse en philosophie. En philosophie catholique, bien entendu !

Le fameux mot de Galilée Elle tourne cependant, est une invention de ses admirateurs. Il est plus facile d'inventer des mots héroïques que de faire acte de courage. Loin de braver le saintoffice, le savant Florentin s'humilia; il s'abaissa jusqu'à signer cette rétractation: « Je jure, je maudis, et je déteste l'erreur du mouvement de la terre (2). » Galilée eut tort; il aurait dû suivre l'exemple de Bruno. Mais qui doit-on blâmer le plus, le bourreau qui extorque une lâcheté à sa victime, ou le vieillard septuagénaire qui, pour échapper au saint-office, dit un mensonge? S'il ne fut point torturé, toujours est-il que le saint-office lui arracha une rétractation, en le menaçant de la torture. Ainsi, au nom de la révélation, des princes de l'Église imposent un mensonge! Un mensonge pour sauver la révélation et pour sauver l'âme de Galilée ! Après avoir fait mentir Galilée, l'Église, ou du moins ses défenseurs font mentir l'histoire. Ils disent que le philosophe ne fut pas condamné pour des erreurs d'astronomie, mais pour avoir

(1) Biot, dans le Journal des Savants, 1858, pag. 615. - Parchappe, Galilée, pag. 236, ss. 261, ss.

(2) Biot, dans la Biographie universelle, au mot Galilée.

mal interprété l'Écriture. L'on est stupéfait de tant d'audace ! Il n'y a pas un mot dans les documents d'une fausse interprétation de l'Écriture; il y a la condamnation d'une vérité mathématique, prononcée dans l'intérêt de la foi par des aveugles qui ne comprenaient point qu'en condamnant Galilée, ils condamnaient la révélation et l'Église.

Les défenseurs de l'Église diront-ils que ce n'est point elle qui a prononcé la condamnation? Il est vrai que Galilée n'a pas été condamné par un condile, il ne l'a pas été par le pape, il l'a été par le tribunal de l'inquisition. Mais les dix cardinaux qui y siégeaient, n'étaient-ils pas les organes de l'Église? C'est après avoir invoqué le nom très saint de Notre-Seigneur Jésus-Christ et de sa très glorieuse Mère la sainte Vierge, que le saint-office condamna Galilée. C'est donc bien au nom de la révélation que la vérité fut flétrie et que l'erreur fut divinisée; que la sentence retombe sur tout ce que l'Église catholique qualifie de saint! Le jugement fut envoyé à toutes les églises. Il fut si bien pris au sérieux que des philosophes comme Descartes n'osèrent plus soutenir le mouvement de la terre, bien qu'à leurs yeux il fût mathématiquement démontré (1).. Nous maintenons donc la sentence prononcée par la postérité. contre l'Église. Écoutons Condorcet (2): « Dans le huitième siècle, un pape ignorant avait persécuté un diacre pour avoir soutenu lạ rondeur de la terre, contre l'opinion du rhéteur Augustin. Dans le dix-septième, l'ignorance bien plus honteuse d'un autre pape livra aux inquisiteurs Galilée, convaincu d'avoir prouvé le mouvement diurne et annuel de la terre. Le plus grand génie que l'Italie moderne ait donné aux sciences, accablé de vieillesse et d'infirmités, fut obligé, pour se soustraire au supplice ou à la prison, de demander pardon à Dieu d'avoir appris aux hommes à mieux connaître ses ouvrages, à l'admirer dans la simplicité des lois éternelles par lesquelles il gouverne l'univers. » Tel est l'arrêt de la philosophie: la révélation et l'Église ne s'en relèveront pas.

(1) Voyez le t. XII, de mes Etudes sur l'histoire de l'humanité. (2) Condorcet, Tableau des progrès de l'esprit humain, pag. 22.

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