Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

bilité de la révélation, ne sont qu'une illusion de la foi : l'homme est toujours ce qu'il était, en sortant des mains de Dieu, un être imparfait et faillible.

Nous arrivons à une conclusion bien différente de celle des apologistes du christianisme en supposant que Dieu veuille révéler la vérité aux hommes par voie miraculeuse, il faut qu'il la leur révèle comme à des êtres imparfaits, incapables de s'assimiler une vérité qui dépasse les forces de leur nature. Qu'est-ce à dire? Que la révélation faite à des êtres imparfaits participe nécessairement de leur imperfection. La vérité révélée ne peut donc être qu'une face de la vérité éternelle, telle que les hommes la peuvent concevoir, en tenant compte du développement intellectuel et moral auquel ils sont parvenus. Mais si la vérité, même révélée par Dieu, ne peut dépasser les forces de la nature humaine à une époque donnée, on ne comprend plus la nécessité d'une révélation miraculeuse. Pourquoi l'intervention directe de Dieu, pour enseigner aux hommes des vérités qui ne sont que l'expression de leur culture intellectuelle et morale? La raison et la conscience inspirées par Dieu suffisent à quoi bon intervertir les lois de la nature pour faire ce que la nature peut faire avec ses seules forces? Cela légitime le soupçon que la révélation a un autre objet que celui de communiquer la vérité aux hommes? N'est-ce point un moyen de domination? Ce serait le meilleur de tous, si les hommes restaient toujours crédules et ignorants.

Si l'homme est un être imparfait, il est aussi perfectible; ses sentiments s'épurent et s'élargissent, ses idées s'élèvent et se perfectionnent. Voilà encore un élément de la nature humaine dont il faut tenir compte, même en supposant que Dieu veuille révéler la vérité au genre humain. La révélation devrait être progressive: car il est impossible que la vérité imparfaite, révélée aux hommes dans leur enfance, leur convienne encore après que leurs sentiments se sont modifiés et que leurs idées ont grandi. De là la nécessité de révélations successives. Cela est si vrai, que les Pères de l'Église n'hésitent pas à enseigner que la révélation de Moïse était imparfaite, parce qu'elle s'adressait à un peuple encore inculte, et que la révélation chrétienne fit disparaître ces imperfections de la loi ancienne. Nous avons rapporté leurs témoi

gnages ailleurs (1). Ils s'appuient sur une autorité qu'il est impossible à un chrétien de récuser, sur les paroles de Jésus-Christ. Faut-il rappeler aux défenseurs de la vérité absolue les fameuses antithèses du Sermon de la montagne? Donc de l'aveu même du Fils de Dieu, la révélation est progressive. Qu'en diront les apologistes ?

Grand est leur embarras. Les Juifs n'ont cessé de se prévaloir contre le christianisme de l'idée de perfection qu'implique la révélation miraculeuse. Si Dieu prend la peine de révéler la vérité aux hommes, conçoit-on qu'il leur révèle des erreurs? et une vérité imparfaite n'est-elle pas mêlée d'erreurs? Ce n'est pas ainsi que Dieu a parlé à Moïse il lui a dit, et il répète sans cesse par la bouche des prophètes, que sa loi sera éternelle comme lui, immuable comme lui. Les Juifs en concluent que la révélation chrétienne est fausse par cela seul qu'elle prétend abroger la loi ancienne. Et si réellement la révélation implique la vérité absolue, nous ne voyons point ce qu'il y a à leur répondre. Les défenseurs du christianisme, n'osant plus se placer sur le terrain du progrès, comme les premiers Pères de l'Église, ont recours à une fiction. Car qu'est-ce autre chose que la distinction entre l'ancienne loi qui est la figure, la matière, et la loi nouvelle, qui est la réalité, l'esprit ? Cette distinction, qui doit prouver l'identité des deux lois, ne prouve-t-elle pas au contraire leur diversité, et le progrès accompli par la loi nouvelle? La réalité ne l'emporte-t-elle pas sur la figure? l'esprit sur la matière? Si l'on en veut induire l'identité des deux révélations, on aboutit à un véritable non-sens. Est-ce que la loi qui admet le talion, est identique avec la loi qui commande de supporter l'injure, et qui, loin de consacrer la vengeance, réprouve même la justice? Les deux lois sont identiques! Et les Pères de l'Église enseignent que l'observation des mêmes préceptes qui, sous l'empire de la loi ancienne, était une condition de salut, est un péché mortel sous l'Évangile!

Il faut revenir à la doctrine des saints Pères et proclamer hardiment que l'Évangile est un progrès sur la loi de Moïse; ce qui implique que la révélation est progressive de son essence. Que devient alors la prétention du christianisme d'être la vérité

(1) Voyez mes Etudes sur le christianisme.

éternelle, immuable? Pour que la révélation de Jésus-Christ fût le dernier mot de Dieu, il faudrait supposer que les causes pour lesquelles la révélation était progressive jusqu'à sa venue, cessèrent après la prédication de la bonne nouvelle. Cette supposition est une nouvelle absurdité. Pourquoi les Pères de l'Église admettent-ils un progrès dans la révélation? Parce que les idées des hommes se transforment sans cesse. Est-ce que par hasard il n'en est plus ainsi depuis l'établissement du christianisme? Est-ce que nos sentiments sont encore ceux des Juifs et des Gentils du temps d'Auguste? Croyons-nous encore aux démons et aux possédés, qui jouent un si grand rôle dans la vie du Christ et des apôtres ? Croyons-nous encore à la fin prochaine du monde? Nos notions sur le ciel et la terre sont-elles les mêmes? Les préjugés chrétiens sur le mariage, sur la propriété, sur les richesses, n'ont-ils éprouvé aucun changement? Si la société continue à progresser, la révélation aussi doit continuer à être progressive.

Cela est si évident que les catholiques, défenseurs par excellence de la vérité absolue et immuable, sont forcés d'admettre un développement de la vérité à travers les âges. Ce mot n'a pas de sens, ou il désigne, sous une autre forme, le principe du progrès. Comme les catholiques l'entendent, c'est une vraie chicane inventée pour le besoin de leur cause. Le moyen de croire que la Trinité soit un développement de l'ancienne loi, alors que les Juifs étaient les adorateurs zélés du Dieu un, et auraient repoussé comme sacrilége la pensée de lui donner un Fils et de lui associér une troisième personne! Que dire de l'immaculée conception? N'est-il pas ridicule de la représenter comme le développement de la croyance que Dieu a une mère, quand cette croyance est étrangère, non seulement à la loi ancienne, mais même aux premiers chrétiens, lesquels ne croyaient pas que Jésus-Christ fût Dieu? Que si l'on prend la théorie du développement dans ce sens que le passé prépare le présent, et que le présent engendre l'avenir, alors elle se confond avec la doctrine du progrès, et il faut lui donner son véritable nom, au lieu de la déguiser de façon à pouvoir nier le progrès, quand il gêne l'esprit de domination d'une Église ambitieuse. Rome n'acceptera jamais franchement le dogme de la perfectibilité, parce qu'il implique que le christianisme n'est pas le dernier mot de Dieu; et que deviendrait alors

la promesse faite à saint Pierre et à ses successeurs? Nous aboutissons toujours à l'intérêt de l'Église, comme au vrai principe de la révélation miraculeuse; si c'est la superstition qui lui a donné naissance, il est certain que c'est l'esprit de domination qui la maintient. Voilà pourquoi les zélés frémissent au seul mot de progrès. Pour trouver les germes de la révélation progressive, il faut quitter l'Église et nous adresser aux libres penseurs et aux chrétiens réformés.

II

On s'attendrait à trouver l'idée d'une révélation progressive dans le camp des libres penseurs. Ennemis nés d'une religion qui se dit l'expression de la vérité éternelle et immuable, ne doiventils pas arborer le drapeau du progrès contre l'immobilité de l'Église? Cependant, chose remarquable! les déistes anglais revendiquent pour leur religion naturelle le même privilége de perfection et d'immutabilité. Tindal et Bolingbroke s'évertuent à prouver que la loi naturelle existe dès l'origine du monde, que cette loi, émanée d'un être parfait, doit être parfaite, partant qu'elle ne peut éprouver aucun changement. Dieu n'est-il pas toujours et essentiellement le même? De son côté, l'homme est-il changé depuis qu'il est sorti des mains du Créateur? Si Dieu et l'homme sont les mêmes, les rapports entre le Créateur et sa créature, les relations des êtres créés entre eux doivent aussi être les mêmes. D'ailleurs on ne conçoit pas qu'un législateur, qui est la perfection, fasse une loi imparfaite. Si la loi émanée de Dieu se perfectionnait, ne serait-ce pas dire que Dieu lui-même va en se perfectionnant (1)?

On a de la peine à comprendre que les adversaires du christianisme révélé lui opposent une doctrine qui est sujette aux mêmes difficultés que la révélation. On se demande si les déistes n'ont pas un but caché quand ils disent que la religion naturelle est l'expression de la vérité absolue, immuable. Il y a du venin dans la doctrine de Tindal. A première vue, vous diriez un

(1) Tindal, Christianity as old as the creation, pag. 3, 60. — Bolingbroke, Philosophical works, t. V, pag. 189, ss.

apologiste de la religion chrétienne; il soutient qu'elle est identique avec la religion naturelle, et par conséquent aussi ancienne que le monde. Les orthodoxes n'ont pas tort de répudier cet allié, car c'est un ennemi. Non, le christianisme, tel qu'on l'entend à Rome et à Genève, n'est point la religion naturelle; car à quoi bon la venue du Christ, si les hommes possédaient depuis l'origine des choses une loi émanée de Dieu, dont l'Évangile ne serait que la répétition? Le Fils de Dieu se serait donc incarné pour faire une édition nouvelle, ni augmentée, ni diminuée, de la loi de nature? Que deviennent alors les mystères, cet élément essentiel de la révélation miraculeuse? Ces objections nous dévoilent le but secret des déistes, quand ils identifient la loi naturelle et la révélation.

Dans la doctrine des libres penseurs, la révélation n'a plus de raison d'être. L'insuffisance de la raison et des lois qu'elle établit est le grand argument des apologistes, pour prouver la nécessité de la révélation. Mais si le christianisme existait avant le Christ, à quoi bon un Dieu qui s'incarne pour apprendre aux hommes ce qu'ils savent? à quoi bon troubler l'ordre de la nature par des miracles sans nombre, pour enseigner aux hommes une loi de salut qu'ils connaissent? La révélation devient évidemment un hors d'œuvre; elle est plus qu'inutile, c'est une impossibilité morale. Il y a bien mieux. Avec le principe des déistes, il est facile de prouver que la révélation est une illusion, quand elle n'est pas un mensonge et un instrument de domination. La loi naturelle est parfaite, c'est la vérité absolue ; dès lors on n'en peut rien retrancher, sans la rendre imparfaite; et qu'y pourrait-on ajouter, sinon des croyances arbitraires (1)? Ici Tindal s'arrête. Nous allons compléter sa pensée. N'y aurait-il pas une révélation qui contient moins que la loi naturelle? Nous avons rappelé les violentes attaques des philosophes contre la loi ancienne. On la dit révélée, et elle garde le silence sur l'immortalité de l'âme! N'est-ce pas une preuve évidente que cette prétendue révélation n'est point révélée ? Conçoit-on que Dieu ait donné aux hommes la loi naturelle qui est parfaite, qui enseigne que l'âme est immortelle, et qu'ensuite il leur révèle par voie miraculeuse une religion impar

(1) Tindal, Christianity as old as the creation, pag. 10, 3-5.

« ZurückWeiter »