maisons qui y sont très-spécialement destinées': bénies soient-elles! Mais dans ceux mêmes de vos couvents où il y a des pensionnats, l'adoration eucharistique est et sera toujours largement pratiquée. Remerciez Dieu de ces immenses faveurs que vous accorde la sainte Église, de ces bénédictions si fréquentes, de ces jours, de ces nuits entières d'exposition. Oh! quelles divines écluses lâchées dans vos demeures! Vous n'avez pas seulement pour arroser le terrain qui vous porte un des fleuves du paradis, vous avez la source même d'où ils jaillissent tous quatre pour arroser la terre entière. Estimez bien ces heures eucharistiques; rendez vous dignes des entretiens qui peuvent et doivent remplir ces heures. Regardez-les comme des sabbats divins, comme des Assomptions véritables. Oh! n'est-ce pas là surtout que la terre vous paraît un désert, là que vous prenez appui sur votre bien-aimé, là que les délices coulent et vous inondent, là que vous devenez vous-mêmes une onction capable de guérir les langueurs, de cicatriser les plaies, de chasser les esprits malins, de faire miséricorde à toute misère, de répandre et de donner Jésus? Mais soyez de vraies adoratrices, adorant Dieu, comme Jésus le veut, « en esprit et en vérité2 ». Venez là bien moins pour obtenir de Dieu des grâces que pour rendre à Dieu des devoirs. Entrez dans les adorations de Jésus. Ce qu'il y avait de principal en sa vocation, de plus divin dans sa mission, de plus important dans sa tâche, et de plus glorieux dans sa vie, ce n'était pas de racheter le monde; c'était de payer à Dieu la dette d'adoration, de religion et d'amour qui oblige envers Lui toute sa création. Hen va de même pour vous qui continuez Jésus sur la terre. Joann., IV, 23. 1 Tel est le prieuré de l'Incarnation que les Dames de l'Assomption ont établi à Poitiers. Dieu prime tout dans vos devoirs : c'est à Lui avant tout que votre état se réfère. Le second commandement est semblable au premier, mais il n'est pas le premier. Soyez des institutrices très-fidèles, très-dévouées, très-prudentes; mais avant tout, soyez de fidèles, aimantes et courageuses adoratrices. Toute religieuse est une hostie en Jésus: comme Lui, c'est d'abord à Dieu que vous devez être une communion; ensuite vous en serez une à vos frères. Vous devez vous donner à eux, et en vous donnant ainsi, leur donner Dieu, car c'est Jésus qui, par la grâce, doit être votre substance. L'Église crie nuit et jour : « Que votre nom «soit sanctifié, que votre règne arrive, que votre volonté «se fasse partout 1». Vous devez pour votre part exaucer l'Église. Dieu à soif de la plénitude de Jésus : le ciel en est altéré, la terre n'a pas définitivement besoin d'autre chose, et Jésus dans sa gloire ne cesse d'interpeller son Père en disant Me expectant justi donec retribuas mihi : « Les justes « m'attendent en soupirant, jusqu'à ce que vous m'ayez « donné ce dernier complément que j'ai payé par mon sa«crifice » 2. Vous devez désaltérer Dieu, soulager la soif du ciel, contenter la terre et compléter Jésus. Vous devez être des signes dans le ciel, des femmes, des vierges revêtues du soleil, et rayonner sur la terre cette lumière qui est votre vêtement. Vous devez former le Christ dans les âmes, et d'abord dans vos chères élèves; le former par vos exemples, par vos enseignements; le former dans leur intelligence, dans leur cœur, dans leur vie : vous devez les mouler dans le Christ; le leur montrer partout, leur faire bien entendre qu'il est tout, Dieu et la création, le ciel et la terre, le principe et la fin, la vérité, la voie, la vie, la justice, la religion, la piété, le bonheur; la clef de tous les problèmes dont l'esprit cherche la solution, la grande loi de l'univers, la formule qui dit tout, le fondement qui porte tout, le foyer des intelligences, le terme de la science, la source de la liberté, la paix de l'amour, le nœud de l'union. Vous devez parler de lui sans cesse, non pas froidement, mais d'un cœur plein d'ardeur, avec un esprit rempli de foi intelligente, avec une âme pleine d'enthousiasme, de fierté et de paix, en même temps que d'humilité, de mansuétude et de miséricorde. Vous devez enseigner Jésus comme Jésus enseignait son Père, glorifier Jésus ici-bas comme Jésus glorifiait son Père. Il y a mille applications à faire de tout ceci; cela va à mille devoirs; mais je vous dis les principes, à vous d'en user. 1 1 Oh! quelle vie ! quelle œuvre ! Voici que vous êtes devenues« un spectacle aux anges et aux hommes 1». Il faudrait qu'on pût dire en regardant chacune de vous: Quæ est ista? Qui est celle-ci ? Elle ne ressemble pas aux autres. D'où vient-elle? Où va-t-elle? Qui est-elle ? Est-ce une fille du ciel ou une enfant de la terre ? « Qui est celle-ci «< qui monte du désert? » On dirait une fumée d'encens, tant elle prie, tant l'oraison est dans son âme intense et continuelle, tant sa vie monte toujours et intégralement vers Dieu, tant y vont ses pensées, ses désirs, ses amours! A toute heure elle passe outre. On lui parle des choses humaines, elle répond par un mot de Dieu. On lui montre un but passager, elle vous fait entendre en souriant que son trésor et son cœur sont déjà dans l'éternité. En la voyant vivre ainsi, si bonne, si ornée, si ruisselante de vertus et exhalant les parfums des excellences du Christ, on dirait que ce parfumeur céleste a épuisé en elle toutes les essences dont il dispose, et employé toute sa science à les mélanger 2. Comme la manne avait tous les goûts, cette âme a toutes les senteurs. Elle est joyeuse: rien qu'à la voir on est forcé Cor., IV, 9. - 2 Cant., III, 6. de confesser que Dieu est bon et doux, incomparablement bon et doux à ses pauvres créatures, et que, si les délices suprêmes ne sont encore que promises, l'amour ne se tient pas de commencer à combler ici-bas ceux qui le servent. Ah! le secret de tout ce qui se voit et se raconte, le secret de tout ce qui ne peut ni se raconter, ni se voir, c'est qu'elle est tout entière et à jamais appuyée sur son bien-aimé. Elle a trouvé un grand amour qui l'a irrémédiablement désenchantée de tous les autres; elle s'y est appuyée, elle y vit appuyée; c'est sa force, c'est sa terre, c'est son ciel, c'est son trône : « La gauche de son bien-aimé est déjà sous sa « tête; et sa droite est en train de s'abaisser sur elle pour · «achever de l'embrasser 1». Qui est-elle ? C'est la suivante, c'est la disciple, c'est l'enfant, c'est la sœur de la grande Assumée, de Marie, la Mère, l'Épouse et l'Unique de Jésus. 1 Fasse Dieu, mes Sœurs, que vous compreniez, que vous goûtiez et que vous pratiquiez toutes ces choses. ⚫ Cant., VIII, 3. POITIERS. TYPOGRAPHIE DE HENRI JDIN. |