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520. Sous la première race de nos rois, le royaume était partagé entre plusieurs frères. La guerre n'ayant lieu que sur le territoire même de la France, dans le but d'augmenter le patrimoine de tel ou tel prince régnant, on ne sentit pas la nécessité d'une marine. La puissance des rois se trouvait d'ailleurs limitée par celle des grands vassaux de la couronne qui possédaient la Bretagne, la Normandie, la Guyenne et la Provence; de sorte que, selon l'expression d'un chroniqueur (1), nos rois furent longue saison sans commander en aucune mer.

Depuis le commencement de la monarchie jusqu'à Charlemagne, il n'y eut que deux événements maritimes. Le premier eut lieu en 520 sous Théodoric. Ce prince, fils de Clovis, jouissait tranquillement de l'Austrasie (2) qui lui était échue en partage, lorsque son repos fut troublé par un essaim de pirates danois qui vinrent ravager son royaume. Ils avaient pour chef un roi danois que Grégoire de Tours appelle Cochilaicus et que les historiens danois ont prouvé être Guillach ou Godleik, roi tributaire de Fionie. Les pirates entrèrent dans la Meuse avec une flotte considérable, et portèrent la désolation chez les Hattewares ou Attuaires, tribu franke entre le Rhin et la Meuse. Théodoric envoya contre eux son fils Théodebert avec une armée de terre et une flotte. Ses navires, mieux équipés que ceux des Danois, attaquèrent l'ennemi avec tant de résolution, qu'ils lui enlevèrent presque tous ses bâtiments et le butin dont ils s'étaient chargés (3).

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735. Le second événement maritime se passa en 735. Charles Martel, qui n'avait encore combattu les Frisons

(1) Tillet, Recueil des traités.

(2) Oster-rike, Ostrie ou Austrasie, royaume de l'Est. L'Austrasie était la partie orientale de la Gaule septentrionale qui, seule, prit le nom de France. (3) Depping, Histoire des expéditions maritimes des Normands.

que par terre, soit du côté de la Belgique, soit par la France germanique, résolut de les attaquer du côté de la mer. A cet effet, il arma une flotte nombreuse, fit une descente dans les îles de Westrachie et d'Austrachie, noms qu'on donnait aux cantons oriental et occidental de la Frise proprement dite, que des marais et des rivières isolent de la terre ferme. La bataille fut livrée sur les bords de la rivière de Burde. Le duc Popon fut tué et les siens furent mis en dé

route.

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771. La marine prit un grand développement sous Charlemagne. Ce puissant monarque, qui avait reculé les limites de son empire au delà du Danube et du Rhin, prévit sagement que ses côtes allaient être exposées aux incursions des barbares. Dans le but d'empêcher leurs déprédations, il établit une marine et plaça des gardes-côtes bien armés à l'embouchure des rivières. Ses bâtiments battirent plusieurs fois ceux des Normands et des Sarrasins.

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814. Louis le Débonnaire et ses successeurs eurent peu à cœur l'entretien d'une marine; aussi virent-ils leurs États désolés par les incursions des Normands et des Sarrasins. Ceux-ci entraient dans les rivières et ravageaient les provinces qu'elles traversaient. Il fallait capituler avec eux pour les faire se retirer, et cela n'avait jamais lieu qu'à prix d'argent. Finalement, les Normands forcèrent les Français à les laisser s'établir dans le royaume de Neustrie (1), auquel ils donnèrent leur nom.

987. Les derniers Carolingiens, réduits par le mouve

(1) Ni-Oster-rike, Neustrie ou royaume de l'Ouest.

ment féodal qui s'organisait, à la seule ville de Laon, furent impuissants à s'opposer aux incursions des Normands et des Sarrasins. Il en fut de même des premiers rois capétiens qui, n'ayant d'autorité que sur l'Ile de France et l'Orléanais, ne pouvaient avoir de vaisseaux. La terre fut donc le seul théâtre des guerres qui agitèrent leur règne. Sous cette race, comme sous la précédente, l'officier de marine le plus élevé en grade se nommait d'abord préfet de la mer et des côtes, et ensuite capitaine de la mer et des vaisseaux.

1064. Les croisades, qui commencèrent sous Philippe I, obligèrent les Français à équiper des navires et la marine parut se rétablir en France. Toutefois, la majeure partie des navires et des marins qui furent employés à ces expéditions étaient Génois, Espagnols ou Vénitiens. Philippe n'entra pas personnellement dans la première croisade, mais il laissa à ses sujets la faculté de s'y engager. Un grand nombre de seigneurs français se croisèrent; ils passèrent l'hiver en Italie et, au printemps, ils s'embarquèrent avec les troupes qui les avaient suivis dans les ports de Bari, de Brindes et d'Otrante.

1149. Dans le courant de l'année 1149, Louis VII qui s'était croisé, revenant en France avec quelques bâtiments qu'il avait réunis au port de Saint-Jean-d'Acre, fut attaqué par la flotte des Grecs qui assiégeaient Corfou. Le navire que montait ce monarque fut pris, mais il fut délivré par la flotte de Roger, roi de Sicile, qui, à son tour, battit les Grecs et leur prit plusieurs navires.

1190.- Touché des misères qui accablaient les chrétiens de la terre sainte, Philippe-Auguste résolut d'aller en

personne les secourir. Il se croisa avec Richard, roi d'Angleterre, et le 24 juin 1190, il alla prendre l'oriflamme à Saint-Denis. La flotte sur laquelle il s'embarqua à Gênes fut dispersée par un coup de vent qui le força de relâcher en Sicile, où il passa l'hiver; il en repartit à la fin du mois de mars 1191. Le mauvais état de sa santé ne tarda pas à nécessiter son retour en France. Il mit à la voile le 31 juillet, après la prise de Saint-Jean-d'Acre, qui fut la première opération des croisés.

1214. Plus tard, voulant profiter du différend survenu entre Jean sans Terre et le pape, ce souverain fit un armement considérable pour faire la conquête de l'Angleterre. Ce projet n'eut aucune suite, le différend entre le roi Jean et Innocent III ayant cessé par l'hommage que le premier fit de son royaume au pape. Le comte de Flandre, qui devait se joindre à Philippe pour cette expédition, conclut alors un arrangement avec Jean sans Terre. Justement irrité de cette conduite, le roi de France entra sur les terres du comte, prit et saccagea plusieurs vilies. Ses navires, placés sous le commandement de Savary de Mauléon, mouillèrent dans le canal de Dam, au nord de Bruges, et cette ville, qui était le grand entrepôt de commerce de l'Angleterre, fut mise à sac. Le roi d'Angleterre envoya cinq cents bâtiments au secours de son nouvel allié. Le comte de Salisbury, qui les commandait, fit reconnaître la flotte française par des soldats déguisés en pêcheurs. Ayant appris que les équipages étaient à butiner à Dam, le comte de Salisbury fondit sur les navires français dégarnis et fit couper leurs câbles. Trois cents furent enlevés et envoyés en Angleterre; cent autres furent détruits. Désespérant de sauver le reste de ses bâtiments, Philippe-Auguste les livra aux flammes.

1216. La tyrannie du roi d'Angleterre et sa réconciliation avec le pape lui aliénèrent entièrement la principale noblesse de son royaume. Celle-ci prit une résolution désespérée : elle fit offrir la couronne d'Angleterre à Louis, fils de Philippe-Auguste, qui accepta et se dirigea de suite sur Sandwich avec sept cents navires. Jean sans Terre se porta à la hauteur de Douvres pour s'opposer à son passage; mais à la vue d'une flotte si considérable, il se retira et les Français purent effectuer leur débarquement.

Par une de ces révolutions si communes dans l'histoire, à la mort de Jean, Henri son fils fut proclamé roi d'Angleterre et les Anglais se tournèrent contre Louis. Une trêve conclue entre les deux princes permit à ce dernier d'aller demander des secours à son père, et il reprit bientôt la mer avec 80 gros vaisseaux qui avaient été placés sous les ordres du religieux défroqué Eustache le Moine. Les commandants des cinq ports (1) reçurent l'ordre d'aller à leur rencontre et de les empêcher d'approcher des côtes d'Angleterre. En conséquence, 40 bâtiments montés par l'élite des chevaliers anglais, sortirent de ces ports sous le commandement de Philippe d'Albenly. Le 27 août 1217, ils rencontrèrent la flotte française. Au lieu de l'attaquer de front, ainsi que cela se pratiquait d'habitude, ils manœvrèrent pour gagner le dessus du vent. Le combat s'engagea alors. La victoire ne fut pas longtemps douteuse la supériorité du nombre ne fut d'aucun secours aux Français. Peu exercés à la manœuvre et attaqués par des marins éprouvés, ils ne purent qu'opposer

(1) Guillaume le Conquérant, qui avait appris par la victoire même combien la force navale importait à la conservation de sa conquête, et la défense des côtes au salut du territoire, avait reconnu dans les rivages du Kent le boulevard de l'Angleterre du côté qui regarde la France. Il fonda alors, pour protéger ces parages, une féodalité maritime des cinq ports de Douvres, Hastings, Hythe, Romney et Sandwich, et forma un corps politique auquel il accorda de grands priviléges, à la seule condition de lui fournir pour quinze jours et dès qu'il le voudrait, cinquante-deux navires armés et portant chacun vingt-quatre marios. Winchelsea, Rye et Seafort furent, plus tard, ajoutés aux cinq ports.

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