Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

comme par enchantement, dans les ports. Le 10 avril, le lieutenant général Barin, marquis de La Galissonnière, sortit de Toulon et alla mouiller aux îles d'Hyères avec 12 vaisseaux, 6 frégates et 150 navires du commerce, sur lesquels 15,000 hommes avaient été embarqués; le maréchal de Richelieu les commandait. L'expédition à laquelle ces troupes étaient destinées était tenue secrète. Après deux jours employés aux installations particulières des vaisseaux, la flotte remit à la voile; le soir même elle reçut un coup de vent qui dispersa plusieurs navires. Le 18, elle mouilla devant Ciutadella de Minorque. Cette ville, située sur la côte méridionale de l'île, fut abandonnée par sa garnison et occupée sans coup férir par les Français.

En 1713, le traité d'Utrecht avait donné l'île de Minorque aux Anglais, déjà maîtres, depuis 1708, du fort Saint-Philippe qu'ils avaient enlevé à Philippe V d'Espagne, dans le but, avaient-ils prétendu, de le rendre à l'archiduc Charles d'Autriche. Depuis cette époque, ils entretenaient dans le magnifique port de Mahon une force navale stationnant comme avant-garde près des côtes de Provence. La France avait pris la résolution de s'emparer de cette île, et c'était pour mettre ce projet à exécution que le lieutenant général de La Galissonnière s'était dirigé sur Minorque. Le 24 au matin, les troupes, l'artillerie et tout le matériel étaient à terre; l'escadre appareilla alors pour établir le blocus du port de Mahon et, par suite, celui du fort Saint-Philippe, situé à l'entrée même de la passe qui y conduit. Les vaisseaux anglais DEPFORD et PRINCESS LUISA et les frégates CHESTERFIELD, PHOENIX et DOLPHIN, qui étaient dans le port, avaient pris le large dès que le débarquement des Français avait été connu.

Absorbée en quelque sorte par les craintes que lui causait la présence de l'armée récemment formée sur les côtes de Normandie, l'Angleterre avait fait peu de cas de l'armement de Toulon. Cependant l'incertitude était bien grande à Londres dans ce moment. Où se porterait le premier effort

de la France? Telle était la grande préoccupation du gouvernement, la grande question que personne n'osait résoudre dans un pays qui avait des possessions dans toutes les parties du monde. Convaincu enfin de la réalité des bruits d'une expédition sur Mahon, bruits auxquels on avait jusqu'alors ajouté d'autant moins de foi que le duc de Richelieu avait mis plus d'empressement à les répandre, le gouvernement anglais prescrivit à l'amiral Byng de se diriger sur l'île de Minorque et de tenir l'escadre française bloquée dans le port de Mahon, dans le cas où elle y serait entrée; 4,000 hommes de troupes furent embarqués sur les vaisseaux anglais. L'amiral Byng partit de Spithead le6 avril, et arriva à Gibraltar le 2 mai; il y apprit, par le capitaine de la PRINCESS LUISA, la destination de l'escadre française. L'amiral anglais quitta Gibraltar le 8. Le 16, il fut rallié par le PHOENIX, qui lui confirma la nouvelle du débarquement des Français à Minorque; contrarié par le vent, il ne put arriver que le 19 en vue de cette île. Ce jour-là, les découvertes françaises signalèrent l'escadre anglaise. Le vent, qui soufflait du Nord, passa du côté du Sud, mais très-variable. Les deux escadres manœuvrèrent toute la journée pour s'élever le plus possible. Dès que les Anglais avaient été aperçus, le commandant en chef avait adressé au. duc de Richelieu une demande de soldats pour compléter les équipages; on lui envoya 450 hommes : une des embarcations qui les portaient fut prise par l'ennemi. Le lendemain, le vent se fixa à l'Est, joli frais. Les Français se trouvèrent sous le vent et se formèrent en bataille, les amures à tribord, dans l'ordre suivant :

[blocks in formation]
[blocks in formation]

Frégates: 40 Junon, 30 Rose, 26 Pléiade, 24 Gracieuse, Topaze, Nymphe.

Les Anglais laissèrent arriver pour se rapprocher, et se formèrent en bataille, les amures à tribord, par le travers des Français, dans l'ordre ci-après :

[merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][ocr errors][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small]

Frégates 60 CHESTERFIELD, 20 PHOENIX, DOLPHIN, EXPERIMENT.
Corvette 14° FORTUNE.

A 1h 15m, les vaisseaux anglais mirent un hunier sur le mât. Croyant que l'intention de l'amiral Byng était de laisser défiler les deux premières divisions de l'escadre française pour tomber ensuite sur l'arrière-garde, le lieutenant général de La Galissonnière mit aussi en panne; mais les Anglais ayant de suite fait servir, les Français les imitèrent. A 21, les deux escadres étaient à portée de fusil; toutefois, elles n'étaient pas placées sur deux lignes parallèles; elles formaient un angle assez prononcé qui avait son sommet à la tête des colonnes : aussi le feu commençat-il par cette partie, puis il s'étendit successivement sur toute la ligne. Une demi-heure après le commencement du combat, l'INTREPID, dernier vaisseau de l'avant-garde ennemie, perdit son petit mât de hune qui s'abattit sur la misaine; ce vaisseau, ne gouvernant plus, tomba sur celui qui était derrière lui et l'obligea, ainsi que ceux qui le suivaient, à mettre toutes leurs voiles sur le mât pour ne pas être

h

abordés. Cette manœuvre établit un grand vide au centre de l'escadre anglaise, et le corps de bataille des Français n'eut bientôt plus d'ennemis par son travers. Le commandant en chef lui commanda alors de serrer le vent et de passer dans ce vide pour mettre les Anglais entre deux feux cette intention fut déjouée par la manœuvre de l'arrière-garde anglaise qui força de voiles et barra le passage. Le mouvement qui avait été ordonné au corps de bataille français, et qui avait reçu un commencement d'exécution, avait éloigné le commandant en chef du gros de son escadre; à 4 45m, il en était à une assez grande distance. Il signala alors à l'avant-garde de virer de bord tout à la fois; mais les vaisseaux, plus ou moins désemparés, eurent de la peine à exécuter ce mouvement : les uns virèrent vent devant, les autres vent arrière, et lorsque l'évolution fut achevée, les Anglais étaient trop éloignés pour qu'il fût possible de songer à en obtenir quelque résultat : l'amiral anglais avait, en effet, fait virer ses vaisseaux pour couvrir l'INTREPID. Il était 6 du soir; les vaisseaux français mirent en panne et travaillèrent à réparer leurs avaries qui avaient généralement peu d'importance; un seul vaisseau, le Sage, avait perdu une vergue de hune. Les mâtures des vaisseaux anglais étaient toutes fort endommagées. Il fut décidé, dans un conseil de guerre qui se réunit à bord du Ramilies et auquel assistèrent les officiers généraux de l'armée de terre embarqués sur l'escadre, qu'il n'était plus possible de secourir Mahon et qu'il fallait retourner à Gibraltar. L'escadre anglaise mouilla sur cette rade le 19 juin et y trouva 5 vaisseaux arrivés d'Angleterre pour la renforcer. L'amiral Byng reçut dans ce port l'ordre de remettre son commandement à l'amiral Sir Edward Hawke et de se rendre en Angleterre pour donner des explications sur sa conduite. Le nouveau commandant en chef appareilla immédiatement et arriva devant Minorque pour voir le pavillon français flotter sur cette île. Le maréchal de Richelieu avait en effet quitté Ciutadella le 21 avril; deux jours après, il était entré dans Mahon sans avoir tiré un coup de fusil. Le lieutenant gou

verneur de l'île s'était contenté de lui écrire pour lui exprimer son étonnement de ce débarquement et de cette agression en pleine paix. L'attaque du fort Saint-Philippe par terre et par mer avait été immédiatement résolue. L'occupation de Mahon sans cette forteresse était chose inutile, puisque, ainsi que je l'ai dit, elle est bâtie sur le côté gauche de la passe qui y conduit. Le fort SaintCharles, situé sur le côté Nord de l'entrée, fut d'abord attaqué par les chaloupes des vaisseaux et par de grandes embarcations qui avaient été emmenées de Toulon et qui croisaient à l'entrée du port sous le commandement du lieutenant de vaisseau Guilton. Le fort Saint-Philippe capitula le 30 juin. Le but de l'expédition était rempli; les troupes furent rembarquées et, le 8 juillet, la flotte fit route pour Toulon où elle arriva le 16.

Disons pour terminer que l'amiral anglais Byng fut condamné à être arquebusé, et que, bien que les juges l'eussent recommandé à la faveur royale, la sentence reçut son exécution. L'amiral fut condamné, non pour poltronnerie, mauvaise intention ou ignorance, mais pour n'avoir pas fait tout ce qu'il aurait pu faire pour prendre ou détruire les vaisseaux français; pour n'avoir pas fait les derniers efforts pour secourir le fort Saint-Philippe, et pour n'avoir pas assisté comme il l'aurait dû les vaisseaux du roi engagés avec les Français.

La guerre fut déclarée le 17 mai à l'Angleterre.

Il n'est pas sans intérêt de voir comment les dispositions de combat étaient prises à bord des vaisseaux à cette époque. Voici le rôle de combat du vaisseau le Foudroyant, qui portait le pavillon du commandant en chef à l'affaire de Mahon :

[merged small][merged small][ocr errors][merged small][merged small][ocr errors]
« ZurückWeiter »