Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

Charles VII, les remerciant par ordonnance de 1425 d'avoir fait lever aux Anglais le siége du mont Saint-Michel et de les avoir battus, leur avait rendu le témoignage de s'être toujours montrés entièrement affectionnés à la couronne de France et malveillans envers nos anciens ennemiz et adversaires les Anglais; pour lesquelles causes et autres dommaiges qu'ils ont faicts et font chaque jour contre nosditz ennemiz, au lieu de nous et de notre seigneurie, iceux ennemiz les ont en haine mortelle. Ces paroles du prince qui chassa de France l'étranger étaient comme une prédiction du duel acharné dans lequel, pendant les siècles suivants, Anglais et Malouins se cherchèrent et se prirent tant de fois corps à corps. A l'époque où nous sommes arrivés, Saint-Malo était le refuge de hardis corsaires qui ne cessaient de harceler la marine de nos voisins d'outre-Manche et faisaient le plus grand mal à son commerce. Détruire les fortifications de Saint-Malo et rendre son port impraticable était une œuvre digne d'appeler l'attention du gouvernement anglais. Cette entreprise devait offrir d'autant moins de difficultés que les observations de Vauban sur l'importance de cette place n'avaient pas encore été écoutées, et il n'était pas possible de repousser une attaque régulière. Cette faiblesse de la défense, les Anglais ne la soupçonnaient probablement pas, et ils s'arrêtèrent à un genre d'attaque qui pouvait avoir de grands résultats sans exposer beaucoup d'hommes. Un brûlot de grande dimension, auquel on donna en France le nom de machine infernale, devait être employé dans ce but. C'était un navire de 350 tonneaux, maçonné à l'intérieur et rempli de poudre, d'artifices et de matières inflammables. Une escadre anglaise de 12 vaisseaux, 4 bombardes et 10 brigs, sous les ordres du commodore Bembow, parut devant Saint-Malo (1). Le 27 octobre, l'ennemi fit un débarquement sur

(1) Campbell, Lives of the British admirals. M. Baude, dans un article publié par la Revue des Deux-Mondes (les Côtes de Bretagne, 4 trimestre, 1851),

l'île de Cézambre qui avait pour tout édifice un couvent de Récollets: les Anglais le brûlèrent, puis, le 28 et le 29, ils lancèrent des bombes sur Saint-Malo. Le 3 novembre, la machine infernale fut lancée contre les murailles. Mais Saint-Malo ne devait pas succomber sous une semblable attaque; le brûlot s'échoua avant d'atteindre le but et il fit peu de dommages. Voici ce que dit le duc de Chaulnes qui commandait la place. « Le 3 novembre, à 71 du soir, « lorsqu'on y pensait le moins, il se fit une décharge du «< canon du rempart. Incontinent après, tout Saint-Malo << paraissait en feu; toute la ville fut ébranlée; on enten« dit le tintamarre le plus horrible, semblable à un coup « le plus épouvantable de tonnerre. Partout il tomba une « grêle de clous, de chevilles de fer, de câbles, de bois de navire. Tout trembla. Chacun crut sa maison écrou«<lée; chacun chercha dans son logis en quel endroit était « tombée une bombe. La grande porte de l'église, mise « en morceaux, arracha ses gonds et les pierres qui les « tenaient. On ressentit la commotion à Châteauneuf et « à Plaubalay (12 kilomètres de distance). C'était la ma«chine anglaise qui éclatait; elle était dirigée vers la tour « de la poudrière; mais le vent tourna, et la Providence « prenant en main le gouvernail, fit échouer le brûlot sur « la roche Malo; il s'y creva, se renversa sur le côté; « une grande partie des poudres se mouilla; le reste pro«duisit son principal effet sur le fond de la mer. Le brûlot « était un grand vaisseau à trois ponts qui ne tirait que « 7 pieds d'eau: ayant éclaté plus tôt qu'on ne comptait, il « ne fit périr que ses conducteurs (1). » << Les deux << tiers de la ville furent ébranlés et toutes les rues furent << un moment pleines de tuiles et d'ardoises. L'effet qui me

dit 12 vaisseaux. Boismêlé, Histoire générale de la marine, prétend qu'il y en avait 25. M. de Lapeyronse, Histoire de la marine française, porte à 30 le nombre des vaisseaux sous l'amiral Shovel.

(1) Archives de la guerre, lettre du duc de Chaulnes du 1er décembre 1693.

[ocr errors]

<< parut le plus surprenant fut que tous les remparts furent « couverts d'eau de mer. Nous avons trouvé sur le rivage << un reste du vaisseau qui a sauté. On a déjà compté « 230 bombes qui n'ont point agi (1). » Le commodore anglais se retira fort peu satisfait du résultat de son expédition (2).

Pendant que l'escadre anglaise se tenait sur les côtes de France, le capitaine Jean Bart sorti de Dunkerque au mois d'octobre, avec 3 bâtiments, se porta sur les côtes d'Angleterre, fit un débarquement dans les environs de Newcastle, brûla 500 maisons et retourna en France avec 11 prises.

[merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][ocr errors][ocr errors][merged small][merged small][ocr errors][merged small][merged small][ocr errors][ocr errors][ocr errors][merged small][ocr errors][merged small][ocr errors][ocr errors]

(1) Autre lettre du duc de Chaulnes.

(2) D'après les relations anglaises, le bombardement de Saint Malo aurait eu lieu 16, le 17 et le 18 juin; le navire incendiaire aurait été lancé contre les murailles le 19.

ANNÉE 1694.

Dans le courant du mois de juin, le capitaine Jean Bart fut envoyé dans la mer du Nord pour protéger l'arrivée d'un convoi de blé. Sa division était composé des vaisseaux le Fortune, le Comte, le Maure, le Mignon, l'Adroit et le Gerzey. Le 29, il eut connaissance de 8 bâtiments de guerre hollandais qui semblaient escorter un grand nombre de navires du commerce. Ayant acquis la certitude que c'était précisément le convoi à la rencontré duquel il avait été envoyé et qu'il avait été arrêté par les Hollandais qui étaient en vue, il se décida à attaquer ces derniers. Jean Bart rangea ses bâtiments dans l'ordre ci-dessus, donna un équipage provisoire à la flûte le Portefaix qui suivait la division et prescrivit au lieutenant Labruyère qu'il nomma à ce commandement de prendre poste dans la ligne. La division ennemie se présentait camme il suit: PRINCESSE ÉMILIE, OUDENARDE, OFFER STELLINGH, Prince de FRISE, Stadenland, Zeereepe, Beschermers, Ville de Flessingue. Le Fortune aborda la PRINCESSE ÉMILIE, mais ses grapins ne tinrent pas; le Comte réussit mieux et enleva ce bâtiment. Le Mignon manqua son abordage, y revint, réussit et se rendit maître de son adversaire. L'Adroit aborda également son antagoniste; mais ses grapins ayant rompu, ce bâtiment fut pris par le Fortuné. Le Gerzey ne put réussir à aborder la VILLE DE FLESSINGUE. Les Hollandais, effrayés de la brusquerie de cette attaque, s'éloignaient sous toutes voiles; les avaries du Maure ne permirent pas de les poursuivre, 30 navires du commerce furent conduits en France avec les trois prises. Le capitaine Jean Bart reçut des lettres de noblesse à la suite de cette affaire.

Les Anglais profitèrent du moment où les principales forces maritimes de la France étaient concentrées dans la Méditerranée pour mettre à exécution les projets de destruction qu'ils nourrissaient contre les ports de France. Le 17 juin (1), 27 bâtiments de guerre commandés par l'amiral Berkley mouillèrent devant Camaret. 10 à 11,000 hommes de troupes embarquées sur des transports furent débarqués le lendemain dans la baie même, à la faveur du feu de 2 vaisseaux, 3 frégates anglaises et 3 frégates hollandaises. Les 800 premiers hommes qui touchèrent terre furent repoussés, et toutes les embarcations se trouvant échouées par suite du retrait de la mer, il ne leur fut pas possible de se rembarquer: presque tous furent tués par des paysans. Cet échec découragea l'amiral anglais, et, le 19, il remit à la voile pour l'Angleterre. Cette expédition avait coûté aux Anglais et aux Hollandais 700 hommes tués, blessés ou faits prisonniers, en outre de 400 tués ou blessés à bord des bâtiments. Une bombarde avait été coulée et la frégate hollandaise de 30 TEESEP, qui s'était échouée, amena son pavillon (2).

Au mois de juillet, l'Angleterre essaya de réparer, en bombardant quelques villes maritimes, l'échec qu'elle avait reçu devant Camaret, le mois précédent. Ses bombes brûlèrent la place de Dieppe qui était alors presque entièrement construite en bois; mais elles ne firent pour ainsi dire pas de mal au Havre qui fut attaqué après Dieppe.

Au mois de septembre, l'amiral Cloudesley Shovel prit la direction des opérations contre les ports de France. Cet

(1) Campbell, Lives of the British admirals, place cette affaire, comme toutes celles qu'il rapporte, dix jours plus tôt que ne le fait la relation française. (2) Voir, pour plus de détails, l'Histoire de la ville et du port de Brest, par P. Levot (t. II, p, 40-68).

« ZurückWeiter »