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la première division de cette escadre, fut emporté par un boulet. Le capitaine de Thivas, du Conquérant, un des vaisseaux détachés, eut le même sort. Le vice-amiral d'Estrées put bientôt combattre le corps de bataille ennemi. Trouvant que les Anglais ne pressaient pas assez vivement l'arrière-garde, le marquis de Grancey laissa porter avec sa division sur les vaisseaux de tête de cette escadre. Entraînés par leur ardeur, les capitaines du Glorieux, du Duc, du Fier et de l'Excellent l'imitèrent. Cette partie de la ligne ennemie fut rompue. Ce fut en vain que le lieutenant-amiral Bankert soutint le choc avec ardeur, il lui fallut aussi se retirer; l'arrière-garde hollandaise se trouva ainsi séparée du reste de son armée. Le lieutenant-amiral de Ruyter vira avec une partie de son escadre dès qu'il s'en aperçut, et, passant au milieu des vaisseaux français, il parvint à la rallier; il revira alors pour se rapprocher de son avant-garde qui était à grande distance, toujours combattue et vigoureusement pressée par les Anglais; il la rejoignit à 6. Le lieutenant-amiral Tromp avait été obligé de changer deux fois de vaisseau. La brume fit cesser le feu à 9h. Le capitaine Gabaret, du Foudroyant, avait abordé le vaisseau hollandais DEVENTER, capitaine Kuilembourg, mais son équipage avait été repoussé. Le JUPITER, capitaine Bakker, avait été abordé aussi par un vaisseau anglais dont l'équipage avait également été repoussé après un combat de deux heures.

L'armée hollandaise mouilla sur le lieu même de la bataille, à 12 milles dans l'O.-N.-O. de West-Capel. Les alliés laissèrent tomber l'ancre à 6 milles de là le lendemain.

Les avaries étaient considérables de part et d'autre, mais les pertes étaient peu importantes; et, bien que les Hollandais aient prétendu qu'une frégate anglaise de 50 eût sauté, que le vaisseau français le Foudroyant et la frégate la Friponne eussent coulé, ainsi que plusieurs autres bâti

ments, en tout 14 vaisseaux ou brûlots (1), les brûlots seuls avaient été détruits. Le capitaine Thivas avait perdu la vie ainsi que les capitaines anglais Finch, Fowles et Worden. Du côté des Hollandais, le vice-amiral Shram, le contre-amiral Vlug, les capitaines Van Borgen et Boer avaient été tués; les capitaines Nassau et Meegang étaient dangereusement blessés. 4 vaisseaux durent être envoyés en Zélande; l'un d'eux, le DEVENTER, se perdit en entrant à Vlakke.

Si à la bataille de Southwood la manœuvre des Français avait pu jeter quelques doutes sur la sincérité de la cour des Tuileries, leur conduite, cette fois, leur mérita les plus grands éloges de la part du prince Rupert.

Cinq jours après la bataille que je viens de relater, le 12 juin, le lieutenant-amiral de Ruyter proposa d'aller attaquer l'armée des alliés qui était toujours à l'ancre. Cette détermination ayant été approuvée par les députés des États, il mit à la voile, le 14, avec une bonne brise de N.-E. et se dirigea sur l'armée combinée : celle-ci appareilla de suite; toutes deux gouvernèrent au N.-O., en ordre renversé, et les avant-gardes engagèrent la canonnade à 4 du soir. Les deux corps de bataille se trouvèrent aussi bientôt en position d'échanger des boulets; les arrière-gardes donnèrent peu. Le combat, ou plutôt la canonnade, continua ainsi en chasse jusqu'à ce que les ténèbres fussent venues envelopper les deux armées. Ruyter ne voulant pas s'éloigner de la côte, fit virer la sienne et, le lendemain, il mouilla à Shooneveldt. Les alliés rentrèrent dans la Tamise.

Après avoir réparé ses avaries, l'armée anglo-française sortit de la Tamise et alla mouiller devant le Texel; son

(1) Gérard Brandt, Vie de Ruyter.

ordre de bataille avait été changé : les Français étaient à l'avant-garde, l'amiral sir Édouard Spragge commandait l'arrière-garde avec le vice-amiral Kempthorne et le contreamiral d'Ossery; le prince Rupert était au centre avec le vice-amiral Herman et le contre-amiral Chiceley. Le 20 août, l'armée des États fut aperçue sous le vent; l'armée combinée appareilla, mais la proximité de la côte fit remettre l'attaque au lendemain. Ce jour-là, le vent ayant passé du N.-O. à l'E.-S.-E., les Hollandais prirent l'initiative et laissèrent porter sur les alliés; ceux-ci étaient en bataille, les amures à bâbord. Le lieutenant-amiral Ban kert tenait la tête de la colonne, Ruyter était au centre et le lieutenant-amiral Tromp à l'arrière-garde. A 81 du matin, les Hollandais serrèrent le vent bâbord amures et le combat s'engagea sur toute la ligne. L'avant-garde ennemie gouvernant très-près du vent, les Français s'en fussent bientôt trouvés à grande distance si, prenant l'initiative d'une mesure qui allait lui être ordonnée, le lieutenant général de Martel, alors commandant de la deuxième division de l'escadre française, n'eût viré pour séparer les Zélandais de leur armée. Cette manœuvre, imitée par le více-amiral et par les autres vaisseaux français, pouvait placer le corps de bataille de Ruyter entre deux feux. Mais une brune épaisse, qui ne se dissipa qu'à 11", fit prendre au commandant en chef de l'escadre française le parti de continuer cette bordée, et le lieutenant-amiral Bankert se dirigea sur son corps de bataille. Ce mouvement décida le prince Rupert à se rapprocher lui-même de son arrière-garde qu'on apercevait à peine, et il fit le signal de ralliement à l'avant-garde. Cet ordre était inutile, car, dès 11, prévoyant que la réunion des Zélandais au corps de bataille allait créer de sérieux embarras à la première et à la troisième escadre de l'armée combinée, le vice-amiral d'Estrées avait laissé arriver sur le vaisseau amiral. Le combat était rude entre les deux arrière-gardes. Le lieutenant-amiral Tromp s'était at

taché au Prince-Royal, monté par l'amiral Spragge, et il le combattait depuis 3 1/2 sans qu'une seule manœuvre eût été faite, car tous deux avaient mis en panne. Leurs vaisseaux étaient alors complétement désemparés, et les deux amiraux furent obligés de porter leur pavillon sur deux autres. L'amiral Spragge se vit encore bientôt contraint de quitter ce vaisseau. Pendant qu'il se dirigeait sur un troisième, le canot qui le portait fut coulé et cet officier général se noya. Drossée dans le N.-O. par le vent et par le courant, l'arrière-garde fut promptement à grande distance du corps de bataille, et il était 4 lorsque le commandant en chef la rejoignit. Les Hollandais étaient aussi ralliés à cette heure. Le combat continua avec vigueur jusqu'après 61; l'approche de l'escadre française, que la faiblesse de la brise avait empêchée d'arriver plus tôt, décida alors Ruyter à faire route à l'Est. Les deux armées se perdirent de vue pendant la nuit.

Les vaisseaux des deux arrière-gardes étaient très-maltraités; les autres avaient peu souffert. Les brûlots jouérent un grand rôle dans cette bataille, et ils furent presque tous détruits. Le capitaine français d'Estival avait été emporté par un boulet. Les capitaines anglais Reeves et Heyman avaient perdu la vie, et les capitaines Courtney, Haward et William Jennings étaient blessés. Du côté de l'ennemi, les vice-amiraux Van de Liefde et Sweers avaient été tués, ainsi que les capitaines Van Gelder, Sweerius, Visscher et Kiela. Les capitaines Dick et Lejeune étaient blessés.

Ruyter avait rempli son but; l'armée des alliés s'éloigna des côtes de Hollande.

Le prince Rupert se plaignit de la conduite de plusieurs capitaines anglais et de celle que le vice-amiral d'Estrées avait tenue à cette bataille. Il prétendit que cet officier général n'avait pas obéi au signal d'arriver qui lui avait été fait lorsque l'escadre de Zélande avait cessé de le combattre.

Le vice-amiral d'Estrées répondit que le signal qui lui avait été fait n'avait pas la signification que le commandant en chef lui donnait; que d'ailleurs, bien qu'il n'eût rejoint le corps de bataille qu'à 6, il avait laissé arriver vent arrière dès 1b.

Une enquête fut faite par ordre de Louis XIV, et tous les capitaines furent entendus. Je donne plus loin cette pièce historique. Beaucoup de charges s'élèvent certainement contre le vice-amiral d'Estrées; elles ne me satisfont ni ne me convainquent entièrement. Cet officier général laissa entendre, il est vrai, que le roi voulait qu'on ménageât sa flotte et qu'on se défiât des Anglais. Louis XIV avait-il tort de ne pas compter sur la sincérité de l'alliance anglaise lorsque, de toutes parts, on l'avertissait que le peuple et les grands murmuraient contre cette alliance et que Charles II était peut-être le seul de son royaume qui la désirât? Je dirai donc avec M. de Lapeyrouse-Bonfils (1): « Le comte d'Estrées, pour avoir ma<<nœuvré une ou deux fois d'une manière équivoque, «< peut-il être soupçonné d'être de connivence avec l'en« nemi, ou d'avoir voulu ménager son escadre aux dépens « de celle des Anglais? Spragge, le prince Rupert lui<< même n'ont-ils pas fait d'aussi grandes fautes ? Dans ces

gigantesques batailles, lorsque la connaissance des si« gnaux était peu répandue, et que l'on combattait sur < des mers pleines d'écueils et de peu d'étendue, il devait << souvent arriver des erreurs excusables, souvent même << tout à fait indépendantes de l'habileté humaine. »

Voici l'information secrète et le rapport de M. de Seuil (2) sur cette bataille :

A Sceaux, le 10 septembre 1673.

<< Comme il est très-important que le roi soit informé < véritablement de tout ce qui s'est passé dans le dernier

(1) Histoire de la marine française.

(2) M. de Seuil était intendant de la marine à Brest.

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