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fers qu'il doit porter pendant la durée de sa peine; son nom son crime, son jugement, seront tracés sur un écriteau place au-dessus de sa tête; cet écriteau présentera également les détails de la punition qu'il doit subir.

» Cette peine ne consistera pas en coups ni en tortures ; il sera fait au contraire les plus sévères défenses aux gardiens des condamnés d'exercer envers eux aucun acte de violence.

» C'est dans les privations multipliées des jouissances dont la nature a placé le désir dans le cœur de l'homme que nous croyons convenable de chercher les moyens d'établir une peine efficace.

» Un des plus ardens désirs de l'homme c'est d'être libre la perte de sa liberté fera le premier caractère de sa peine.

» La vue du ciel et de la lumière est une de ses plus douces jouissances: le condamné sera détenu dans un cachot obscur.

>> La société et le commerce de ses semblables sont nécessaires à son bonheur : le condamné sera voué à une entière solitude.

Son corps et ses membres porteront des fers; du pain de l'eau, de la paille, lui fourniront pour sa nourriture et pour son pénible repos l'absolu nécessaire.

» Messieurs, on prétend que la peine de mort est seule çapable d'effrayer le crime : l'état que nous venons de décrire serait pire que la mort la plus cruelle si rien n'en adoucissait la rigueur; la pitié même dont vous êtes émus prouve que nous avons assez et trop fait pour l'exemple; nous avons donc une peine répressive.

» Mais n'oublions pas que toute peine doit être humaine, et portons quelques consolations dans ce cachot de douleur. Le premier et le principal adoucissement de cette peine c'est de la rendre temporaire.

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» Le plus cruel état est supportable lorsqu'on aperçoit le terme de sa durée : le mot à jamais est accablant ; il est ínséparable du sentiment du désespoir. Nous avons pensé que pour l'efficacité de l'exemple la durée de cette peine devait

être longue, mais que pour qu'elle ne fût pas barbare il fallait qu'elle eût un terme : nous vous proposons qu'elle ne puisse pas être moindre de douze années, ni s'étendre au delà de vingt-quatre.

» Il ne suffit pas encore de faire luire de loin dans ce cachot obscur le rayon de l'espérance; nous avons jugé qu'il était humain d'en rendre l'effet plus apparent et plus sensible par une progression d'adoucissemens successifs. Le nombre d'années fixé pour sa durée se partagera en diverses époques ; chacune apportera quelques consolations avec elle; chacune effacera quelques-unes des rigueurs de la punition pour conduire le condamné à la fin de sa pénible carrière par la gradation des moindres peines.

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Jusqu'ici les adoucissemens n'existent encore que dans l'avenir: lorsque la peine commence il faut s onger au moment présent, et porter même sur cette première époque des tempéramens qui défendent et la raison et la santé du condamné contre la rigueur actuelle de l'état où le réduit son crime.

» Vos comités ont pensé, messieurs, que c'était une vue assez morale d'attacher pour le condamné à l'idée du travail un sentiment de consolation; ils vous proposent de fixer à deux par semaine le nombre des jours où il sera permis au condamné de travailler pendant la première époque de la durée du cachot, et à trois jours par semaine pendant la seconde époque.

» Le travail n'aura rien de rebutant par sa nature ou par sa rigueur; il sera au choix du condamné si le condamné est doué de quelque talent ou de quelque industrie; inon les commissaires de la maison lui en fourniront un analogue à sa situation et à ses forces; aucune violence, aucune contrainte ne l'obligeront de s'y livrer; mais pendant la semaine du pain aura été sa seule nourriture, et il lui sera permis le jour du travail de se procurer sur son produit une subsistance plus douce et plus abondante. Ainsi le jour du travail il pourra être mieux nourri; ses chaînes lui seront ôtées; il sortira de son cachot; il verra la lumière du jour ; il respirera l'air, sans toutefois sortir de l'enceinte de la maison, et un exercice salutaire préviendra l'altération ou l'épuisement de ses forces.

» Vos comités ont pensé que les condamnés à la peine du cachot devaient toujours travailler seuls, parce qu'ils ont attaché à la solitude absolue un des caractères les plus pénibles et les plus efficaces de cette punition.

» Une seule fois par mois les peines du condamné ne seront pas solitaires; les portes du cachot seront ouvertes mais ce sera pour offrir au peuple une imposante leçon; le peuple pourra voir le condamné chargé de fers au fond de son douloureux réduit, et il lira tracés en gros caraclères au-dessus de la porte du cachot le nom du coupable, le crime et le jugement.

Voilà messieurs, quelle est la punition que nous vous proposons de substituer, à la peine de mort: veuillez ne pas perdre de vue qu'elle sera uniquement réservée pour les assassins, les incendiaires, les empoisonneurs, les criminels de lese-nation au premier chef, La considération de l'atrocité des crimes, la crainte que beaucoup de bons esprits ont témoignée de ne pouvoir mettre à la place de la peine de mort une peine efficace et répressive, nous ont portés à rassembler toutes les privations qui donneront à cette punition les caractères les plus effrayans. Nous vous avons présenté le dernier degré possible de la rigueur: puisse votre humanité, d'accord avec votre sagesse, éclaircir quelques unes des ombres qui chargent ce triste tableau? Puissiez-vous, en épargnant au condamné quelques douleurs que vous ne jugerez pas indispensables par l'exemple, faire mieux que nous n'avons fait, et réaliser le vœu de nos cœurs!

» Maintenant vous avez, messieurs, à vous déterminer entre l'adoption de l'une de ces deux peines, ou la peine de mort simple, ou la punition que nous vous proposons d'y substituer. Pour terminer cette discussion nous croyons utile de rapprocher et de comparer les caractères qui les distinguent.

» L'une est peu répressive sous les divers rapports de la brièveté de sa durée, de la funeste philosophie des coupables, de la trempe des âmes des criminels pour lesquels elle est réservée, de l'évidence de son infériorité aux peines actuellement encourues pour les mêmes crimes l'autre

par des épreuves pénibles, durables, par la réunion des plus douloureuses privations, prolongées pendant une longue partie de la vie des coupables, étonnera plus efficacement leur constance, et cette chance funeste est capable de les retenir davantage que le danger toujours incertain de rencontrer dans l'événement du crime l'instant plus prochain du passage sans douleur de la vie à la mort.

» L'une endurcit les mœurs publiques; elle familiarise la multitude avec la vue du sang : l'autre inspire, par l'exemple touchant de la loi, le plus grand respect pour la vie des hommes.

L'une punit en faisant perdre à l'État un de ses membres: l'autre réprime le crime également, mais en conservant la personne du coupable.

» L'une rend irréparables les erreurs de la justice : l'autre réserve à l'innoceuce tous ses droits dès l'instant où l'innocence est reconnue.

» L'une, en ôtant la vie au criminel, éteint jusqu'à l'effet du remords: l'autre, à l'imitation de l'éternelle justice, ne désespère jamais de son repentir; elle lui laisse le temps, la possibilité et l'intérêt de devenir meilleur.

» Un grand inconvénient se présente dans le système de la conservation de la peine de mort; vous n'avez qu'une seule peine pour une foule de délits dont aucun ne peut être puni de moindre peine que de la peine capitale, si elle subsiste, et qui pourtant ont des degrés d'atrocité très différens. Ainsi le meurtrier par fureur sera puni de même que le parricide prémédité, car tous deux méritent la peine capitale, et il n'y a point de nuance dans la peine de mort simple au contraire, dans le système pénal que nous vous présentons, la durée, le plus ou le moins de rigueur des privations étant susceptibles de beaucoup de graduations, l'échelle des peines s'étend, et elle se prête à marquer d'une manière moins imparfaite la différence des délits.

» Enfin daignez saisir, messieurs, ce dernier rapprochement. La peine de mort ne présente à la multitude que le spectacle d'un moment; celle que nous vous proposons prolonge et perpétue une salutaire instruction: tout dissipe et

distrait cette foule de citoyens oisifs qu'attiré à une exécution le mouvement de la curiosité; on ne visite pas un cachot sans un pénible recueillement et si un exemple frappant peut rendre sensible cette théorie, supposons, messieurs, qu'un ministre prévaricateur ait ose attenter à la Constitution et à la liberté; s'il est frappé du glaive l'effet de son supplice sera passager; que pendant vingt années chaque mois le peuple le voie dans les fers, il bénira la puissance protectrice des lois, et l'exemple vivra efficacement avec le coupable.

Telles sont, messieurs, les considérations qui ont fait pencher vos comités vers le parti qu'ils vous proposent : sans doute le même sentiment d'humanité anime également tous nos esprits; mais sur une question aussi délicate les opinions peuvent aisément se partager, et c'est une grande et difficile controverse qui s'élève aujourd'hui devant vous.

« Au reste, messieurs, quelque attachés que nous soyons à la pureté du principe et à l'abrogation de la peine de mort, la peine de mort est une seule fois nommée dans la loi que nous présentons.

» C'est à l'occasion du chef de parti déclaré rebelle décret du corps législatif.

par un

» Ce citoyen doit cesser de vivre, moins pour expier son crime que pour la sûreté de l'Etat; tant qu'il vivrait il pourrait devenir l'occasion ou le prétexte de nouveaux troubles: Rome, dans les temps où la peine de mort était réservée aux esclaves, vit précipiter du haut de la roche Tarpeïenne Manlius, Manlius dont le courage la délivra du joug de Gaulois, mais dont l'ambition aspirait à la tyrannie.

» La question de la conservation ou de l'abrogation de la peine de mort nous a paru d'une si grande importance, que pour compléter toutes les vues qui pouvaient servir à sa décision nous avons interverti l'ordre de notre travail, et nous vous avons présenté tout d'abord la punition qui dans notre plan doit remplacer la peine capitale.

» Maintenant nous rentrons dans la route que nous nous

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