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conscience de son opprobre poursuivra partout le condamné; dégradé et flétri à jamais dans son être physique, comment son âme pourra-t-elle soulever le poids de la honte, et, dans l'espoir de mériter l'estime des hommes, contempler la récompense d'une conduite pure et sans reproche?

» Une seconde considération nous a encore portés à abandonner ce moyen de reconnaître le coupable déjà condaniné; s'il retombe une seconde fois entre les mains de la justice c'est que, dans le nouvel ordre de nos institutions, il sera bien moins facile au méchant de se perdre et de se confondre dans la foule; la trace de son existence ne peut guère s'effacer; des registres exactement tenus dans chaque municipalité présenteront le dénombrement de tous les membres qui composent la grande famille; il faudra que chacun ait un nom, un état, des moyens de subsistance, ou des besoins notoires. Les vagabonds et les inconnus formaient autrefois dans la nation une peuplade qui ne se rendait guère visible que par ses attentats : déjà on a indiqué, et il vous sera proposé encore, messieurs, des moyens pour fixer dans l'ordre social ces existences funestes et fugitives, et désormais l'état de vagabond et d'inconnu, devenant un signal de défiance, avertira suffisamment la police et la justice de prendre des mesures répressives contre des hommes justement suspects à la société.

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D'après ces réflexions nous pensons que la peine des galères, avec les accessoires qui toujours y sont réunis, doivent être convertis en d'autres travaux ; que le fouet, peine illusoire, ne doit pas être conservé, et que désormais aucune marque indélébile ne doit être imprimée sur la personne du condamné.

» Dans l'ordre des peines actuelles l'hôpital ou la réclusion dans une maison de force est pour les femmes ce que sónt les galères pour les hommes.

» Privation de liberté et travail, tels sont les élémens de cette peine; avec quelque modification elle est bonne et salutaire : la principale réforme que vous jugerez couvenable d'y apporter sera sans doute de ne plus confondre la prostitution avec le crime, et de séparer un établissement purement correctionnel d'avec ceux qui seront formés pour recevoir les

victimes dévouées par la loi aux souffrances et à l'infamie des peines afflictives.

» Je ne dirai qu'un mot sur la mutilation; cette peine était rarement usitée; mais les réflexions que je vous ai présentées relativement aux tortures et relativeinent à la marque s'appliquent aussi à ce genre de punition, et évidemment doivent la faire proscrire.

» Il est une autre peine d'un usage bien plus fréquent; car elle s'applique aux délits les plus ordinaires; je veux dire le bannissement, qui envoyait les condamnés d'un tel parlement dans la province voisine, sous condition et avec l'assurance de recevoir bientôt réciproquement les scélérats dont cet autre paricment purgeait son ressort; échange absurde et funeste qui déplaçait le criminel sans réprimer ni punir le crime! Toutes les opinions se réunissent depuis longtemps pour la suppression de cette peine; dans les discussions polémiques pas un écrivain n'a tenté de la défendre: on l'appliquait par routine parce qu'on n'en avait pas d'autres, et si elle s'est conservée jusqu'à ce jour on ne peut l'attribuer qu'à la coupable insouciance de l'ancien gouvernement pour tout changement qui n'avait d'autre attrait que celui de la raison, de la morale et de l'humanité.

» Telles sont les peines afflictives actuellement en usage. >> Quant aux peines infamantes elles étaientfort multipliées. » La claie, le carcan, le pilori, l'amende honorable, rapportés aussi par quelques criminalistes à la classe des peines afflictives, mais qui appartiennent plus naturellement à celle des peines infamantes; le blâme, l'amende en matière crinelle, le plus amplement informé indéfini, l'aumône en matière civile, toutes ces prononciations emportant une infamie de fait ou de droit, imprimant à la persoune du condamné un opprobre plus ou moins public, manifestaient sous diverses formes l'improbation de la loi, elles posaient sur ce principe vrai qu'il faut couvrir de honte une action infâme. Nous vous proposerons d'adopter le principe, mais de multiplier moins des formules qui, en la divisant, affaiblissaient cette salutaire et terrible pensée, la société et les lois prononcent anathème contre quiconque s'est souillé par un crime.

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Quant aux peines pécuniaires leur forme était vicieuse en ce qu'elle comprenait sous des dénominations semblables et souvent mal définies, telles que celles d'amende, d'aumône, de dommages et intérêts, etc., des réparations privées et des peines dues à la vengeance publique, des corrections civiles et des punitions d'attentats poursuivis criminellement; enfin des répressions qui laisaient intact l'honneur de ceux qui les avaient subies, et des jugemens qui imprimaient aux condamnés une note d'infamie. Nous ferons ensorte de faire disparaître du nouveau code ces inconvéniens de l'ancien.

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D'après le tableau que nous venons de vous présenter, messieurs, de l'état actuel des peines en France, vous pouvez juger qu'il est tellement vicieux que nous ne saurions y trouver les bases de notre travail, et que pour présenter des vues réellement utiles il faut créer dans son entier et combiner un nouveau système pénal.

» Vos comités vont avoir l'honneur de vous soumettre le résultat de leurs méditations sur cette importante matière.

» Mais avant tout il faut enfin aborder et résoudre cette grande question : la peine de mort formera-t-elle ou non l'un des élémens de notre législation criminelle ?

» Dans la discussion de cette haute et redoutable théorie nous ne nous arrêterons pas, messieurs, sur la première partie de la question, savoir, si la société peut légitimement ou non exercer ce droit ce n'est pas là que nous apercevons la difficulté le droit nous paraît incontestable; mais la société doit-elle en faire usage? Voilà le point sur lequel des considérations puissantes peuvent balancer et partager les opinions.

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» Un mot nous paraît suffire pour établir la légitimité du droit la société, ainsi que les individus, a la faculté d'assurer sa propre conservation par la mort de quiconque la met en

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» La société a le droit de faire périr en cas de nemi du dehors qui vient l'attaquer.

guerre l'en

» La force publique peut dans les cas de sédition employer la violence des armes contre les citoyens révoltés qui troublent le repos, de l'Etat.

» Le crime est un ennemi intérieur : il n'existe point de société là où il n'existe aucun moyen de le réprimer. Si la peine de mort est indispensablement nécessaire pour en arrêter les progrès, la peine de mort doit être prononcée.

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Mais, si le fond du droit est incontestable, de sa nécessité seule dérive la légitimité de son exercice; et de même qu'un particulier n'est dans le cas de l'homicide pour légitime défense que lorsqu'il n'a que ce seul moyen de sauver sa vie, ainsi la société ne peut légitimement exercer le droit de vie et de mort que s'il est démontré impossible d'opposer au crime une autre peine suffisante pour le réprimer.

» Si nous pouvons employer des punitions non moins efficaces pour l'exemple il faut rejeter la peine de mort; et combien nous semblera-t-il désirable d'atteindre ce but si nous nous pénétrons de tous les inconvéniens qu'il y aurait à en perpétuer l'usage!

>> Pour resserrer la question dans des termes plus précis prenons pour bases des vérités généralement reconnues en

ce moment.

» Tout le monde est d'accord que la peine de mort, si elle est conservée, doit être réduite à la simple privation de la vie, et que l'usage des tortures doit être aboli :/un second point sur lequel toutes les opinions se réunissent également c'est que cette peine, si elle subsiste, doit être réservée pour les crimes d'assassinat, d'empoisonnement, d'incendie, et de lese-nation au premier chef. Ce pas est déjà fait dans l'opinion, et votre humanité, vos lumières, le vœu public, dont vous êtes les organes, ne vous permettraient pas sans doute une marche rétrograde. Voilà donc les deux propositions défendues par plusieurs bons esprits, qui par d'excellentes vues, et animés par des motifs respectables de sagesse et de raison, veulent la conservation de la peine de mort, mais ne la veulent qu'avec les restrictions que nous venons de développer.

Or évidemment la peine de mort dans cette hypothèse

opère un grand mal pour les mœurs publiques, et n'a aucune efficacité pour arrêter le crime; c'est un remède violent qui sans guérir la maladie, altere et énerve les organes du corps politique.

» Rien de moins répressif que la peine de mort simple.

La nature, il est vrai, a mis dans le cœur de l'homme le désir de conserver son existence; mais à côté de ce sentiment se trouve placée la certitude qu'il doit mourir un jour la nécessité le familiarise avec cette idée; il s'accoutume à envisager sans un grand effroi le moment où il cessera de vivre.

» Les préjugés, les vices, le crime même, ont souvent avec la verti cet élément commun, le mépris de la mort.

>> Chaque nation, chaque caste, chaque profession, chaque individu est susceptible de ce sentiment.

» Chez les Indiens la puissance de l'opinion, chez les Musulmans la religion, chez les Anglais un calcul tranquille, chez d'autres peuples les principes d'un faux honneur, font braver une mort certaine ou font affronter le danger d'une mort possible.

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Le courage du soldat se compose des divers sentimens de la gloire, du devoir, de l'espérance du pillage, de la force de l'exemple, de la crainte de la honte; il combat, il ne redoute pas la mort, et pourtant chaque soldat n'est pas un héros.

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Voyez finir l'habitant des campagnes, non pas celui pour lequel la misère et le malheur rendent souhaitable l'instant où il va cesser de souffrir, mais l'être dont l'existence a été la plus douce et la moins agitée, celuï qui a vécu dans une chaumière qui lui appartient, et qui meurt entouré de sa femme et de ses enfans, que son champ a toujours nourris sa dernière heure approche; il subit la commune loi, et dans son regard paisible vous ne trouverez point l'expression de l'effroi ni de l'horreur de la mort.

» Les criminels ont aussi leur philosophie; dans les chances de leur destinée ils calculent froidement ce qu'ils appellent le mauvais quart d'heure, et plus d'une fois sur l'échafaud ce secret leur est échappé : non, disaient-ils, l'idée de la potence

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