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enveloppées de mystères et de ténèbres? Ce qui sera sous les regards de toute la nation ne pourra-t-il pas être assez connu de tous ses représentans? Il y a plus; que désire-t-on ? Que les ministres puissent parler sur les finances? Mais ils le pourront sur cet objet puisqu'ils peuvent être entendus sur tout; on aura donc toujours leurs lumières mais ce qu'il ne faut pas avoir dans les législatures c'est leur funeste influence! Qui ne voit que l'effet le plus inévitable d'une telle disposition, si elle pouvait être adoptée, serait de donner au pouvoir exécutif une grande popularité, et de dépopula→ riser le corps législatif!

» D'ailleurs l'Assemblée nationale a prouvé que les représentans du peuple connaissent et peuvent assez bien connaître la matière des contributions, puisqu'au milieu des plus énormes besoins ils ont établi un système d'impôts plus égal, plus juste, qui a fait disparaître les vexations, les abus et les injustices de l'impôt indirect.

>>

Qu'on ne nous dise donc plus, comme M. Beaumetz, que le moyen de perfectionner les lois d'impôt est de faire. concourir les deux pouvoirs, et d'appeler le conseil ou l'initiative des ministres! Quoi! vous ne pourrez avoir de bonnes lois fiscales que quand elles vous seront présentées par des ministres! Quor! pour accroître l'apanage ministériel vous ôterez à la nation la partie la plus précieuse et la plus inaliénable de sa souveraineté ! Quoi! pour doter plus avantageusement des ministres et rendre plus précieuses leurs dépouilles et leurs places vous limiterez le droit que la nation doit et veut avoir en son entier de déterminer et de disposer à son gré de la fortune privée de tous les citoyens! Vous avez toujours senti, et jusqu'à ce moment l'opinion générale de l'Assemblée n'avait pas plus varié à cet égard que l'opinion publique; vous avez toujours senti, dis-je, qu'en matière d'impôts le peuple seul avait le droit de vouloir, et qu'aucune autre volonté ne pouvait s'y mêler soit pour suspendre, soit pour modifier la volonté générale, exprimée par les représentans du peuple. Hé bien, donner l'initiative aux ministres c'est leur donner tout à la fois le droit de vouloir avant le peuple, èt le

moyen le plus sûr d'empêcher que la volonté générale, solennellement exprimée par le corps législatif, soit mise à exécution. Ne peut-il pas arriver que le ministre propose une loi contraire à la liberté individuelle, parce qu'elle nécessite des visites domiciliaires, ou à la propriété publique, parce que les formes de perception seront telles que les frais en deviendront immenses? Le corps législatif rejettera cette loi et en décrétera une autre... Le roi sanctionnera

celle-ci; mais les percepteurs ne percevront pas, et l'on viendra vous dire votre loi ne vaut rien; vous le voyez; la nôtre était bonne, et si vous ne l'aviez pas rejetée le trésor national serait rempli... Il serait rempli, je le crois, mais la liberté publique serait dégradée (applaudissemens); elle le serait encore et d'une manière plus redoutable, et par une autre cause de l'inexécution de la loi.

» Voici de nouveaux dangers. Un ministre qui voudrait se populariser ou populariser le pouvoir exécutif, car c'est le jeu que jouent sans cesse les hommes publics, et dépopulariser le corps législatif, en aurait un moyen bien assuré. Il présenterait une loi fiscale insuffisante et très légère à supporter; le corps législatif en décréterait une suffisante et plus considérable : le contribuable, qui pendant trop longtemps encore aura trop peu de lumières pour découvrir toujours son véritable intérêt, ne verrà plus qu'un bienfaiteur dans le ministre, et dans le corps législatif que des représentans oppresseurs, odieux ou coupables. Vous ne doutez point qu'alors il résistera à la loi; vous ne doutez point que le ministre pourrait favoriser par mille moyens indirects sa résistance, et que sa popularité, s'établissant sur l'inexécution même de la loi et sur la détresse du trésor public, ne parvînt peut-être à oppri mer tout à la fois, car ils sont inséparables, et les représen tans et la liberté du peuple! (Applaudissemens.)

Telles sont les conséquences presque inévitables de l'initiative ministérielle; car, ce n'est point à vous qu'il faut le dissimuler, le pouvoir exécutif sera toujours l'ennemi du pouvoir législatif, et lui fera tout le mal qu'il pourra ; un combat établi dans les élémens politiques. Or, d'après cette lutte inévitable, dans le système de M. Beaumetz

c'est

l'action du gouvernement sera interrompue non seulement par la suspension de l'impôt, mais encore par sa nullité; non seulement le concours des deux pouvoirs ne produira pas des lois meilleures, car l'usage souvent perfide de l'initiative ne sera rien pour la bonté de la loi si la perfidie est reconnue, et corrompra la loi si la perfidie triomphe; mais encore ce concours, si bizarrement imaginé, sera dans les mains des ministres l'arme la plus dangereuse, et n'entraînera avec lui que l'inexécution des lois fiscales, l'avilissement des représentans de la nation et l'agrandissement incalculable de la puissance ministérielle ou de la prérogative royale. ( Applaudissemens.)

On vous a dit hier que cette question était neuve. Eh! vraiment on n'avait jamais douté en France du principe, même sous les parlemens et les intendans. Aujourd'hui tout a des faces nouvelles; le progrès des lumières nous permet de faire voir que les objets les plus simples ont plusieurs faces, et depuis quelques jours l'esprit est parvenu à obscurcir les principes les plus clairs. On dit que cette question est encore neuve...! Mais elle ne l'était plus le 17 juin 1789, quand vous avez recréé par une fiction sublime, par un acte énergique de la puissance dont vous veniez de vous investir en vous constituant Assemblée nationale; quand vous avez recréé, dis-je, tous ces impôts dans l'organisation desquels le despotisme avait accumulé toutes les vexations et toutes les injustices. Pensâtes-vous alors que vous aviez besoin de la sanction du roi? Le roi crut-il pouvoir ajouter quelque chose à la volonté nationale que vous veniez d'exprimer? Non ; cette idée que l'impôt doit être le résultat de la volonté du peuple, et du peuple seul, était tellement élémentaire, tellement évidente qu'elle parut incontestable au peuple comme au roi c'est sur cette vérité que votre décret du 17 juin fut alors établi : vous aviez respecté et consacré la volonté du peuple, et votre décret fut respecté comme elle. C'est de cette vérité que je réclame aujourd'hui l'application; et si l'Assemblée nationale, après des travaux si glorieux et de si grands triomphes, se croit encore la puissance qu'elle avait le 17 juin 1789, l'adoption de l'article proposé par les comités n'est pas dou

teuse, en rejetant Paddition proposée par M. Beaumetz en faveur des ministres. (Applaudissemens.)

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Rappelez-vous cette journée du 17 juin 1789, où ́vous retirâtes solennellement le pouvoir d'imposer la nation des mains qui en avaient tant abusé; où vous décrétâtes que la nation seule, par ses représentans, et alors par représentans on n'entendait que les députés choisis par le peuple, où vous décrétâtes que les seuls représentans de la France prendraient connaissance des contributions qu'elle paierait pour les dépenses de son gouvernement et de ses établissemens publics! Ce fut un jour de triomphe pour la nation et de gloire pour vous cette gloire voulez-vous la flétrir aujourd'hui ? Ce jour de triomphe pour la France voulez-vous lė changer en un jour de deuil ?

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J'invoque en finissant la raison et les principes de ces braves députés des ci-devant communes, qui n'ont jamais dévié du chemin de la justice et de la liberté; j'invoque leur réunion contre un système perfide qui tend à mettre tout le pouvoir et toute la force de la nation dans les mains du roi et des ministres, qui leur permet de dessécher à leur gré le trésor public, d'altérer par des lois fiscales la liberté civile, et de défavoriser les représentans du peuple, que l'on voudrait, je crois, transformer en assemblée des notables!

» Je conclus à ce que l'Assemblée adopte l'article des comités, en rejetant l'addition faite à l'article des ministres.» (Nombreux applaudissemens.)

M. Beaumetz voulut répliquer; on refusa de l'entendre. L'Assemblée adopta à la presque unanimité la double proposition de M. Barrère. (Voyez dans la Constitution, au titre III, l'article 7, section IV, chapitre II, et l'article 8, section III, chapitre III.)

Dans la même séance l'Assemblée décréta sans opposition ce qui restait des articles additionnels destinés à être intercalés dans les six titres dont se composait le projet de Constitution présenté par les comités.

Sur l'exercice du droit appartenant au peuple de réformer ou de changer la Constitution; sur les assemblées dites Conventions nationales, constituantes et de révision.

Mais l'opinion publique appelait encore l'Assemblée à s'oc➡ cuper d'une haute question, celle des Conventions nationales, souvent abordée à la tribune, déjà traitée dans beaucoup d'écrits particuliers, et cependant réduite, après une longue discussion, au simple mode de révision établi par le titre VII de l'acte constitutionnel : le rapporteur, en terminant la séance du 27, annonça pour le 29 le travail des comités sur ce point important.

M. Chapelier, au nom des comités de constitution et de révision. (Séance du 29 août 1791.)

« Messieurs, les comités de constitution et de révision vous apportent aujourd'hui le complément de vos travaux : c'est moins le fruit de leurs réflexions que le résultat des opinions qu'ils ont recueillies; toutes les idées sont faites pour ainsi dire sur cette matière; quelques écrits censés ont paru pour l'éclaircir. En méditant sur cet objet on aperçoit et plusieurs principes dont on ne peut pas s'écarter, et plusieurs dangers qu'il faut éviter le premier principe est que la nation a le droit de revoir, de perfectionner sa constitution; le second est toute constitution que doit contenir en elle le vœu sage et le moyen d'arriver à la plus grande perfection; mais ce moyen doit dans son principe et dans sa conséquence être employé avec circonspection, car sous le prétexte de perfectionner une constitution on pourrait tellement en déranger les bases que perpétuellement une révolution succéderait à une révolution; et c'est un grand péril que présentent plusieurs des systèmes qui ont été proposés. A chacun d'eux s'attachent des inconvéniens plus ou moins grands; il faut pour être sage combiner les principes avec les circonstances dans lesquelles nous nous trouvons, et avec les événemens futurs que de loin nous pouvons calculer.

» On peut établir de ces cinq choses l'une :

>> Ou une Convention générale à une époque déterminée, Convention qui examinera, qui révisera la Constitution, qui s'en emparera, qui aura le pouvoir de la changer en entier,

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