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malheureusement rien n'est capable de rebuter l'ambitieux et d'écarter l'intrigant! Il faut espérer cependant qu'un grand nombre d'hommes lâches et corrompus, qui tremblent de se montrer au grand jour, seront intimidés, et ce ne sera pas là un des moindres services de la liberté.

» Mais celui qui se mettra sur les rangs ce sera l'homme fier et vertueux, qui, fort de sa conscience et de ses œuvres, loin de redouter, invoque l'opinion publique, recherche la lumière autant que le méchant la fuit, et voudrait que tous les hommes pussent lire au fond de son cœur. »

M. Larochefoucault parla après M. Pétion, et quoiqu'il ne partageât pas toutes ses vues il conclut néanmoins dans le même sens en proposant la rédaction qui suit:

<«< Tout homme a le droit d'imprimer et de publier son opinion sur tous les actes des pouvoirs publics et sur toutes les actions des fonctionnaires publics relatives à leurs fonctions; mais la calomnie contre quelque personne que ce soit, sur les actions de sa vie privée, sera jugée et punie sur sa poursuite. »

M. Pétion adopta cette rédaction comme étant la conséquence des principes qu'il venait de développer; elle obtint d'ailleurs les suffrages des autres membres de l'extrémité gauche, qui voulaient qu'on la mît aux voix et que la discussion fût fermée : les partisans des comités s'écrièrent qu'une telle disposition introduirait dans la Constitution le droit de calomnier; il s'ensuivit un moment d'agitation et de bruit pendant lequel M. Ræderer apostropha vivement ceux qui s'élevaient contre la rédaction de M. Larochefoucault.

M. Roederer. « C'est ici le dernier coup porté à la liberté ; on réserve aux ministres nouveaux le droit d'opprimer le reste de liberté que nous avons.......... ( Murmures. ). Quand Voltaire écrivit contre les abus des parlemens, s'il avait été jugé d'après la loi qu'on vous propose, il eût été puni comme un calomniateur... C'est ici une coalition ministérielle que nous avons à déjouer... (Violens murmures.) On a intérêt d'éloigner du ministère les réclamations quand on veut l'occuper... (Tumulte.) Ils demandent le ministère inviolable parce qu'ils

veulent y être... (A l'ordre, à l'ordre.) La liberté est tuée ; on conjure pour obtenir l'inviolabilité du ministère... » (Les cris redoublent.)

Au milieu de ce trouble M. Dandré s'empare de la tribune, et parvient, non sans peine, à garder seul la parole en faveur des comités :

M. Dandré. « Monsieur le président, la question qui se présente est très facile à poser, et je la pose ainsi : tout individu aura-t-il la faculté indéfinie de calomnier les fonctionnaires publics...? (Murmures. Ce n'est pas là la question!) Quelques personnes prétendent que ce n'est pas là la question... »

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M. Salles. « Vous calomniez vous-même en la posant ainsi. »

M. Dandre. « Je ne propose point à M. le président de poser la question sur le point de savoir par oui ou non s'il sera permis de calomnier; mais je dis moi que dans ma façon de voir les argumens de tous les adversaires des comités se réduisent à cette proposition. Ils ne la posent pas en effet dans les mêmes termes; ils ne l'oseraient point, parce qu'elle serait trop singulièrement absurde, trop singulièrement odieuse; on la présente donc ainsi, et l'on dit : sera-t-il permis de dire tout ce qu'on voudra sur le compte des fontionnaires publics...? Et sur cela on nous parle de la liberté de la presse, de la sûreté publique, de la censure générale, de la nécessité qu'il y a de porter le flambeau de la vérité sur l'administration! Tout cela est très beau ; cependant n'est-il pas certain qu'ils disent que vous devez laisser imprimer tout ce qu'on voudra sur le compte des fonctionnaires publics relativement à leurs fonctions? (S'adressant à l'extrémité gauche) Vous comprenez làdedans la calomnie, et cela est si vrai que, les comités ne voulant réprimer que la calomnie volontaire vis à vis des fonctionnaires publics, vous vous opposez à un article des comités qui porte une réparation contre la calomnie.....

mais

(Applaudissemens. Aux voix, aux voix. M. Roederer interrompt l'orateur.)

» Je vous prie de rappeler M. Roederer à l'ordre ; il devient insupportable. Je dis donc qu'en analisant les objections des adversaires des comités ils mettent en principe que pour la sûreté publique il faut qu'on puisse débiter tout ce qu'on veut, c'est à dire toutes les calomnies possibles sur les actes des administrateurs dans leurs fonctions publiques et sur leurs intentions. A présent je propose à l'Assemblée un exemple. On imprime dans un papier signé ou non signé, c'est égal, mais c'est plus commode dans un papier non signé; on imprime qu'un administrateur de département a reçu des boulangers, par exemple, 100,000 livres pour procurer la rareté du pain afin d'en augmenter le prix: je demande si cela est une calomnie publique ou privée; il me semble que c'est bien dans l'exercice de ses fonctions, et je sais bien que si vous avez dit dans un article constitutionnel qu'on ne pourra pas poursuivre un individu pour tout ce qu'il aura dit sur le compte d'un fonctionnaire public exerçant ses fonctions, tout juge de bon sens ne pourra poursuivre les calomniateurs. Si au contraire on dit : tel administrateur a reçu 100,000 livres ou a volé 100,000 livres à un individu, c'est là un objet privé; là il n'y a pas de fonctions publiques; un administrateur peut être un voleur tout comme un autre... (Plusieurs voix : C'est l'ordinaire... et vraisemblable.) Dans ce second cas le calomniateur sera puni. Or dites - moi quelle différence il existe entre ces deux calomnies; pourquoi l'une serait-elle punie, et l'autre récompensée de l'impunité ?

»Je suppose maintenant qu'un administrateur soit accusé d'avoir reçu 10,000 livres d'un individu riche pour ne l'imposer qu'à raison de 500 livres de contribution au lieu de le porter pour 2,000 qu'il devait payer: voilà bien certainement une fonction publique; ainsi vous pensez donc que je pourrais faire imprimer qu'un administrateur ou qu'un officier municipal, même qu'un accusateur public, ont reçu de l'argent pour ne pas imposer ou pour ne pas accuser? D'après cela je vous demande s'il est possible que vous

trouviez pour administrateurs, pour officiers municipaux et pour juges d'autres personnes que celles qui n'auraient plus à rougir de rien! (Applaudissemens.)

» Je dois faire part à l'Assemblée d'un sentiment qu'il est toujours bien doux à un homme de présenter. Les préopinans qui ont combattu l'article des comités sont des fonctionnaires publics : il est heureux de trouver dans le royaume des fonctionnaires publics assez courageux et assez au-dessus des injures par leur réputation précédente pour se passer de l'article des comités; mais croyez-vous qu'il s'en trouvera beaucoup; croyez-vous que vous ayez dans le royaume trente, quarante mille fonctionnaires publics dont la réputation soit déjà faite; croyez-vous, dis-je, qu'il n'y en aura pas une foule d'autres qui, chérissant comme on doit le faire une réputation acquise par des services publics, ne voudront pas s'exposer à la perdre par toutes les colomnies qu'on se permettra de répandre sur leur compte? Messieurs, tous les Français ne sont pas des héros; tous les Français ne sont pas encore élevés au sublime qu'inspire la liberté et l'égalité; il y en a encore beaucoup qui craignent les calomnies, et qui les craignent avec d'autant plus de raison que jusqu'au moment où l'ordre public ne sera pas rétabli les calomnies ne seront pas sans danger: or, messieurs, s'il est vrai que la calomnie puisse amener un homme public à des événemens fâcheux soit pour sa personne, soit pour ses biens, soit pour ses parens, je vous défie de trouver, surtout dans les provinces, des gens qui veulent s'exposer à toutes les calomnies des folliculaires. >>

M. Roederer. Comme le Chant du Coq. »

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M. Dandré. « Le préopinant me donne occasion de parler d'un placard intitulé le Chant du Coq, que chacun se plaît à m'attribuer, et auquel je n'ai aucune part; mais je déclare que je voudrais le faire, car je le regarde comme un très bon ouvrage. (Vifs applaudissemens.) J'ajouterai seulement à cet égard que si toutes les calomnies étaient aussi faciles à détruire qu'il m'a été facile de détruire celle du préopinant

.

il n'y aurait pas d'inconvénient dans l'avis de ces messieurs. (Applaudissemens.) Je reviens à l'ordre du jour. Il est évident par ce que je viens de vous dire qu'il est impossible de trouver dans le royaume quatre-vingt mille fonctionnaires publics qui aient le courage de se mettre au-dessus de tous les dangers qu'entraînent les calomnies s'ils n'ont pas le moyen de les réprimer. A cela on a dit : mais comment voulez-vous que je m'expose à dénoncer un fonctionnaire public si je n'ai pas des preuves légales? Je n'oserai jamais rien dire contre lui, car je craindrai sans cesse d'être poursuivi en justice.... Mais vous aurez toujours le droit de dénoncer les négligences, les infractions aux lois; cette censure contre les fonctionnaires publics est nécessaire; personne ne peut vous la contester. Ainsi, au lieu de porter vos poignards dans le sein des fonctionnaires publics, dans le sein de leurs familles, vous vous contenterez de surveiller leur administration ; vous les dénoncerez lorsqu'ils feront des actes contraires aux lois; lorsque vous aurez des indices de trahison vous les porterez non pas dans des feuilles périodiques, non pas dans des imprimés sans caractère, vous les porterez à l'accusateur public; vous les porterez à l'administration. (Une voix : Cela ne vaut rien. )

» Cela ne vaut rien ! C'est cependant là la véritable marche d'un état libre. (Murmures dans l'extrémité gauche; applau dissemens dans les autres parties de la salle.) Vous livrerez même à l'impression lorsque, attaquant par des faits un fonctionnaire public directement en sa personne et en sa probité, vous aurez des preuves contre lui; car je ne puis concevoir, je ne puis mettre dans ma tête qu'on veuille exiger en principe qu'il doit être permis, sous le prétexte du bien public, d'injurier et de calomnier les fonctionnaires publics sans aucune espèce de preuves ou sans encourir la répression. Si un des membres qui soutiennent cet article, étant fonctionnaire public, était rencontré par un individu qui lui dît: vous avez volé dans la caisse de votre district 10,000 liv., pensez-vous que le fonctionnaire public n'aurait pas le droit de porter plainte contre l'auteur de cette inculpation? (Murmures.) Autrement je prétends que le fonctionnaire

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