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ché ni poursuivi pour raison des écrits qu'il aura fait imprimer et publier, si ce n'est qu'il ait provoqué formellement la désobéissance à la loi par des actes déclarés crimes ou délits par la loi. »

M. Martineau. « J'ai demandé la parole pour combattre les deux amendemens proposés pas le préopinant. Je souțiens, messieurs, deux choses; l'une que les mots à dessein ne peuvent avoir aucune espèce d'inconvénient, et l'autre que le mot formellement donnerait lieu à bien des équivoques. Je dis d'abord que les mots à dessein ne peuvent présenter aucune inconvénient; et en effet, quel est l'inconvénient qu'on a prétendu vous faire apercevoir dans ces mots? Est-ce qu'on laisserait aux juges à juger de l'intention de l'écrivain? Je vous prie de considérer que ceux qui ont fait cette observation ont pensé être toujours sous l'ancien régime, qu'ils n'ont pas fait attention que ces sortes de matières ne peuvent être jugées que par un juré, et que le juré doit toujours juger de l'intention des accusés; c'est toujours d'après l'intention, comme par les faits, par les circonstances, par tous les moyens que vous avez mis en leurs mains; c'est par la réunion de toutes les preuves morales que le juré juge de l'intention, et s'il trouve que l'intention est innocente, quoique le fait en lui-même parle, néanmoins il acquitte l'accusé.

» Je dis au contraire que le mot formellement présente de très grands inconvéniens; il lie les mains au juré, et quoique le juré soit pleinement convaincu que l'intention de l'au-' teur a été coupable, il ne peut pas le condamner.

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J'ai vu un écrit incendiaire fait pour irriter le peuple, pour le soulever non seulement contre les magistrats, mais contre la loi elle-même, fait pour porter au meurtre, à l'incendie, à tous les excès possibles; hé bien, messieurs, cet auteur finissait par dire: voilà la loi qu'on nous a présentée, et contre laquelle il faut nous élever de toutes nos forces; mais il ne faut pas y désobéir; il faut y obéir provisoireinent; elle ne se soutiendra pas... Je demande si un écrivain de cette espèce ne se sauvera pas avec le mot formellement ;

il dirait certes je n'ai pas provoqué formellement la désobéissance à la loi; j'ai au contraire formellement, et en terines exprès, dit qu'il fallait y obéir provisoirement ; il est vrai que j'ai parlé contre la loi, que j'ai dit au peuple qu'elle était détestable, qu'il fallait l'anéantir, mais je ne l'ai pas conseillé formellement.... En conséquence le juré ne pourrait le condamner. L'amendement qu'on vous propose est donc contre l'intention même de ceux qui vous le proposent. Je demande la question préalable sur cet amendement. »

M. Dumetz demande la suppression des mots à dessein, comme prêtant au plus grand arbitraire; il veut le mot formellement, et propose en outre de substituer à ces mots : l'avilissement des pouvoirs constitués, ceux-ci : la résistance aux actes légitimes des pouvoirs constitués. M. Pétion appuie ces amendemens.

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M. Barnave. « Ce qui ne paraît résulter le plus clairement de ce qui a été dit jusqu'à présent pour ou contre l'article, c'est qu'il est extrêmement difficile de déterminer d'une maniere précise sur quoi peut porter la prohibition de la presse, ou plutôt, car il n'existe pas de prohibition de la presse, la responsabilité résultant de la liberté de la presse. Le résultat que je tire de la difficulté de déterminer clairement ces points c'est qu'ils ne peuvent pas être constitutionnels. Les véritables points constitutionnels relativement à la presse se réduisent à ces deux-ci, et c'est ainsi que l'avaient d'abord agité vos comités, et que même dans la discussion qui a eu lieu depuis dans leur sein la plupart des membres l'ont pensé l'un de publier et imprimer librement ses pensées, c'est à dire qu'il ne peut pas y avoir de censure; qu'il ne peut y avoir aucun frein qui empêche tout homme citoyen d'un pays libre d'imprimer et de publier ses pensées : le second c'est que les actions auxquelles peut donner lieu l'abus de cette liberté ne peuvent être portées que devant des jurés. Voilà ce qu'il y a de véritablement constitutionnel relativement à la presse.

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Quant aux objets sur lesquels cette responsabilité peut porter c'est une matière purement législative. Vous avez déjà

fait vous-mêmes votre loi à cet égard, et les préopinans l'ont déjà citée. Les législatures prochaines ou conserveront cette loi, ou, par l'expérience des principes de la liberté ou de la sûreté publique, pourront la perfectionner; mais elles ne pourront jamais rien changer à ces deux principes-là, savoir, 1o qu'on ne peut empêcher nul homme de publier sa pensée, sauf à en répondre dans les cas que la loi a déterminés; 2o que lorsqu'il a failli devant la loi l'action à exercer contre lui ne peut être portée que devant les jurés.

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J'appuie ce système par deux considérations : la première répond complètement aux objections tirées de l'exemple de l'Angleterre. Il est reconnu que la seule gêne illégale et oppressive qui existe en Angleterre contre la liberté de presse résulte de ce que les délits de la presse n'y sont pas examinés par les jurés, mais bien seulement par des juges, et par des juges nommés par le roi ; c'est sur ce pointlà que portent les plaintes et les réclamations, et il est universellement connu dans ce pays qu'il ne peut exister de véritable garantie de la liberté de la presse que par le jugement par jurés, attendu que ce jugement, donnant une libre et large faculté aux récusations, mettant le jugement aux mains des pairs, des concitoyens, d'hommes qui ont les mêmes intérêts, qui peuvent courir les mêmes dangers que celui qui est accusé, met plus réellement sa liberté à couvert que toute autre précaution légale. S'il attaque les pouvoirs constitués d'une manière légitime, d'une manière à prévenir leur oppression, alors il trouve dans ses concitoyens, qu'il a pour ainsi dire choisis pour juges par le grand nombre de ses récusations, des hommes qui protégent cette liberté, parce qu'elle leur est également nécessaire : si au contraire il attaque les pouvoirs constitués dans un esprit de calomnie, dans l'esprit de les détruire, afin de mettre le désordre à la place de la loi, alors il trouve dans ses concitoyens des hommes qui, intéressés à l'ordre social et à la morale politique, le contiennent dans les bornes que l'ordre public doit lui imposer. >> Cest donc véritablement dans ce jugement par jurés que vous trouverez tout à la fois la sauvegarde de la liberté individuelle de l'homme qui écrit, et de la liberté politique

qui résulte de la liberté individuelle, et en même temps le respect de la morale et de la loi; car, messieurs, quand on vient vous dire ici d'une manière indéfinie que la liberté de la presse contre tout ce qui a un caractère public ne pourrait être nuisible quand même elle ne serait sujette à aucune responsabilité, on s'égare, on s'éloigne absolument de ce que l'expérience démontre tous les jours. Je reconnais avec les préopinans que pour tout ce qui se fait sur un très grand théâtre, je veux dire au sein de l'Assemblée nationale, on peut braver impunément la calomnie, les attentats de la presse; mais partout ailleurs le fonctionnaire public n'a pas un moyen d'y résister; dans un département, dans un district, le folliculaire impudent, le calomniateur, déterminé à détruire ou le tribunal ou l'administration, en est absolument le maître si le pouvoir public ne trouve pas dans la loi un frein doux, mais cependant légitime et nécessaire, à opposer je ne dis pas à la surveillance civique, mais à la calomnie volontaire, à cette habitude si bien constatée aujourd'hui par l'expérience d'hommes qui ne rougissent pas d'employer aucun moyen pour combattre et pour détruire ce qu'établit l'empire de la loi, parce que l'empire de la loi est ce qu'ils redoutent le plus.

» Il faut donc établir un frein; mais vous chercherez vainement à limiter par des expressions strictes l'étendue que ce frein-là doit recevoir jusqu'à ce que la législation ait été sur cet objet à sa perfection; vous vous trouverez sans cesse sur la limite de la suppression de la liberté de la presse ou de l'anéantissement du frein légitime qui doit la contenir.

» Je pense donc qu'il est absolument impossible de vouloir dès à présent prévoir précisément, techniquement, le cas et les objets qui donneront lieu à cette poursuite. Je crois qu'il faut fixer, assurer la liberté par les deux principes constitutionnels; que quant à l'exécution actuelle il faut s'en tenir à la loi réglementaire déjà faite, et que quant à la perfection il faut la laisser établir par nos successeurs, attendu qu'ayant mis dans la Constitution les deux points dont j'ai déjà parlé vous conservez par ce moyen à la liberté toute son étendue, toute sa solidité, et vous ne prévenez pas

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perfection que vous devez laisser à donner aux législatures. Je demande donc que la loi constitutionnelle soit réduite à ces deux principes. » ( Applaudissemens.)

M. Ræderer. «Messieurs, la première garantie que doit donner la Constitution est celle dont M. Barnave a parlé, mais dont tous ne parlent pas; c'est la liberté de pouvoir écrire, imprimer sans être soumis à aucune censure ou poursuite préalable; de telle sorte que, quoi que l'on écrive, l'émission d'un écrit ne puisse être empêchée par personne, sauf ensuite à ceux qui auraient commis par l'impression quelques délits déterminés par la loi à en répondre ainsi qu'il sera déterminé. Je pense que là d'abord il faudrait ajouter ces mots : sans que ces écrits puissent étre soumis à aucune censure ou inspection avant leur publication. Cette première garantie une fois nettement prononcée, et je crois qu'en la proposant je suis d'accord avec tout le monde... (oui, oui!), je viens ensuite à examiner comment on doit donner à l'ordre public, à la sûreté des personnes et des lois un recours contre les ouvrages et écrits librement mis en circulation; c'est là seulement que se présente l'article des comités. (L'orateur lit l'article.) Quant à cette phrase: l'avilissement des pouvoirs constitués, tout le monde est d'accord de la supprimer... ( Non, non!) En ce cas je pense comme un des préopinans qu'il est utile de supprimer ces mots : l'avilissement des pouvoirs constitués. Et en effet, messieurs, il doit être libre à tout le monde de dire et d'écrire que tel pouvoir est dangereux, que tel pouvoir est de trop. Vous-mêmes vous avez sollicité sur une portion du pouvoir exécutif l'autorité de district, qui est un pouvoir; vous-mêmes vous avez sollicité le vœu des départemens; et comme on peut vous dire qu'il y a trop de districts, de même aussi l'on pourrait vous dire : il ne doit point y avoir d'autorité de district; elle est surabondante et abusive; et des malveillans, des gens mal intentionnés pourraient bien accuser ceux qui auraient écrit ces propositions d'avilir les pouvoirs, de nuire à l'autorité nécessaire à leurs fonctions, en les montrant comme surabondans avec ces mots.

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