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M. le comte de Mirabeau. « Quand on a eu l'honneur d'être pendant plusieurs mois le compagnon de vos travaux on s'attendrait plutôt à une grande défaveur pour l'opinion qui veut restreindre le choix des départemens que pour l'opi-, nion qui donnerait plus de latitude à ce choix.

» Chacun de nous a entendu dire qu'il était le représentant de la nation, solidaire des intérêts et de l'honneur de la nation, et non pas solidaire de tel canton: vos succès n'auraient pas fait juger qu'un principe si salutaire pât être

contesté maintenant.

» La première question qu'on peut se faire est celle-ci : peut-il y avoir d'autre loi pour l'élection que celle de la confiance, et pouvez-vous en ce sens imposer des lois à vos commettans?

» Le second point de vue de la question c'est de savoir si le principe d'élection pour les administrations provinciales est le même pour les assemblées nationales.

» Dans les premières le principe de restriction est juste et sage; ceux qui ont un intérêt immédiat, des connaissances requises doivent seuls être admis à l'administration locale ; mais l'Assemblée nationale ne s'occupe pas des intérêts locaux, et il est étrange de choisir le moment où vous avez uni toutes les parties de l'empire pour réveiller un principe qui nous a pendant longtemps divisés en trente-deux royaumes, et qui nous diviserait aujourd'hui en quatre-vingts, puisque vous avez divisé la France en quatre-vingts départemens ou provinces.

» On parle de l'Angleterre... Mais la représentation y est très vicieuse; mais il faut un très gros revenu pour y parvenir. Avez-vous admis cette détestable loi? La représentation en Angleterre est profondément vicieuse, et la vôtre est pure,

"} La preuve du vice de la représentation de nos voisins c'est qu'inutilement les deux partis cherchent à la réformer cette représentation. Et pourquoi ne le font-ils pas? Parce que le parti de l'opposition et le parti ministériel agissent de mauvaise foi, parce que c'est pour eux un domaine de corruption à laquelle la phalange des intéressés oppose une telle force qu'on ne peut la vaincre.

» Il y a quelque chose de vrai dans les craintes de ceux qui ont parlé d'intrigues et de cabales; mais il ne faut pas toujours s'environner des méfiances d'un ordre de choses qui ne subsistait que parce que nous n'avions pas de Constitution.

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pense donc qu'il ne faut pas circonscrire le choix des députés à l'Assemblée nationale, mais qu'il faut laisser

ce choix à la confiance des électeurs, qui pourront trouver dans un citoyen d'un autre département plus de lumières.

» En laissant ce choix à la liberté des électeurs je crois que nous aurons fait une chose nationalement bonne. »

M. Demeunier. « Un des préopinans a redouté les coureurs de bailliages.... Il a donc oublié que les électeurs seront tenus de résider dans le département où se fera l'élection; il n'a donc pas vu que vous êtes disposés à décider que les élections se feront partout au même instant la lettre de vos décrets et l'esprit connu de l'Assemblée auraient dû dissiper ses craintes; alors il n'aurait pas appuyé une opinion contraire à trois grandes considérations.

» Premièrement tout député représente la totalité de la nation;

» Secondement confiance des électeurs est le premier titre pour être élu ;

» Troisièmement, restreindre la faculté d'élire c'est peutêtre dans quelques circonstances empêcher les électeurs de faire un bon choix.

» Au reste je ne vois pas d'inconvéniens à déclarer qu'un tiers des députés de chaque département pourra être pris hors de ce département. »

M. Barnave. « C'est parce que l'Assemblée représente la nation qu'elle peut imposer à chaque département telle ou telle règle de représentation. En décidant que les députés ne pourront être pris que dans le département vous attireret dans les campagnes ceux des habitans des villes qui ambitionneront vivement les honneurs de la représentation publique; vous rendrez plus active cette utile censure que tous les citoyens exerceront sur tous ceux qui pourront prétendre à les représenter.

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J'adopte la motion de M. d'Ambli, et je propose que dans ce moment ou dans un autre instant plus opportun on déclare que la nation, en commettant aux différens dépar temens le choix des députés, est maîtresse de prescrire les règles de l'élection, »

L'Assemblée délibère; elle accorde la priorité à la proposition de M. d'Ambli, qui est mise aux voix et adoptée à une grande majorité; et c'est cette motion, décrétée le 18 novembre, qui forme l'article 31 de la première section du décret du 22 décembre 1 1789, ainsi conçu :

«Les représentans à l'Assemblée nationale, élus par chaque assenblée de département, ne pourront être choisis que parmi les citoyens éligibles du département.

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Reprenons la discussion du 12 août 1791.

M. Goupilleau. « M. le rapporteur nous a dit que rien ne nuisait davantage à la chose publique que la défiance : pour la détruire il faut dire franchement quand on en a; or je remarque que les comités ne mettent pas dans cette section le décret qui porte que les députés ne seront pris que parmi les éligibles des départemens. Je remarque encore que les comités improuvent et se proposent de faire changer le décret qui limite la réélection. Si vous ne mettez pas dans la Constitution le décret qui empêche qu'on soit éligible dans plusieurs départemens vous aurez des gens qui courront les départeinens, et qui multiplieront les intrigues pour se faire élire. »

M. Thouret. « L'Assemblée a pris pour règle de décréter d'abord les articles de chaque titre, et d'entendre ensuite les additions; sans cela il n'y a plus d'ordre dans la discussion.

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Quant à l'article relatif à la réélection il est en toutes lettres dans le projet, et la note qui y est jointe n'a point pour objet d'en proposer la suppression : les comités n'avaient le droit d'écarter ce décret; mais, signant leur travail, ils ont celui d'exprimer l'opinion qu'ils avaient lors de la première discussion, et qui subsiste encore. »

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M. Laville-aux-Bois. Permettre de choisir des députés dans l'étendue du royaume c'est une faculté qui peut donner lieu à l'intrigue et à la corruption. Dans nos assemblées bailliagères l'intendant de M. d'Orléans a déclaré en pleine assem→ blée qu'il venait jouer le rôle de candidat, comme dans la république romaine, et s'exposer au grand jour; il est venu nous demander une place de député par deux fois différentes : ces faits sont dans le cas d'être attestés par soixante personnes. La seconde fois qu'il s'est présenté il a fait des propositions que certainement on ne peut jamais supposer, à celui dont il se disait l'agent; les offres les plus insidieuses, les plus corruptrices ont été employées pour parvenir à son but; ne pouvant réussir, il a fini par se restreindre à la qualité de suppléant. Un agent de M. de Condé, qui avait un caractère

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pour se trouver dans la même assemblée, a voulu employer les mêmes moyens... ( Murmures.) Tout cela a été cause que l'assemblée électorale a pris le parti de ne pas nous donner de suppléans.

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» Les membres du tribunal de cassation, pris sur l'universalité des citoyens, ont produit le même exemple. D'après cela je crois qu'il est intéressant que votre décret soit conservé dans toute son intégrité, et que la disposition qui porte que les électeurs ne pourront choisir que parmi les citoyens éligibles du département soit insérée dans l'article qui est soumis à la discussion. » (Applaudissemens. Aux voix, aux voix. )

M. Thouret avoue que les comités n'ont point regardé cette disposition comme constitutionnelle; il pense au surplus que l'Assemblée peut délibérer sur les deux premiers articles, et remettre au troisième la question dont il s'agit. (Murmures.)

M. Salles. « Je m'oppose à la proposition faite par M. le rapporteur, et d'abord je ferai observer à l'Assemblée qu'en reportant la discussion à l'article 3 de la présente section c'est nous exposer à ne discuter cet article que quand la Constitution sera finie, car cet article 3 se trouve ajourné avec l'article 7 de la seconde section. En second lieu je fais observer à M. le rapporteur que l'article qui est omis est un article. constitutionnel, et je le démontre eu deux mots : l'article qui vient d'être ajourné n'était constitutionnel dans son sens que parce qu'il était, disait-il, épuratoire des mauvais citoyens; hé bien, l'article que nous demandons est aussi épuratoire des mauvais citoyens. »

Plusieurs voix du fond de la gauche. a Dites des intrigans. »

M. Salles. « Et dans ce sens, messieurs, je dis qu'il est constitutionnel, car il est conservatoire de la liberté ; il est épuratoire des mauvais citoyens. Si l'on élisait dans toutes les parties de l'empire, d'un bout du royaume à l'autre, il arri verait que tous les intrigans de la capitale se feraient prôner

par les journaux, feraient porter leurs noms à tous les départemens du royaume, appuyés de la recommandation d'autres intrigans qui auraient eu l'art de se faire une réputation. Cet inconvénient sans doute est très grand; mais en voici un autre non moins grand..

» Les assemblées électorales seront toutes convoquées au même instant; hé bien, il pourrait arriver que quelques hommes, tenant au grand honneur d'être élus par la France entière, voulussent se faire nommer par tous les départemens du royaume il arriverait de là que les électeurs, fatigués par des élections continuelles, se rebuteraient de remplir cette fonction-là, et la liberté serait en danger. Je demande donc que sous tous les rapports possibles on considère cet article comme constitutionnel, et je demande de plus qu'on le décrète à l'instant. Applaudissemens.)

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M. Garat aîné. « J'appuie cette considération, justifiée par tant de faits d'un scandale éclatant dans les corps électoraux. Nous n'aurons pas à craindre que des étrangers à tel département osent faire éclater l'ambition de s'y faire nommer par préférence aux citoyens qui sont du même département. On sait combien de brigues on a fait mouvoir dans les assemblées électorales qui nous ont portés ici, brigue de nom, brigue de rang, brigue de fortune. Les mêmes inconvéniens seraient à craindre plus que jamais, parce que dans la suite la représentation nationale sera plus intéressante que jamais. Dans les départemens le mérite est modeste; il n'a pas de grandes prétentions dans la capitale le mérite, lorsqu'il a eu quelque succès d'éclat, cesse en vérité, messieurs, d'être modeste, et comme il a de grands moyens ses entreprises sont à craindre. » (Aux voix, aux voix la proposition de Salles. - Agitation.)

M. Thouret. Je demande la parole. » ( Murmures.)

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M. Gaupilleau. « Je demande que M. Thouret soit entendu sur le fond. Ne craignons point d'entendre les orateurs qui nous combattent; la Constitution ne dépend pas d'eux; nous la défendrons jusqu'à la mort : nous aurons assez de courage

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