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vers, qui réussirent, malgré l'incorrection du style: ce journal étant de venu bientôt le champ de bataille d'une guerre littéraire qui ne convenait ni à son honnêteté ni à sa dou

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était chez son relieur; entre un villageois qui donne au relieur un livré en feuilles, en lui disant : « Tenez, >> reliez-moi cela bien ferme. · Où » avez-vous pris ce livre? lui deman» de le relieur. Je l'ai acheté à la » ville; notre bailli et notre maître » d'école l'ont trouvé si drôle, qu'ils » ont manqué en étouffer de rire : j'ai un garçon qui commence à liré couramment; il me lira ça le soir pen»dant que je fumerai ma pipe, et je » n'irai presque plus au cabaret. » Lors de la prise de Leipzig par les Prussiens en 1758, un lieutenant de hussards entra brusquement chez Gellert, pour le remercier aussi d'avoir fait ces beaux livres qui l'avaient tant diverti pendant ses campagnes; et il voulait absolument témoigner sa reconnaissance au paisible professeur, en lui faisant présent d'une paire de pistolets qu'il avait pris à un Cosaque, et d'un fouet qui avait servi, disait-il, à donner le knout. On rencontre à chaque instant dans la Vie et dans les Lettres de Gellert, des preuves de cet enthousiasme populaire qu'il avait excité dans toute l'Allemagne : au milieu des désastres de la guerre, des régiments presque entiers venaient assister à ses leçons ; les soldats le saluaient respectueusement, et un sergent qui avait obtenu son congé, se détourna de sa route pour voir, avant de retourner dans son pays, ce brave M. Gellert, dont les livres l'avaient empêché de devenir un malhonnête homme. Une morale simple, douce, et à la portée de tous les esprits, est en effet un des principaux mérites des ouvrages de Gellert, et a sans doute été une des causes de leur influence; les Allemands aiment qu'on leur parle de morale, et leur prêcher la vertu est parmi eux un moyen de succès à peu près sûr: Gellert la leur recom

ceur, il y renonça, et publia, de concert avec quelques amis, un autre ouvrage du même genre, sous le titre de Matériaux pour former l'esprit et la raison, quatre vol., Brème, 1746, où toute satire personnelle était interdite. Il avait, en 1744, pris le degré de maître ès-arts dans la faculté des lettres de l'université; et dès lors son temps fut entièrement consacré, soit à écrire, soit à donner des leçons publiques de littérature et de morale. En 1746 parut le premier recueil de ses Fables; il fit imprimer, fa même année, son roman de La Comtesse suédoise: ces deux publications furent suivies de celle de plusieurs comédies, La Dévole, Les tendres Sœurs, etc., et du second recueil de ses Fables et Contes. Ces divers ouvrages eurent le plus grand succès; le ton en était simple et naturel, le style correct et facile: ses Fables de vinrent une lecture tout-à-fait popu laire ; on les lut dans les villages, on les apprit par cœur dans les écoles; chaque jour apportait à Gellert de nouvelles preuves de ce succès. Un paysan vint à Leipzig, conduisant une voiture chargée de bois qu'il fit arrêter devant la maison du professeur. « N'est-ce pas ici que demeure » M. Gellert? demande-t-il. » montez. » Il arrive devant Gellert: N'êtes-vous pas, monsieur, le >> M. Gellert qui a composé des fables? »- C'est moi-même. Eh bien! » voici une voiture de bois. que je >> vous amène pour vous remercier » du plaisir qu'elles nous ont fait, à » moi, à ma femme et à mes en»fants. » Une autre fois, Gellert

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Oui,

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mandait d'ailleurs avec ce ton de bonhomic qui plaît, surtout en Allemagne, aux classes inférieures de la société. Sa réputation s'étendit bientôt du peuple aux grands seigneurs: pendant la guerre de sept ans, le grand Frédéric et le prince Henri voulurent le voir. On connait cette conversation où le professeur soutint noblement devant le Roi l'honneur de la littérature allemande et la nécessité de la paix. Gellert se plaignit de l'indifference des souverains allemands pour leur nation et leur propre langue : « Il nous » faudrait, lui dit-il, des Auguste, » des Louis XIV. Comment! la » Saxe n'a-t-elle pas eu deux Augus» te? - Qui, sire, aussi avons-nous » de bons commencements. » Frédéric ne fut point choqué de la franchise du professeur, et lui parla de ses Fables: Gellert en récita une qui plut au roi ; et quelque temps après, Frédéric écrivait, en parlant de lui: « Ce >> petit bourru de Gellert est réelle>>ment un homme aimable; c'est un >> hibou qu'on ne saurait arracher de » son réduit; mais le tenez-vous une » fois, c'est le philosophe le plus doux >> et le plus gai, un esprit fin, tou» jours nouveau, toujours ne ressem» blant qu'à lui-même: pour le cœur, » il est d'une bonté attendrissante; la » candeur et la vérité s'échappent de » ses lèvres, et son front peint la >> droiture et l'humanité. Avec tout » cela, on est embarrassé de lui du » moment que l'on est quatre person >>nes ensemble; ce babil l'étourdit, » la timidité le saisit, la mélancolie le » gagne, il s'oublie, et on n'en tire pas » un mot. » Gellert, timide et sans habitude du monde, devait en effet se trouver déplacé dans la société vive, brillante et moqueuse de Frédéric. II reçut cependant, des hommes qui la composaient, et en particulier du

prince Henri, d'honorables marques d'estime qu'il ne chercha point à faire fructifier; la faiblesse de sa santé le condamnait à cette vie sédentaire qu'il avait choisie par goût: ses souffrances le faisaient souvent tomber dans l'hypocondrie et la tristesse; tout l'effrayait, rien ne le rassurait, et les soins de ses amis lui faisaient seuls quelque bien. Ses cours publics étaient fort suivis: il ne parlait point avec éloquence; il ne mettait point en avant ces idées neuves et hardies qui entraînent tous ceux qu'elles ne repoussent pas: mais sa diction était facile; ses idées étaient claires et justes. Les troubles de la guerre de sept ans, et les malheurs de la Saxe, inquiétèrent souvent son repos, sans interrompre ses travaux et ses succès. En 1754, parurent ses Poésies didactiques morales; en 1756, ses OEuvres mélées, recueil des discours qu'il avait prononcés à l'ouverture et à la clôture de ses leçons publiques. La même année il donna ses Cantiques, celui de ses ouvrages auquel il tenait le plus, et qu'il a travaillé avec le plus de soin : ce sont des morceaux de poésie religieuse, pleins d'une piété douce et d'une véritable onction, plus riches en sentiments qu'en images, et d'un ton souvent noble, mais rarement élevé. En 1758, il donna un cours de morale dont le succès fut prodigieux : ce n'était point un traité philosophique de morale, mais une suite de réflexions, bien enchaînées et bien présentées, sur la nature et la destination de l'homme, sur l'importance et la beauté de la vertu; toute pédanterie scolastique en était bannie: cette manière simple et sans prétention de science était alors un phénomène ; aussi fut-elle universellement goûtée. Lorsque la paix de 1763 eut rendu la tranquillité à la Saxe, l'électeur

marbre, en plâtre, en cire, sur la toile et sur le bois; on ouvrit une souscription pour lui ériger un monument: M. OE-er, professeur de dessin à Leipzig, devait en être charge; mais des circonstances particulières en firent remettre le soin à M. Schlegel. Ce monument est placé dans l'église du cimetière de Leipzig, faubourg de Grimma: il représente la Religion offrant le médaillon de Gellert à la Vertu, qui s'apprête à le couronner; les deux figures d'albâtre, avec le médaillon de cuivre jaune, reposent sur un sarcophage de marbre noir. M. Wendler, libraire de Gellert, lui fit élever dans son jardin un autre monument, qui fut exécuté par M. OEser: un cippe, surmonté d'une urne sépulcrale, offre le médaillon de Gelfert; les trois Grâces, encore dans l'enfance, pleurcut leur père : leur enfance fait allusion à celle de la litté rature allemande. Ce monument mérita l'approbation de Pigalle, passant à Leipzig en 1776. Tous ces témoignages d'affection et de regret étaient dus aux vertus comme à l'influence des talents de Gellert: son caractère contribua presque autant que ses ouvrages à répandre en Allemagne le goût des lettres. Il accueillait, avec une extrême bonté, tous ceux qui voulaient le voir, et prêtait libéralement aux jeunes gens le secours de ses lumières, de sa protection, souvent même de sa bourse. Une correspondance très étendue lui donnait beaucoup de moyens de servir ceux. qui avaient besoin de ses bons offices. Le recueil de ses Lettres est un monument authentique de sa bonté on y reconnaît une ame honnête et tendre, une rare sincérité de conscience, et cet amour de perfectionnement qui distingue la vraie vertu. Le caractère de Gellert man

Frédéric Christian et son fils Frédéric-Auguste témoignèrent à Gellert une bienveillance pleine d'estime : ce dernier lui fit une pension que Gellert trouva trop considérable, et qui lui fut conservée malgré ses représentations. En 1765, 1767 et 1769, l'électeur et sa cour voulurent assister aux leçons du professeur de Leipzig; et il prononça devant eux trois discours, le premier sur la nature, l'étendue et l'utilité de la morale; le second, sur les causes de la prééminence des anciens sur les modernes; le troisième, sur l'empire qu'il faut avoir sur soi-meme. Ces trois morceaux lui valurent de nouvelles marques de consideration, dont il fut encore plus touché que flatté. Malgré le déplorable état de sa santé, et sa mélan colie habituelle, il entreprit de mettre la dernière main à ses Leçons de morale, pour les donner au public; mais elles ne devaient paraître qu'après sa mort. En vain il essaya de plusieurs remèdes les eaux de Carlsbad ne le soulagèrent que momentanément; il voyait approcher la fin de sa vie avec tristesse, mais sans effroi : le 5 déceinbre 1769, ses évanouissements redoublerent, et les douleurs devinrent plus aiguës; il languit sans se plaindre jusque dans la nuit du 13 au 14 décembre: Je ne croyais pas qu'il fút si difficile de mourir, dit-il à ses médecins, en leur demandant combien de temps cela pouvait encore durer.-Peut-être encore une heure, lui répondirent-ils.-Dieu soit loue! encore une heure!· et il mourut en effet dans la nuit. Sa mort fut pleu rée de l'Allemagne entière, comme celle d'un bienfaiteur de sa nation : les chaires publiques retentirent de son éloge; tous ceux qui savaient écrire firent des vers ou de la prose en son honneur; on multiplia son image en

te;

pas.

mais elles interrompent quelquefois
le fil du récit. Ses meilleures fables
sont celles dont le sujet est de son
invention, et c'est le plus grand nom-
bre; mérite trop rare parmi les fabu-
listes. Celles qu'il a imitées de La
Fontaine sont très inférieures à l'ori-
ginal, et Gellert n'en disconvenait
La gaîté ne lui est pas étrangère, mais
la sienne est plus naïve que piquan-
et quand il essaie de donner à la
fable le ton de la satire, il manque de
concision et de sel. -5°. Des Come-
dies. Gellert ne connaissait pas assez
le monde et les travers de la nature
humaine pour réussir dans la comé-
die: l'exagération prend souvent dans
les siennes la place de la vérité; il suf-
fit, pour s'en convaincre, de lire sa
Dévote, mauvaise imitation du Tar-
tuffe, sans intérêt, sans caractère, et
sans dénouement: il a mieux réussi
dans le drame des Tendres sœurs,
dont le dialogue est naturel et la mar-
che touchante: Ses Comédies, comme
tous ses ouvrages, ont été d'abord
imprimées séparément, et souvent
reimprimées depuis: Leipzig, 1745,
in-8°.; 1747, in-8°.; 1758, in-8°.:
quelques-unes ont été traduites en
français (1). -6o. La comtesse sué
doise de C**., roman où la vérité
des détails fait pardonner l'invrai-
semblance des événements, et qui
attache, par le charme des senti-
ments, malgré la faiblesse de la pein-
ture des caractères, Leipzig, 1746,
in-8°.; 1758, in-8.: on en connaît
deux traductions françaises; l'une
(par Formey), 1754, in-8.; l'au-
tre par M. de B., Paris, 1779 et

quait de vigueur comme son esprit; ses souffrances physiques rendaient quelquefois son humeur inégale: il n'était pas maccessible aux petits plaisirs de la vanité; mais la franchise avec laquelle il avouait ses faiblesses, et le desir qu'il avait de les surmonter, ne permettent pas de les considérer comme des torts; on les lui pardonne d'autant plus aisément, qu'il se les pardonnait moins lui-même. La collection de ses OEuvres a été souvent reimprimée: Leipzig, 1766, 10 volumes in-8°.; Berne, 1769-74, 10 vol. in-12; 1775, 10 vol. in-12; Francfort, 1770, 4 vol. grand in-8.; Leipzig, 1776, in-8°.; ibid., 1784; etc., etc. : ces deux dernières éditions sont les plus complètes et les plus soignées. Celle de Berne, que nous avons sous les yeux, contient: 1°.Une Dissertation sur le style épistolaire, et les Lettres de Gelert avec quelques lettres de son ami Rabener. Ces let tres, dont quelques-unes sont fort piquantes, ont été traduites en francais par M. Huber, qui les a fait précéder d'un Eloge de Gellert, 1 vol. in-12, Leipzig, 1777; et par Me, de Lafi e (Utrecht, 1775), qui y a joint la traduction de la Vie de Gellert par M. Cramer. 20. Les Cantiques ou Poesies religieuses -5°. Les Poé sies morales didactiques. —4°. Les Contes et les Fables, traduits dans presque toutes les langues, et plusieurs fois en français, entre autres par Boullenger, et en vers par Toussaint (1). Comme fabuliste, Gelert a un talent original et vrai; sa narration manque de vivacité, mais elle est naturelle; son style est plus élégant que poétique; ses réflexions sont souvent ingénieuses, et exprimées avec grâce, Junker et Leutaud, 1773, 2 vol. in 12; les

(`ll ven a aussi une traduction en vers français, par une femme aveugle Mariane Wilhelmine de Steven), Brestau, 1777, in-8°. Le juif Abraham en publia, à Halle, une traduction hébraïque.

(1) Le Billet de loterie, comédie de Gellert, fait partie du Théâtre allemand, traduit par

Sœurs amies, comédie en deux actes, se trouvent dans les Progrès des Allemands dans les sciences, par le baron de Bielfeld, 1768, in-8.; la Dévote, traduite par Poizeaux, a été imprimée à part, Berlin, 1756, in-12.

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1784, 2 parties in-12. 7°. Des OEuvres mélées, contenant des contes, des idylles, etc. - 8°. Des Dissertations de littérature et de morale, agréables à lire, souvent spirituelles, quelquefois insignifiantes, et beaucoup plus remarquables dans le temps où elles ont paru qu'elles ne le sont aujourd'hui, Leipzig, 1747, in-8.; 1766, in-8°., etc. -9°. Ses Leçons de morale, publiées après sa mort, par J. A.Schlegel et G. L. Heyer, Leipzig, 1770, 2 vol. in-8°. : elles ont été traduites en français par M. Pajon, qui y a joint des Réflexions sur la personne et les écrits de l'auteur; traduites aussi de l'allemand (de Garve), Utrecht et Leipzig, 2 vol., 1772; elles l'ont encore été par la reine de Prusse, veuve du grand Frédéric (Berlin, 1790, 2 vol. in-8°. ) Cette princesse a aussi traduit en français, les Hymnes et les Odes sacrées de Gellert, ibid., 1789, in-8°. (Voyez ÉLISABETH-CHRISTINE.) Tels sont les titres littéraires d'un homme qui, malgré les révolutions qu'a essuyées, depuis sa mort, la littérature alle mande, malgré le dédain que témoignent, pour ses poésies et ses idées, certains critiques modernes, conservera toujours, aux yeux des juges équitables, le mérite d'avoir puissamment contribué à former la langue, et à mettre en mouvement les esprits de ses compatriotes: rien n'est plus commun que l'ingratitude en littérature; le génie même n'y échappe pas toujours, et Gellert n'était point un homme de génie : mais, si l'on peut lui contester la gloire dont il a joui de son vivant, on ne saurait lui ravir la réputation qu'il a justement acquise. On a beaucoup écrit sur sa vie : le meilleur ouvrage à ce sujet est celui de sou ami Cramer, qui forme le xo. vol. de la plupart des collections de ses

OEuvres. Le célèbre Garve a bien juge Gellert dans ses Observations sur la morale de Gellert, ses écrits et son caractère, Leipzi, 1770, in-8°. Ernesti a aussi écrit son éloge en latin, Leipzig, 1770, in-4; et Baur, en allemand, dans le tome i de ses Biographies. G-T.

GELLERT (CHRISTLIEB - EHREGOTT), frère aîné du précédent, savant professeur de métallurgie, né à Haynichen, près de Freiberg, en août 1713, fit ses premières études à Meissen, et ensuite à l'université de Leipzig. Appelé avec plusieurs autres savants saxons à Pétersbourg, il y enseigna d'abord pendant un an, et fut ensuite pendant dix ans adjoint à l'académie. Ses relations intimes avec le célèbre Euler lui inspirèrent le goût de la physique et de la chimie; et ce fut pendant son séjour à Pétersbourg qu'il commença à cultiver ces sciences. Rappelé en Saxe en 1746 ou 1747, il s'y livra de nouveau à la carrière de l'enscignement. Ses cours minéralogiques attiraient à Freiberg une quantité d'étrangers de la plus haute distinction, et lui furent payés très cher; car le prix ordinaire d'un cours public était de 3 à 4 cents thalers (12 à 16 cents fr.), et pour un cours particulier il recevait jusqu'à 2 mille fr. Il fut nommé successivement en 1753 conseiller commissionné aux mines, chargé de l'inspection des machines, de l'examen des fontes et de celui des minéraux de la Saxe; en 1764, administrateur en chef des fonderies et forges à Freiberg; en 1765, professeur de métallurgie à l'académie des mines établie dans la même ville, et enfin en 1782 conseiller effectif des mines. Ses recherches métallurgiques ont fait faire un grand pas à la science. Ha le premier introduit en

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