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Frs4.3

HARVARD

COLLEGE

FEB 7 1914

LIBRARY

Minot fund

SOCIÉTÉ HAVRAISE D'ÉTUDES DIVERSES

RÉSUMÉ ANALYTIQUE

DES

Travaux de la 22" Année

(1855)

Par M. le Docteur LECADRE

MESSIEURS,

Un fait remarquable s'est passé sous nos yeux depuis une vingtaine d'années, c'est l'extension qu'ont prise les Académies de province, c'est le vigoureux essor qu'elles ont su imprimer à leurs travaux, c'est l'affranchissement du joug de la Capitale qu'elles ont voulu tenter.

Paris avec ses nombreux Cours publics, avec ses Écoles savantes, avec ses riches Collections, avec ses magnifiques Musées, avec ses Académies éclairées, restera toujours le centre des sciences, de la littérature et des beaux-arts. Tout ce qui sentira naître en soi le feu du génie, la soif des recherches, le goût du beau, la noble ambition de tenter d'arriver

au pinacie ne se sentira à l'aise qu'à Paris. Il n'y avait qu'une seule place, qu'une seule résidence possible pour Cuvier, pour Arago, Dupuytren, Thiers, Guizot, Lamartine, Victor Hugo, Ingres et Delaroche, et ce seul lieu possible était Paris. Mais autour du soleil ne sait-on pas que gravitent une foule de planètes, et ces planètes elles-mêmes n'ont elles pas des satellites. La Capitale de la France devait rester le centre des lumières de tous les genres, le point de mire de l'élite de tous les savants, de tous les poëtes, de tous les artistes; mais pourquoi ce joug qu'elle faisait sentir si rigoureusement à tout ce qui habitait la province? Comme une femme coquette et jolie, elle était exigeante, elle voulait exercer sa domination sur tout ce qui l'entourait. Rien de ce qui n'était conçu, élaboré, perfectionné, publié à Paris, ne devait être remarqué; un prompt oubli était l'inévitable conséquence de tant d'audace, et le châtiment du malheureux qui s'était permis de croire qu'à Toulouse ou à Strasbourg, on pouvait avoir une idée, ne se faisait point attendre. Dernièrement, on offrait à un éditeur de Paris un ouvrage sorti de la Province. « C'est bien, répondit-il! Mais que voulez-vous que j'en fasse; il me faudra dire qu'il provient d'un département et personne n'en voudra.» Un savant médecin de Bordeaux (M. Gintrac) a, du produit de trente années d'observations pratiques, composé une Nosologie complète; l'ouvrage est apprécié et mérite de l'être sous tous les rapports; mais c'est avec peine que quelques exemplaires sortiront de la Guyenne pour aller orner les rayons de quelques bibliothèques choisies.

La Province s'est enfin émue d'un pareil état de choses. Elle s'est bien gardée de refuser à la Capitale le culte qui lui revient à si bon droit, elle n'a pas nié la vérité de ce que disait Diderot « Pourquoi faut-il être à Paris pour écrire très bien » ce que l'on sent, ce que l'on conçoit aussi bien et peut-être > beaucoup mieux ailleurs. » Mais elle a voulu avoir la

liberté de penser, de travailler, d'écrire, elle s'est réfugiée dans ses Académies locales, et là, elle a tenté de produire. Il ne faut pas remonter bien haut pour s'assurer que dans les rares Académies qui existaient il y a quelques années ce n'était que furtivement, et après avoir bien regardé si personne n'écoutait aux portes, qu'on osait avancer un fait, signaler une observation, raconter une nouvelle, réciter une fable. Dans un volume très exigu, qui ne paraissait qu'à des intervalles bien éloignées, sous une couverture bien humble et bien timide, on osait à peine donner une sèche analyse, dont le moindre défaut était de rétrécir les idées, de réduire les faits, de les ramener à une très petite échelle, trop heureux quand ils n'étaient point complètement défigurés. Il n'en est plus ainsi aujourd'hui; Rouen, Caen, Toulouse, Nancy, Dijon, Lille, Metz, Reims, etc., etc., ont rivalisé d'ardeur et d'émulation. Chaque année, toutes ces villes et bien d'autres en France publient de gros volumes remplis d'excellentes dissertations, de savants mémoires, d'idées complètement

neuves.

Chose étrange même ! Tandis qu'à Paris, le marteau démolisseur, dans l'intention d'offrir aux gens qui aiment par dessus tout les aises de la vie, des rues bien alignées, bien espacées, un peu mieux aérées, bien blanches et bien monotones, ne respecte rien, pas même la marche encore rouge du sang de l'amiral Coligny, pas même le boudoir qui fut en même temps le témoin des rêves ambitieux de la belle Gabrielle d'Estrée et de son horrible mort, pas même ce qui restait encore de cette terrible et émouvante prison du Temple. Que fait la Province ? Elle réchauffe et évoque les vieux souvenirs historiques, et jamais les travaux ni les fouilles archéologiques n'ont été plus nombreux qu'aujourd'hui dans nos départe

ments.

A ces recherches, ne se bornent point les Académies de pro

vince. Elles ne restent point à la surface de la terre, elle péDètrent encore plus avant dans les profondeurs du sol pour en arracher des secrets géologiques ou paléontologiques; elles se livrent à l'étude de tous ces phénomènes curieux qui se passent autour de nous, et qui font la base de la science météorologique. L'air sain n'est pas seulement l'objet de leurs travaux, elles l'analysent encore, lorsqu'il est vicié par une cause quelconque. En suivant la marche des épidémies, elles s'efforcent d'en débrouiller la nature; en recherchant les causes d'insalubrité, elles poursuivent une œuvre de haute philantropie, la préservation de la santé. Si l'on joint à la série de ces travaux variés des élucubrations philosophiques, des problêmes de mathématiques transcendantes, de physique et de chimie résolus, de la bonne et consolante littérature, on verra que la Bibliothèque qui, dès aujourd'hui, s'efforce de cataloguer toutes ces diverses productions, sera, dans quelques années, bien précieuse et bien recherchée.

L'histoire des autres Académies de province a été aussi la nôtre. Quand nous avons osé prendre date dans le monde scientifique, trop longtemps une louable, mais fausse modestie nous enchaîna dans nos travaux. C'est à peine si nous osions enregistrer dans un mince volume, qui paraissait à des époques assez éloignées, la froide analyse d'études variées et consciencieuses, qui eussent gagné bien davantage à être reproduites textuellement. Si quelque chose s'oublie encore plus vite que l'œuvre d'un homme souvent inconnu, c'est le sommaire bien réduit qu'on en donne, et bien des travaux sortis de cette enceinte sont aujourd'hui pour ainsi dire éteints, parce qu'ils n'ont point été livrés à la publicité. Qui aujourd'hui se doute ou conserve le souvenir, (et cependant nos archives font foi et sont là pour le rappeler,) que c'est au milieu de nous qu'est éclose la première idée de la fondation d'une Banque au Havre? Quand par la force des choses,

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