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tiré comme lui d'exitus, et dans uscire le même que issir, sans qu'ils soient le résultat d'aucune influence germanique ou teutonique.

J'aurais bien d'autres choses à dire sur les inductions que l'auteur du Mémoire a tirées, à l'appui de sa thèse, de différentes formes de certains mots. Mais il faudrait les avoir sous les yeux, et je n'ai plus d'yeux.

Par exemple, si j'ai bien entendu, M. Devaux a paru s'étonner de ce que dans Amsterdam I'r était employé au lieu d'un qui termine le nom de l'Amstel, sur lequel la ville est bâtie. On sait poutant qu'en composition comme en dérivation les consonnes du même ordre s'échangent fréquemment et mutuellement, les liquides pour les liquides, les labiales pour les labiales, etc.

Ainsi rossignol, qui vient de luscinia, a pris au commencement un r pour un l, tandis que l'italien faisant de I'l un article, dit l'usignuolo. C'est encore pis en français, dans les noms propres imités d'une langue étrangère. Ainsi le champ de bataille où François Ier battit les Suisses s'est appelé jusqu'à nos jours Marignan, c'est-à-dire jusqu'à ce qu'un nouveau triomphe des armées françaises chèrement acheté nous apprît que Melegnano et Marignan étaient le même lieu. Ce n'est rien en comparaison de la manière dont les Français ont fabriqué Ratisbonne avec un nom allemand qui n'y ressemble pas du tout Regensburg.

Qui croirait aussi que Le Havre et La Hague, en Normandie, pays de M. Devaux et le mien, sont venus du même mot scandinave haben, encore en anglais haven, en danois havn, témoin Kjobenhavn dont nous avons fait Copenhague? Rien n'est cependant plus vrai. Pour La Hogue et Copenhague la labiale b out a été changée en gutturale. Quant au Havre, on disait autrefois hable par adoucissement de habne, et ainsi le hâble d'Harfleur, le hâble de l'Eure. Il y a soixante ans, les paysans cauchois disaient encore: «Je vas au Hâble... » qui est Le Havre de François Ier. L'r, au lieu de l'l, interposé à la fin de ce mot, est dû à la même raison qui en a fait mettre en français aux mots ordre et Londres. Cette

raison est la difficulté de prononciation des labiales b ou v, ou de la dentale d contre la nasalen, pour des gens qui entendaient quelque chose comme Havne, Londne, ordne; car, soit dit en passant, ce dernier mot ne devait pas s'écrire Ordêne, comme l'ont fait SaintePalaye, Legrand d'Aussy et autres. C'est pour obvier à cette difficulté que les Français adoucirent cette syllabe en substituant l'r à l'n, comme les Italiens, qui écrivent aussi Londra en traduisant London.

Mais c'est trop prolonger cette digression; qu'on veuille bien me la pardonner. Il devait me suffire de démontrer que huis vient d'exitus, comme l'uscio des Italiens, et c'est tout ce que je désirais pour le moment.

A la suite de cette lecture M. DEVAUX demande la parole:

Messieurs, dit-il, en ouvrant le feu contre moi, M. de Martonne a tout d'abord rendu témoignage à ma bonne foi, je l'en remercie; car c'est à cela seul que je tiens en définitive, et je vais lui en donner immédiatement une nouvelle preuve non-seulement je m'avoue vaincu, mais il m'a convaincu.

J'avais explicitement reconnu la différence de signification de notre vieux mot huis et des mots d'origine germanique auxquels je le rattachais. « C'est un fait constant pour moi comme pour vous,» avais-je dit. Puis j'ajoutais : « Ainsi dans notre vieille langue seulement ce mot aurait reçu un sens non pas contraire, mais détourné du tout à la partie... Les exemples foisonnent de mots qui dans une langue, et surtout en passant d'une

langue dans une autre, ont ainsi dévié du sens primitif qui se retrouve aisément, comme ici, soit dans leurs congénères, soit dans leurs dérivés. » Me rendant ainsi compte de cette sorte d'anomalie dans la signification, j'avais été naturellement amené à ne plus m'occuper que de la forme, et je m'étais laissé prendre à l'identité sous ce rapport de notre vieux mot français et du mot hollandais qui signifie maison. Or comme incontestablement pour tout le monde le mot hollandais est de souche germanique, j'en avais tiré la conséquence que vous savez. J'attachais surtout une grande importance à l'h initial. En principe je ne m'en dédis pas je ne puis partager l'avis de certains utopistes qui regardent comme insignifiants tous les signes orthographiques qui ne représentent pas un son perceptible à l'oreille et voudraient les retrancher de l'écriture. En revanche ils ne parviendront jamais à représenter exactement toutes les nuances de son que distingue l'oreille; ils poursuivent, comme tous les utopistes, un but chimérique; mais de plus ils méconnaissent divers rôles, souvent fort importants, que remplissent d'ailleurs ces signes qu'ils voudraient faire disparaître. Ainsi notre h muet a, règle générale, sa raison d'être dans l'histoire du langage, il est étymologique. Je sais bien que l'italien, par exemple, n'en a pas tenu compte; il a poursuivi jusque dans ce signe l'aspiration grammaticale, dont il a une telle horreur, que c'est en partie à cela que cette belle langue doit le reproche au moins spécieux d'être molle à l'excès. Tandis que des mots homo, honor, horror, etc., nous avons fait homme, honneur, horreur, l'italien en a fait uomo, onore, orrore, et ainsi des autres. De même il écrit armonia, tandis que nous écrivons harmonie, parce que dans le grec armonia le premier alpha est marqué de l'esprit rude, que rappelle notre h muet dans les mots qui nous viennent de cette langue et que nous n'aspirons plus. Mais l'italien luilui-même conserve un vestige remarquable de cet h purement historique, étymologique, dans l'indicatif présent de son verbe avere, du latin habere, avoir. Il écrit

toujours ho, j'ai; hai, tu as; ha, il a;... hanno, ils ont; malgré l'autorité de Métastase, qui ne voulait pas de cette exception. Autre utopie, car nulle règle sans exception. M. de Martonne nous en fournit un exemple frappant dans les mots hermite, hermitage, où notre h muet est vraiment parasite, car le grec erêmitès est simplement marqué d'un esprit doux.

Puisque je suis forcé de reconnaître l'exception dans le mot hermite, je serais mal venu à en contester la possibilité dans le mot huis, et cela une fois admis il se range admirablement à l'étymologie qu'en donne M. de Martonne par l'intermédiaire de l'italien uscio, et qui a l'avantage de présenter un sens moins détourné. Üscio est le substantif du verbe uscire, forme italienne du latin exire. En effet l'e remplacé par l'u n'est qu'un de ces changements de son, de voyelle, auxquels nous sommes surabondamment habitués; puis vient l'x, consonne si dure qu'elle n'a pas trouvé grâce non plus auprès de la délicatesse italienne. Elle la remplace constamment, soit, comme ici, par sc, soit par un s simple ou deux ss, ou bien encore par un z. Exilium, Esilio; Alexander, Alessandro; Xenophon, Zenofonte. En confirmant ainsi analytiquement ma défaite, je trouve moyen de la restreindre, et vous ne verrez pas là, je l'espère, une trop vaine recherche d'amour-propre; car, puisque vous avez accordé à mon travail l'hospitalité de votre Bulletin, il faut bien que vous y ayez trouvé quelque chose de bon, et je me fais presque un devoir de relever ce qui peut en rester. Si la bonne foi dont je ne veux pas me départir ne m'en empêchait, je pourrais alléguer qu'en réalité j'avais seulement voulu lancer comme signal de combat ce feu d'artifice dont M. de Martonne n'a pas été longtemps ébloui, et je pourrais étayer mon assertion des autres parties de mon travail. En effet, si, sur un seul point, sur un mot, j'ai rencontré à mon grand désavantage un adversaire dans M. de Martonne, je suis heureux de me trouver d'accord en tout le reste avec sa solide et saine érudition. Je vous demande encore un instant pour le démontrer par quelques rapprochements.

M. de Martonne me suppose préoccupé à l'excès des crigines germaniques de notre langue, tandis qu'au contraire je les regarde avec lui comme fort rares: « Si chez nous, avais-je dit, le mot huis a été détourné de son sens primitif, j'en concluerais tout simplement que notre langue, fille du latin, ne l'a pas reçu directement de lui, mais qu'elle l'a puisé à la source germaniqne qui lui était moins familière. »

« M. Devaux a paru s'étonner, dit ailleurs M. de Martonne, de ce que, dans Amsterdam, l'r élait employé au lieu d'un l. » Loin de m'en étonner, c'était une observation que je faisais préalablement à l'appui de ma thèse, absolument la même à ce sujet que celle de M. de Martonne: «Une loi tellement dans la nature qu'elle est devenue un principe élémentaire de grammaire générale, c'est l'échange si fréquent des consonnes de même ordre, douces, fortes, aspirées, entre elles. » Voilà ce que j'avais écrit avant de savoir que M. de Martonne dirait dans ses précieuses observations: «On sait pourtant qu'en composition comme en dérivation les consonnes de même ordre s'échangent fréquemment et mutuellement. >>

Quant à ce que j'avais dit de la présence de la lettre T dans ostium, M. de Martonne le réfute en citant les mots père, mère, frère, qui, plus défigurés que leurs équivalents en grec, en latin, en allemand, en anglais : Pater, Vater, Father, etc., n'en sont pas moins venus comme eux de mots sanscrits contenant également les dentales D, T ou Th. Par compensation, je me félicite doublement de me rencontrer si bien avec M. de Martonne sur la parenté de nos langues européennes avec le sanscrit, et d'avoir encore écrit avant de connaître ses observations: «Appuyés sur un ensemble solide d'analogies, les philologues ont rattaché à la langue sacrée de l'Inde antique, au sanscrit, nos diverses familles de langues européennes la famille pélasgo-hellénique, la latine, la germanique, la slave, la celtique. » A ce propos, je ne puis accepter la responsabilité d'une erreur qui s'est glissée ici dans l'impression de votre dernier Bulletin; on me

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