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relevée avec soin, ne permet guère de mettre en doute leur antiquité antédiluvienne; mais une grande circonspection est nécessaire. En veut-on un exemple? On avait trouvé en 1856, à Saint-Acheul, un certain nombre de petites boules que le docteur Rigollot et M. Boucher de Perthes proclamaient une pâte très-dure, l'œuvre par conséquent de l'homme. M. Gaudry et Sir Charles Lyell reconnurent, au contraire, que ces boules étaient des fossiles'. Lyell admet cependant comme très-probable l'opinion du docteur Rigollot que ces boules avaient formé un collier2, la parure peut-être d'une femme victime du déluge !

Jusqu'ici vous remarquerez, Messieurs, que tous ces silex, toutes ces antiquités plus ou moins certaines, dont nous venons de vous parler, ont été trouvés dans des terrains quaternaires ou diluviens. Ces terrains formentils la limite géologique extrême de l'existence de l'homme? Il y a un an, les géologues eussent été, je crois, unanimes pour nous l'affirmer; mais voici qu'au mois d'avril dernier M. J. Desnoyers, le savant conservateur du Muséum, a trouvé, dans les sablonnières de SaintPrest sur la rive gauche de l'Eure, auprès de Chartres, des ossements de l'elephas meridionalis, qui portent des traces nombreuses et incontestables d'incisions, de stries, de découpures dues à la main de l'homme. Le fait est d'autant plus remarquable, que ces terrains fort connus sont unanimement classés commes tertiaires supérieurs ou pliocènes, et que les ossements de l'elephas meridionalis sont eux-mêmes caractéristiques de cette période 3.

Jusqu'à présent cette découverte est la preuve la plus ancienne que l'on connaisse de l'existence de l'homme. A ce titre, il était important de vous la citer.

Millipora globularis, Woodward; Tragos globularis, Reuss; Coscinopora globularis, d'Orbigny; Orbitolina globularis, Parker et Jones. On voit que les savants ne sont guère d'accord.

2 Lyell, ut suprà, ch. VII.

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Comptes rendus de l'Acad. des Sciences. Séances des 8 et 29

juin 1863.

Nous venons de constater, Messieurs, l'antiquité de l'homme sur cette terre, et cela par le plus indubitable de tous les témoignages, celui des œuvres de sa main. Mais a-t-on retrouvé les ossements mêmes de l'homme mêlés à ceux des grands animaux ses contemporains? C'est une question sur laquelle la science est loin d'avoir prononcé définitivement. Dès 1823, un savant géologue, M. Ami Boué, avait trouvé dans le diluvium, à Lahr, sur la rive droite du Rhin, des ossements humains. Il les transmit à Cuvier, qui, malheureusement égaré par une opinion préconçue, voulut à peine les examiner1. A peu près à la même époque, on avait trouvé auprès de Maestricht la mâchoire inférieure d'un adulte, encore garnie de ses dents, et à côté les ossements de plusieurs grands animaux antédiluviens. En 1828, M. Tournal trouva dans une caverne, à Bize (département de l'Aude), des ossements et des dents humaines. M. Marcel de Serres déclara, à cette époque, après une analyse très-minutieuse, que la condition chimique de ces ossements était de tous points pareille à celle des ossements d'animaux de race éteinte, trouvés à la même place. On sait les longues controverses auxquelles ont donné lieu la découverte d'un crâne humain par le docteur Schmerling en 1833, l'homme fossile de Denise, et surtout le squelette trouvé en 1857 dans la caverne de Neanderthal, auprès de Dusseldorf, à cause de la structure étrange de son crâne. Une des illustrations scientifiques de notre département, M. le marquis de Vibraye, a trouvé, si je ne me trompe, à Arcys-sur-Yonne, une mâchoire humaine à côté de débris d'animaux antédiluviens. Tous ces faits, et d'autres encore que je pourrais vous citer, mais qui tous malheureusement laissent quelques points douteux, ont été ardemment discutés, et la science, je ne puis que le répéter, est loin d'avoir dit son dernier mot à leur égard. Sir Charles Lyell affirmait cependant, dès le commencement de l'année 1863, avec toute l'autorité qui s'attache à son opinion, que si l'on n'avait pas encore

Lyell, appendice C.

véritablement trouvé des ossements de l'homme contemporain du déluge, on en trouverait sûrement un jour '. L'ouvrier qui a taillé les silex existait; des recherches minutieuses devraient certainement nous livrer, avec l'œuvre de ses mains, une trace plus authentique encore de son passage sur cette terre.

L'assertion de Sir C. Lyell a été rapidement vérifiée, et c'est encore à M. Boucher de Perthes qu'en revient l'honneur. Le 20 avril 1863, il communiquait à l'Académie des Sciences 2 la découverte de la branche droite de la mâchoire inférieure d'un homme et de plusieurs de ses dents, découverte faite le 28 mars à MoulinQuignon, auprès d'Abbeville. Cette communication causa une sensation profonde et bientôt de vives controverses. Les savants français proclamaient que cette mâchoire était véritablement fossile. Les Anglais, au contraire, voulaient que M. Boucher de Perthes eût été la dupe de la cupidité d'un ouvrier, et le docteur Falconer, se fondant sur la conservation remarquable, en effet, de la gélatine normale dans une dent que M. de Perthes lui avait donnée, affirmait que la mâchoire réputée fossile était d'origine récente et présentait les mêmes caractères que les ossements recueillis journellement dans les cimetières de Londres. Il allait plus loin, et telles étaient ses préventions, qu'il niait l'authenticité même des silex taillés qu'on avait rencontrés avec cette mâchoire. Un congrès international (ils ne sont pas tous impossibles) se réunit pour discuter la question, à Paris d'abord, puis sur les lieux mêmes. Les plus éminents paléontologistes de la France et de l'Angleterre assistèrent à ces

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1 Lyell, ut suprà, ch. VIII. 2e édition revue et corrigée.

Comptes rendus, p. 779.

5 Times du 25 avril.

* Parmi eux, je dois une mention spéciale à M. le marquis de Vibraye et à M. l'abbé Bourgeois, qui déjà vous a entretenus de cette découverte avec toute l'autorité qui s'attache à sa science, et qui m'a dispensé de vous entretenir plus longuement des conditions géologiques où elle a eu lieu.

grandes assises scientifiques. « Le procés de la mâchoire The trial of the jaw), écrivait plus tard M. Carpenter, vice-président de la Société Royale de Londres, à M. de Quatrefages, prendra place parmi les causes célèbres de la Science.» « Or, ce procès, continue notre illustre anthropologiste, a été instruit de telle sorte, qu'il me paraît impossible de ne pas accepter le verdict porté à l'unanimité par un jury naguère si profondément divisé. L'authenticité de la découverte de M. Boucher de Perthes est donc désormais hors de doute1.

Ceux que cette question intéresse doivent lire tout entier le rapport si remarquable de M. Milne Edwards2. Le doute, après cette lecture, après l'affirmation de M. de Quatrefages, ne me paraît plus possible. Aussi l'opinion de nos savants académiciens, adoptée avec loyauté par MM. Carpenter, Prestwich et Falconer luimême3, rencontre-t-elle aujourd'hui peu de contradicteurs, et l'homo diluvii testis, comme vous le disait dans une de nos précédentes séances M. l'abbé Bourgeois, est là pour nous révéler une partie du moins des secrets du temps où il a vécu. Il nous faut remarquer ici que les caractères de cette mâchoire la distinguent nettement des ossements de même nature ayant appartenu aux époques gallo-romaines et celtiques. M. Pruner-Bey, connu par ses beaux travaux anthropologiques, déclare qu'elle appartenait à un individu brachycéphale, le type le plus ancien de l'homme dans nos contrées, type qu'on rencontre encore. M. de Quatrefages ajoute que c'est la

1

Comptes rendus de la séance du 18 mai, p. 935. Il faut aussi citer sur cette question toutes les notes si remarquables de M. de Quatrefages, p. 782, 809, 857, 1063, &c. (1er sem. 1863.)

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Comptes rendus de l'Académie des Sciences, séance du 18 mai 1863. La partie géologique de la question a aussi été traitée de la façon la plus concluante par M. Hebert (compte rendu de l'Académie des Sciences, p. 1005 & 1040), et surtout par M. d'Archiac dans son cours au Muséum. (Paris, Savy, 1863.)

3 Times du 21 mai. Le docteur Falconer fait cependant quelques réserves.

* Académie des Sciences. Comptes rendus 1863, 1er sem. p. 1001.

mâchoire d'un individu probablement âgé, en tout cas de petite taille, ou se rapprochant tout au plus de notre taille moyenne. Il y trouve un argument de plus pour raffermir sa thèse favorite, sur laquelle il est difficile de n'être pas de son avis, que la race nègre n'avait pas été la première à paraître sur ce globe, et « que jamais le blanc, pour si haut qu'il remontât dans sa généalogie, ne trouverait le nègre parmi ses aïeux1. »

Telles sont, Messieurs, quelques-unes des innombrables questions soulevées par la découverte de l'homme fossile; espérons que des découvertes subséquentes, dont on est désormais assuré, permettront prochainement de les résoudre. Ces découvertes ne sauraient, au surplus, rien ajouter aux preuves certaines que nous possédons. « Les silex taillés sont des témoins aussi irrécusables de l'existence de l'homme avant la formation du dépôt qui les renferme, que les ossements de l'éléphant, du rhinocéros, de l'hyène, du chat des cavernes, le sont de l'existence contemporaine de ces animaux 2. >>

Deux grandes familles, vous disions-nous en commençant, les Antédiluviens et les Celtes, ont précédé les temps historiques. Il est impossible, dans l'état actuel de la science, de dire le nombre de siècles qui ont séparé les races, les peuples témoins du déluge de ceux auxquels nous donnons, faute d'un autre, le nom de Celtes. Il est probable cependant que des temps trèslongs, des milliers d'années, se sont écoulés entre la fabrication des objets de pierre trouvés dans le diluvium supérieur et de ceux trouvés dans les tourbières des plus anciennes formations, par exemple3; et il est à croire que nos divers systèmes chronologiques sont loin de compter exactement le nombre de siècles depuis le grand déluge. C'est l'histoire de ces temps qu'il faut aujourd'hui

1

Comptes rendus de l'Académie des Sciences, 1er sem. 1863, p. 785, 787.

2 D'Archiac. Ancienneté de l'Homme, &c. Paris, 1863, p. 44. 5 Lyell, VIII, p. 144.

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