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demandent quel est le plus grand commandement. Jésus répond : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de toute ton âme, et de tout ton esprit, et de toute ta force. Voilà le premier commandement. Le second lui est semblable: Tu aimeras ton prochain comme toimême. Aucun commandement n'est plus grand que celui-là » (1). La prédication de Jésus Christ, sa vie tout entière, se résument dans la charité. C'est surtout aux approches de la mort, que ses préceptes, ses actes prennent un caractère de tendresse divine, de suave douceur, d'onction pénétrante, auquel on ne saurait rien comparer (2): « Avant le jour de la Pâque, Jésus sachant que son heure était venue de passer de ce monde au Père, comme il avait aimé les siens qui étaient dans le monde, il les aima jusqu'à la fin. Il leur dit : « Mes petits enfants, je ne suis que pour peu de temps encore avec vous. Vous me chercherez, et où je vais, vous ne pouvez venir. Je vous donne un commandement nouveau: Que vous vous aimiez les uns les autres, comme je vous ai aimés. En cela tous connaîtront que vous êtes mes disciples, si vous avez de la dilection les uns pour les autres » (3). Dans ses derniers moments, Jésus répète sans cesse à ses disciples, qu'ils s'aiment les uns les autres (4). Sa mort est le plus grand acte d'amour qu'un être mortel ait pratiqué. « Nul ne peut avoir un plus grand amour, que l'amour de celui qui donne sa vie pour ses amis » (5).

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La loi de charité sépare le Christianisme du monde ancien et inaugure une ère nouvelle. Les principes d'égalité, de fraternité, d'unité, étaient restés stériles entre les mains des philosophes, parce que le feu divin de l'amour leur manquait; ils vont puiser dans la prédication évangélique une force inconnue, immense. La vie et l'enseignement de Jésus concourent dans une divine harmonie à relever les classes inférieures. Il naît dans l'indigence; il choisit ses disciples dans les rangs les moins élevés de la société; il préfère l'esclave au maître, le pauvre au riche, il a des

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paroles de commisération pour tous ceux qui sont abandonnés du monde, des menaces pour la puissance, la richesse (1). L'ordre social est renversé; sous l'inspiration de la charité, les classes délaissées se relèvent, elles participent à l'égalité spirituelle, en attendant que l'égalité civile et politique leur soit assurée comme une conséquence de la première. La loi de l'amour est une loi d'Unité, car l'amour est ce qui unit. Voilà pourquoi la Fraternité que les Philosophes avaient aperçue, aboutit dans la prédication évangélique à la doctrine de l'Unité. Écoutons la dernière prière de Jésus pour ses disciples et pour l'humanité en eux : « Père saint, garde en ton nom ceux que tu m'as donnés, afin qu'ils soient un comme nous... Je ne prie pas seulement pour eux, mais je prie aussi pour ceux qui croient en moi par leur parole, afin que tous ne soient qu'un. Comme toi, ô Père, tu es en moi et que je suis en toi, qu'eux soient aussi en nous, et que le monde croie que c'est toi qui m'as envoyé. Je leur ai fait part de la lumière que tu m'as donnée, afin qu'ils soient un, comme nous sommes un. Je suis en eux, et tu es en moi, afin qu'ils soient perfectionnés dans l'Unité » (2).

Cette prière de Jésus est la consommation de son enseignement. L'unité en Dieu est l'idéal vers lequel l'humanité marche; c'est pour conduire les hommes vers ce but final que Jésus Christ a été envoyé dans ce monde. L'universalité de la doctrine enseignée par Jésus est une suite nécessaire de l'unité qui en est le fondement. Les ennemis du Christianisme se sont emparés de quelques paroles de l'Évangile, qui semblent indiquer que Jésus Christ ne songeait pas à propager la bonne nouvelle au delà des limites de la Judée (3). Mais tout son enseignement est une protestation contre cette conception mesquine. Les prophètes déjà avaient annoncé que, lors de la venue du Messie, les païens se convertiraient à la loi de Jéhova; comment Jésus Christ, inconséquent à

(1) Chateaubriand, Génie du Christianisme.

(2) S. Jean, ch. XVII (analysé).

(3) S. Matthieu, X, 5-6. « Jésus envoya les douze Apôtres, en leur donnant ce com mandement : « N'allez point vers les Gentils, et n'entrez point dans les villes des Samaritains; mais allez plutôt aux brebis perdues de la maison d'Israël ».

sa prédication, en aurait-il voulu renfermer le bienfait dans les limites accidentelles d'une nation (1)? L'entreprise de Jésus était aussi nouvelle que grande. La secte juive avec laquelle il a le plus de liens se cachait dans les solitudes. Jésus appelle les Apôtres à prêcher sa loi à tous les peuples: « Et je vous dis que plusieurs viendront de l'Orient et de l'Occident, et s'assoiront avec Abraham, Isaac et Jacob dans le royaume des cieux. Cet Évangile sera prêché dans le monde entier, afin d'être en témoignage à toutes les nations. Allez donc, et enseignez toutes les nations, les baptisant au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit » (2). Le monde, dit Bossuet, n'avait jamais rien vu de semblable et ses Apôtres en sont étonnés (5).

Il n'y aura qu'une bergerie et un pasteur (4): tel doit être le dernier terme de la prédication évangélique. L'Église entend cette unité dans un sens absolu, elle condamne toute dissidence comme une hérésie. Ainsi la division est sortie d'une doctrine d'unité, et cette division est irrémédiable, quand on reste dans les limites de la foi orthodoxe. Le Catholicisme a la prétention d'être l'expression exacte de l'Évangile; si l'Évangile est l'œuvre de Dieu, s'écarter de la foi enseignée par l'Église, c'est nécessairement tomber dans l'erreur. Mais l'esprit humain a renversé les barrières dans lesquelles on voulait l'emprisonner; il a brisé l'unité absolue, devenue un obstacle à ses mouvements; à la place d'une révélation miraculeuse, il a mis une révélation permanente et progressive. C'est de ce point de vue que nous apprécierons la doctrine chrétienne. La foi orthodoxe se prosterne devant le Christ, elle adore, elle ne juge pas. Mais une protestation non interrompue a accompagné le Christianisme; depuis sa naissance jusqu'à nos jours, hérétiques, libres penseurs, philosophes en ont contesté la divinité; dans l'ardeur de la lutte, les adversaires du Christ sont

(1) Strauss (Vie de Jésus Christ, T. I, p. 532 et suiv.), explique et concilie les passages contradictoires des Évangiles sur la vocation des Gentils.

(2) S. Matthieu, VIII, 11; XXIV, 14; XXVIII, 19; S. Marc, XVI, 15; XXIV, 47.

(5) Bossuet, Discours sur l'histoire universelle.

(4) S. Jean, X, 16.

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S. Lue,

allés jusqu'à dénier toute vérité à la religion chrétienne, ils n'y ont vu qu'erreur et mensonge. C'est à la philosophie, inspirée de la croyance du progrès, qu'il est réservé de rendre justice au Christianisme. Elle reconnaît la grande mission accomplie par Jésus Christ, mais quelque haut qu'on le place, l'humanité est plus grande que lui, car en elle et par elle s'accomplissent des progrès incessants, dont le dernier terme sera de créer une doctrine plus large que celle de Jésus Christ. Mais si la philosophie voit l'idéal dans l'avenir et non dans le passé, elle ne rejette cependant pas le passé elle y cherche, au contraire, un point d'appui, en démêlant dans la religion chrétienne la part de vérité qu'elle renferme. Le but qu'elle poursuit est toujours celui qui a été conçu il y a dix-neuf siècles par le Christ faire de tous les hommes un peuple de frères, les unir entre eux, en les unissant à Dieu, les constituer dans l'unité sous la loi de l'amour.

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CHAPITRE II.

LA DOCTRINE ÉVANGÉLIQUE.

$1. Considérations générales.

La révolution française renversa l'ancien ordre social et donna pour base à la société de l'avenir la liberté, l'égalité, la fraternité. La démocratie, en lutte avec l'esprit aristocratique auquel elle enlevait le gouvernement du monde, chercha des appuis à ses dogmes dans la tradition. Elle trouva que la liberté était ancienne et la servitude moderne, que l'égalité, la fraternité avaient été proclamées par celui que les peuples adoraient comme le Fils de Dieu. Il y a dans ces prétentions une grande illusion, mais aussi une part de vérité. Non, la liberté n'est pas ancienne, témoin l'esclavage universellement pratiqué et justifié dans l'antiquité : mais la liberté était en germe dans les cités de la Grèce et de

Rome. Non, la fraternité, l'égalité politique et sociale n'ont pas été enseignées par le Christ; la prédication évangélique était exclusivement religieuse mais les enseignements de Jésus Christ contenaient le principe du développement futur de l'humanité. A ce titre, la démocratie moderne peut revendiquer le fondateur du Christianisme comme un des siens. Mais si cette origine est un titre de noblesse, elle est aussi un grave enseignement. L'antiquité reposait sur l'esclavage, l'inégalité des classes, la force. Jésus Christ inaugura un ordre social dans lequel il n'y aura plus d'esclaves, dans lequel la charité et la fraternité feront disparaître l'inégalité des conditions. Pour accomplir cette immense révolution, fit-il un appel à la force contre les abus de la force? se mit-il à la tête des millions d'esclaves pour détruire les priviléges oppressifs de quelques milliers d'hommes libres? Il prècha la soumission aux esclaves; il déclara qu'il ne venait rien changer à l'organisation de la société, que son royaume n'était pas de ce monde. Mais il pratiquait la loi d'amour, il s'adressait de préférence aux classes déshéritées, il enseignait aux hommes qu'ils sont frères, un en Dieu. Il fallait d'abord que la croyance de l'unité du genre humain pénétrât dans la conscience générale; l'égalité, la fraternité, la charité, avec toutes leurs conséquences, sortiront du sol ainsi fécondé, comme le fruit sort du germe. C'est ainsi que se préparent et s'accomplissent les révolutions morales. Haute leçon pour notre société. Elle souffre, et elle semble ignorer le remède au mal qui la tourmente. De là ces révolutions incessantes qui ne sèment que des ruines. De là ces systèmes qui prétendent refaire l'humanité, et donner aux hommes un bonheur impossible. On oublie l'histoire qui nous enseigne à chaque page que la force détruit, mais qu'elle ne fonde pas. On oublie que les lois sociales et politiques sont le produit, la conséquence d'un dogme religieux, que si la société avait une croyance, elle aurait par cela même un principe d'organisation, et tout le bonheur qui est compatible avec la nature humaine.

Essayons de préciser le sens que les fondateurs du Christianisme attachaient à ces grands principes de la Charité, de la Fraternité, de l'Égalité, dont l'application à la société est devenue la question capitale des temps modernes.

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