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Christianisme, remplit le moyen âge. L'Église et l'Empire essayèrent d'unir les peuples chrétiens en un seul corps. Mais ce corps avait deux têtes, le Pape et l'Empereur. Le dualisme rendait l'unité impossible. L'œuvre du moyen âge est brisée, mais il a légué aux temps modernes un magnifique héritage. A la place d'une masse inerte, décrépite, mourante, qu'il a trouvée dans l'Empire romain, il a laissé des nations distinctes, remplies de vie et d'avenir. A nous, à continuer le travail de nos pères. Nous n'avons pas à rougir de leur barbarie; c'est à cette prétendue barbarie que nous devons l'énergie de l'intelligence, l'esprit de douceur, le sentiment du droit, le besoin de l'unité et de la paix qui distinguent l'Europe. Déjà maintenant les peuples chrétiens forment comme une grande république (1). L'avenir achèvera. l'œuvre d'association, en donnant satisfaction à deux principes également énergiques de notre nature, la liberté, l'indépendance, l'individualité, et l'unité, l'ordre, le pouvoir.

(1) Gibbon : « Le Christianisme fait dès maintenant des peuples chrétiens une espèce de république fédérative ».

Herder, bien qu'imbu de l'esprit du XVIIIe siècle, reconnaît que sous l'influence du Christianisme, l'Europe tend à devenir une société pacifique (Briefe zur Befærderung der Humanitaet).

J. v. Müller : « La Chrétienté est une grande république » (Darstellung des Fürstenbundes).

LE

CHRISTIANISME.

LIVRE PREMIER.

CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES.

CHAPITRE PREMIER.

D'OÙ PROCEDE LE CHRISTIANISME.

$ 1. Sources du Christianisme.

Il ne se fait pas de révolution subite dans le monde moral. L'humanité avance vers l'accomplissement de sa destinée par un progrès incessant, mais lent et insensible. Chaque âge profite des travaux antérieurs et contient en germe un développement futur. L'antiquité a préparé le Christianisme. L'Évangile est à la fois un legs du passé et une prophétie de l'avenir. Par quels liens se rattache-t-il au monde ancien? quels sont les sentiments, les idées, qui en ont fait le principe d'une ère nouvelle?

Quand on compare l'antiquité à l'humanité actuelle, on est frappé d'unc différence fondamentale. Il y a aujourd'hui dans les intelligences un esprit d'unité qui domine les variétés résultant du climat, des nationalités. Les peuples anciens vivaient isolés. Dans l'Orient se développent, à l'ombre des sanctuaires, des civi

lisations qui restent ignorées de l'Occident. La Grèce déploie dans de petites cités divisées, hostiles, les richesses de son admirable génie. Rome naît et grandit dans l'obscurité. Cependant les barrières qui séparent les peuples finissent par tomber. La guerre les rapproche, la conquête les unit. Les doctrines, les religions entrent en contact; elles perdent la raideur, l'esprit exclusif qui caractérise les idées nées dans la solitude. Un certain nombre de dogmes, de croyances se dégagent du chaos des sectes philosophiques et religieuses. C'étaient les éléments d'une phase nouvelle de l'humanité. Les astronomes disent que la matière des astres se prépare et se rassemble dans le ciel avant qu'ils se forment. De même à la fin de l'antiquité, les idées et les sentiments qui devaient former le Christianisme existaient épars dans le monde moral. Il ne manquait qu'une force pour concentrer ces éléments et pour les vivifier. C'est ce que fit Jésus Christ. OEuvre prodigieuse; car avec les philosophies, les religions anciennes, l'humanité mourait l'Évangile est la parole de vie dont nous vivons depuis deux mille ans.

Le Christianisme n'est donc pas une conception entièrement nouvelle. Une religion sans racines dans le passé est une impossibilité; pour que la semence germe et fructifie, il faut que le sol soit préparé à la recevoir. Une religion qui n'aurait aucun lien avec l'humanité, serait une langue inintelligible, un son qui frapperait l'oreille, mais n'aurait aucun retentissement dans l'intelligence ni dans le cœur. Les grands dogmes qui forment l'essence du Christianisme avaient été reconnus ou aperçus par les révélateurs, les penseurs de l'Orient et de la Grèce (1). Mais les religions y mêlaient des erreurs, les philosophes d'interminables disputes. Le Christianisme s'empara des vérités constantes; il les dépouilla des superstitions qui les obscurcissaient, il rejeta l'esprit de discussion qui engendre le doute les résultats des recherches

(1) Lactant. Divin. Instit. VII, 7 : « Facile est docere poene universam veritatem per Philosophos et sectas esse divisam... Si extitisset aliquis, qui veritatem sparsam per singulos, per sectasque diffusam colligeret in unum ac redigeret in corpus, is profecto non dissentiret a nobis ».

philosophiques devinrent des croyances (1). Comment se fit cette transformation? C'est là le mystère des révélations. Jamais l'action de la Providence sur l'humanité n'est plus éclatante que dans les époques solennelles de rénovation religieuse. Les Chrétiens ont fait du fondateur du Christianisme le Fils de Dieu, ils ont attribué à son amour pour les hommes son passage sur cette terre. La philosophie peut accepter l'idée. Oui, il a fallu une effusion de l'amour divin pour sauver l'humanité. Le sentiment de la charité manquait au monde ancien; de là l'esprit de division, la guerre des classes, l'esclavage et la dissolution. Il fallait unir de nouveau les hommes, les pénétrer des idées de fraternité et d'égalité que la philosophie avait aperçues, mais qui étaient restées stériles dans ses mains. C'est la charité qui produisit cette révolution, le plus étonnant des miracles opérés par Jésus Christ (2).

Le Christianisme est le but auquel aboutissent toutes les spéculations philosophiques et religieuses de l'antiquité; on peut donc affirmer qu'il a hérité de toutes les religions, de toutes les philosophies. Le lien peut nous échapper parfois; mais qu'importe? il n'existe pas moins. Le Mosaïsme recueille les conceptions du génie sacerdotal de l'Égypte et de l'Orient. Jésus Christ continue Moïse; il vient, non détruire la loi ancienne, mais la compléter. L'Évangile n'est pas une doctrine, c'est un feu qui échauffe les âmes. Mais il faut une doctrine à toute religion. Saint Paul en jette les bases; elle se développe sous l'influence de la philosophie grecque.

$ 2. Bouddhisme, Mazdéisme et Christianisme.

Le Christianisme, comme toutes les religions qui gouvernent aujourd'hui les âmes, est né en Asie. C'est donc dans l'Orient que nous devons chercher ses racines. A l'époque où Jésus Christ

(1) Chateaubriand, Études historiques: : « Le Christianisme, portant en lui sa propre lumière, a recueilli toutes les lumières qui pouvaient s'unir à son essence. C'est une sorte d'eclectisme supérieur, un choix exquis des plus pures vérités ».

(2) « C'est l'amour que Jésus demande, c'est par l'amour que le monde doit être renouvelé» (Lamennais).

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prêchait la bonne nouvelle, trois puissantes religions régnaient en Asie. L'hellénisme envahit l'Orient à la suite des phalanges d'Alexandre, mais il n'eut pas la force de s'assimiler les peuples, qui se rattachent à Moïse, à Zoroastre et à Bouddha. Le Bouddhisme avait effacé momentanément le Brahmanisme, il dominait dans une grande partie de l'Asie. Le prosélytisme ardent des Bouddhistes renversa les barrières de la Chine; ils se répandirent également dans l'Asie occidentale. Il y a entre le sentiment qui inspirait Bouddha et la charité chrétienne, il y a dans les institutions du Bouddhisme et du Catholicisme de si étonnantes analogies, qu'on doit admettre des liens, des rapports entre les deux croyances (1). Mais l'influence de Bouddha sur le Christianisme est difficile à préciser. Nous n'avons pas d'histoire du Bouddhisme; peut-être l'avenir parviendra-t-il à suivre jusque dans le lointain Orient les sources de la religion chrétienne.

Les rapports du Christianisme avec la doctrine des Mages sont moins vagues. Les Pères de l'Église ont remarqué la ressemblance qui existe entre les deux religions. Étonnés de trouver le saint sacrement de la Messe chez des idolâtres, ils attribuèrent, dans leur horreur du Paganisme, cette remarquable analogie à l'ennemi du genre humain (2). L'explication n'est pas très-satisfaisante. Les livres sacrés des Parses ont jeté quelque lumière sur un des points les plus obscurs des origines chrétiennes. Jésus Christ dit à ses disciples : « Je suis le pain de vie. Celui qui mange ma chair et boit mon sang, a la vie éternelle; car ma chair est vraiment nourriture, et mon sang est vraiment breuvage... » (3). L'idée de Dieu se faisant chair et donnant la vie à ceux qui mangent ce pain de vie, ne se rattache que de loin au repas pascal des Juifs; l'eucharistie mosaïque est un sacrifice ordinaire, un banquet; l'eucharistie chrétienne est un sacrement. Comment cette conception qui confond la raison humaine a-t-elle pris naissance? Elle existe en substance dans le Mazdéisme. La

(1) Voyez le Tome I de cet ouvrage, p. 194-195.
(2) Voyez le Tome I de notre ouvrage, p. 219.
(5) S. Jean, VI, 48-59.

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