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se extraction; supposition peu favorable à ses détracteurs; car en s'élevant si haut, il aurait eu encore plus de mérite à être parti de plus bas. De son vivant, un évêque crut lui faire sa cour en le faisant descendre de Thomas Cromwell, comte d'Essex (Voy. l'art. précédent). Olivier Gromwell repoussa avec dédain cette puérile flatterie, et dit qu'il n'y avait aucune relation de parenté entre lui et le comte d'Essex. Il avait un orgueil trop bien entendu pour vouloir tenir sa considération d'une autre source que de son courage et de ses talents. Il dit lui-même, dans un discours qu'il prononça au parlement, le 12 septembre 1654, qu'il était né gentilhomme, d'une famille qui n'était ni distinguée, ni obscure; ce qui contredit l'assertion de Milton, qui appelle noble et illustre la famille du protecteur. Le nom de cette famille était Williams. Robert, père d'Olivier, était le second fils de sir Henri Cromwell, qui avait été fait chevalier par la reine Élisabeth, et qui, par une circonstance particulière, avait changé son nom de Williams en celui de Cromwell. Il possédait un bien assez considérable dans le comté de Huntingdon. Olivier naquit le 25 avril 1599. Son éducation fut assez soignée, mais il eut dans son enfance peu de goût pour l'étude; son caractère naturel le portait vers les jeux bruyants de son age, et il montra de bonne henre une tournure d'imagination qui semblait le disposer à l'enthousiasme religieux. Il racontait lui-même qu'un jour, couché sur son lit, mélancolique et rêveur, un spectre féminin lui apparut et lui annonça qu'il deviendrait le premier homme du royaume. Le récit de cette vision lui attira, dit-on, une forte reprimande de son père et de son maître, mais

il n'en resta pas moins persuadé de la vérité de ce qui lui avait été prédit, et il en conserva constamment l'impression. En admettant la réalité de ce rêve, il serait prouvé que Cromwell était, dès sa première jeunesse, préoccupé d'idées de grandeur et de fortune, ce qui est un signe non équivoque d'ambition, et peut devenir un moyen d'élévation. Les premières études de Cromwell étant finies, on l'envoya à l'université de Cambridge, où il réussit peu dans les études classiques; mais il s'y distingua par sa force et son adresse dans tous les exercices da corps. Son père étant mort deux ans après, il revint dans la maison paternelle. Sa conduite violente et déréglée alarma sa mère, qui prit le parti de l'envoyer à Londres et de le placer dans un des établissements publics destinés à l'enseignement de la jurisprudence. Olivier répondit mal aux vues de sa mère; au lieu de s'occuper de l'étude des lois, il se livra à tous les goûts de la debauche, et dissipa en peu de temps le petit héritage que lui avait laissé son père. Il paraît cependant que ce désordre de sa vie tenait moins à des inclinations naturellement vicieuses, qu'a une certaine inquiétude de caractère qui lui faisait un besoin d'être remué par des émotions fortes et extraordinaires. Il se maria, n'ayant pas encore vingt-un ans, et épousa Elisabeth Bourchier. Il revint dans son pays natal avec sa femme, et prit dès lors un train de vie sage et réglé. Sa réformation fut en partie l'effet du mariage, en partie l'effet des relations qu'il contracta avec une nouvelle secte de presbytériens exagérés, qui acquérait chaque jour une influence dont les suites furent désastreuses. Cromwell se lia avec leurs chefs, et parut s'occuper avec zèle.

des disputes de religion qui à cette époque agitaient les esprits. Il assistait régulièrement aux assemblées des puritains, et il s'y distingua même par ce qu'ils appelaient les dons de la prière et de la prédication. Une succession de quatre ou cinq cents livres sterling de revenu l'engagea à s'établir dans l'ile d'Ely, pour y prendre possession de son héritage, et il y professa publiquement la doctrine du puritanisme. En 1628, il fut élu membre du troisième parlement de Charles I., où il se signala par ses déclamations contre le papisme. Ce parlement fut dissous; Cromwell, voyant par-là sa fortune dérangée et l'influence de son parti fort affaiblie, prit la résolution de passer dans la Nouvelie-Angleterre; mais une proclamation du roi défendit les émigrations, et par cet acte, dont il était impossible de prévoir les effets, ce fut Charles Ier. lui-même qui força de rester en Angleterre celui qui devait un jour faire tomber sa tête par la main d'un bourreau. Une mauvaise économie dans l'administration de ses biens avait entièrement détruit sa fortune; lorsqu'on procéda aux élections pour le parlement, devena si fameux sous le nom de long parlement, il trouva moyen, par une intrigue astucieuse, de se faire choisir pour député de l'université de Cambridge. En venant prendre place dans la chambre des communes, il s'y montra avec un habit sale et déchiré, et une sorte de rusticité dans son extérieur, qui le firent remarquer de ses collègues; mais à travers cette apparence de grossièreté, le fameux Hampden, membre du même parlement, avait su démêler ce qu'il y avait de profond et de supérieur dans le caractère de Cromwell. Un autre membre, frappé du costume si ne

gligé dans lequel se présentait ce nosveau venu, demanda à Hampden qui il était. « Cet homme si mal vêtu, lui >> répondit Hampden, sera, si je ne me >> trompe, un des plus grands hommes » de notre temps ». C'était bien voir et voir de loin. Cromwell fut bientôt admis à tous les secrets de la faction, qui, après avoir paru ne vouloir que réprimer les abus de l'autorité du monarque, annonça bientot le projet de détruire la monarchie elle-même. La guerre entre le roi et le parlement s'engagea. Cromwell leva un régiment de cavalerie dont il obtint le commandement. A la tête de ce corps, il se signala et par son habileté et par sa bravoure. La nature l'avait destiné à être un homme de guerre, et, comme Lucullus, dès l'entrée de la carrière, il montra les talents d'un grand capitaine ; mais ce qu'il y a de plus remarquable dans ce phénomène, c'est qu'il avait alors quarante-deux ans. Son régiment devint bientôt le meilleur de l'armée; dans tous les combats où il se trouva, il fut vainqueur. On le nomma lieutenant-général de cavalerie; quoiqu'il ne commandât pas en chef aux deux grandes batailles de Marston - Moor, en 1644, et de Newbury, en 1645, ce furent ses conseils, son courage et son activité qui décidèrent le succès de ces actions si importantes, et qui amenėrent la ruine du parti royaliste et les désastres de l'infortuné Charles 1.(F. à l'article CHARLES Ier. les détails de la guerre qui s'était élevée entre le monarque et le parlement.) 11 paraît que dès lors l'ambition de Cromwell ne connut plus de bornes; il devait son avancement à la confiance d'un parlement ignorant et fanatique; mais ce parlement l'embarrassait quelquefois; il sentit qu'il ne pouvait par

venir à une domination plus absolue qu'en faisant passer à l'armée la prépondérance du pouvoir. Ce fut un coup de cisif que le parti qu'il prit en 1653, de dissoudre cette même chambre des communes qui l'avait élevée si haut. Le 16 décembre, le nouveau parlement, dont il avait dirigé la composition, le déclara protecteur de la république d'Angleterre, d'Ecosse et d'Irlande. Le titre de protecteur n'était pas celui qui aurait flatté davantage ses vues ambitieuses; Voltaire dit que Cromwell eût été fou s'il eût songé à se faire roi, même après la mort de Charles; on ne peut pas douter cependant qu'il n'ait eu cette folie, et qu'il n'ait fait différentes tentatives pour se faire déclarer roi; il n'en fut détourné que par la certitude que l'opinion générale, surtout celle de l'armée, y était très opposée. Après le meurtre de Charles Ier., la chambre des communes vota l'abolition de la monarchie, et délibéra sur le genre de gouvernement qu'il conviendrait d'adopter. Les partisans de Cromwell insinuèrent que, pour ne pas choquer trop brusquement l'opinion et les habitudes d'une nation accoutumée aux formes monarchiques, on pouvait rétablir la royauté en la soumettant aux restrictions nécessaires pour assurer la liberté. Mortens, zélé républicain, s'éleva contre cette idée, en disant que si la nation avait voulu conserver un roi, celui dont elle venait de se délivrer était aussi bon qu'aucun gentilhomme qu'il connût en Angleterre. On présenta à la délibération de la chambre un projet de constitution sous le titre de humble petition ou avis, dans lequel on proposait de former une république avec un chef dont le titre était resté en blanc, et les partisans du protecteur proposent de remplir le blanc par le mot king (roi). La chambre décida qu'elle

ne voyait rien dans les quatre lettres dont ce mot était composé, qui pût empêcher de l'adopter. Elle nomma un comité de cent membres, qui fut chargé d'aller porter à Cromwell le résultat de sa déclaration, suivant lequel il était prié d'accepter l'office et le titre de roi. Il demanda quelque temps pour y réfléchir. Ayant pressé obstinément Whitelock de lui dire sans crainte et sans ménagement quel était le parti qu'il jugeait le plus avantageux pour la nation, et pour lui, le lord commissaire répondit qu'il ne voyait rien de mieux que d'appeler au trône le fils de Charles I., en fixant les limites de l'autorité royale, et en assurant à Cromwell la fortune et les honneurs qu'il méritait. Cromwell ne combattit`ni n'adopta cette idée; mais son mécontentement parut sur son visage, et dès ce moment il ne montra plus à ce fidèle conseiller ni affection, ni confiance. On croit même que ce fut pour l'éloigner d'Angleterre, qu'il l'envoya en ambassade auprès de la reine Christine de Suède. L'opinion qu'avait énoncée Whitelock ne lui était pas particulière, (V. Roger BOYLE, comte d'Orrery). Un autre fait, rapporté par Laurent Echard, peut aussi trouver ici sa place. Lady Lauderdale, amie de Cromwell, fut chargée de lui proposer de rétablir sur le trône le jeune Charles, qui lui remettrait un blanc-seing où Cromwell écrirait lui-même les conditions qu'il exigeait, et stipulerait les honneurs et la fortune qu'il désirerait pour lui, sa famille et ses amis. La proposition fut d'abord communiquée à la femme du protecteur, qui la goûta beaucoup; elle n'hésita pas d'en faire part à son mari, en le conjurant d'accepter l'offre qu'on lui faisait, comme le seul moyen de sûreté, de paix et de bonheur qu'il pût avoir pour lui et sa famille. Sans

discuter les raisons dont lady Cromwell appuyait ses instances, le protecteur lui dit : « Vous êtes une folle; si >> Charles Stuart pouvait me pardonner ce que j'ai fait contre son père et » contre lui, il ne serait pas digne de » porter la couronne que je lui céde>> rais. » Cromwell, ménageant encore l'esprit religieux du temps, voulut aussi consulter les théologiens de Londres, (V. CALAMY). L'armée, toujours fanatique et républicaine, fut effrayée des dispositions serviles que montrait le parlement, et demanda sa dissolution, Le cri public appuyait ce vou; Cromwell se rendit un jour au parlement, escorté d'un certain nombre de soldats, qu'il laissa dans les avenues. Il écouta d'abord les débats qui s'élevèrent sur la proposition de proroger la séance du parlement jusqu'à un an et demi, et forsque la motion fut mise aux voix, il se leva et dit : « Il est temps de mettre >> fin à tout ce verbiage. » Il fit entrer sa troupe, fit descendre l'orateur de la chaire, et dit aux soldats: « Qu'on em» porte cette marotte », en montrant la masse de l'orateur. Après avoir fait vider la chambre, il s'en fit remettre la clef, et retourna au palais de Whitehall. Dès ce moment, Cromwell régua en Angleterre avec le titre de protecteur, et montra plus de sagesse pour gouverner, qu'il n'en avait montré pour acquérir le pouvoir suprême. Il fut installé à Whitehall, le palais des rois d'Angleterre, avec les plus grandes solennités, et se fit proclamer protecteur dans les trois royaumes, avec le titre d'altesse. Les premières mesures de son gouvernement furent dirigées par la plus sage politique. Des magasius de subsistances furent abondamment pourvus; la solde de l'armée fut constamment assurée un mois d'avance; le trésor public fut administré avec vigilance et

économie, sans nouvel impôt. Il déclara qu'il ne voulait gouverner qu'avec un parlement; qu'aucune loi ne serait ni etablie, ni abrogée que par un acte passé dans les formes accoutumées; que le parlement jouirait de la plus grande liberté dans ses délibérations. Il composa les cours de justice des lé gistes les plus intègres et les plus éclairés, sans avoir aucun égard aux opinions politiques qu'ils avaient pu professer auparavant. Hale, un plus savants jurisconsultes et des plus habiles magistrats qu'ait eus l'Angleterre, fut nommé juge dans le premier tribunal du royaume; et comme on représentait à Cromwell que Hale avait été un des ennemis les plus déclarés de la révolution: « Je le sais, » répondit-il, mais il est généralement » respecté, et c'est une barrière que j'ai » voulu mettre entre ma vengeance et » mes ennemis. »> Hale n'accepta la place de juge que sur les instances répétées de Cromwell, et il s'y conduisit avec un courage égal à son intégrité. Le protecteur ne chercha presque jamais à influer sur l'administration de la justice, et pendant toute la durée de son gouver nement, le public n'éleva aucune plainte contre l'intégrité des juges. Sa vie privée fut d'ailleurs simple et retirée, sans morgue et sans faste, au milieu de sa famille et de quelques amis. Trop éclairé pour ne pas voir que la prospe rité du commerce était la véritable base de la puissance de l'Angleterre, il le protégea et l'encouragea dans toutes ses branches. On sait que c'est lui qui conçut l'idée de ce fameux Acte de navigation, très contraire sans doute aux vrais principes de la prospérité générale des nations par une communication franche et libre, mais qui a évidemment servi à donner au commerce des Anglais un grand avantage sur celui des autres peu

CRO

ples. Ce Gromwell, qui avait si habilement tiré parti des querelles religieuses, et qui avait adopté le ridicule jargon d'une secte de fanatiques à qui l'ignorance populaire avait donné une prépondérance si funeste, même homme, devenu enfin le maître, montra sur la religion des principes politiques aussi sages et aussi modérés que pouvait peut-être le permettre l'esprit de ces temps, où la superstition et l'intolerance régnaient dans toute l'Europe. Il fit statuer, par une loi constitutionnelle, que le protestantisme serait la seule religion qui fût professée publiquement; mais il laissa la liberté de suivre en particulier le culte que chacun adopterait dans sa conscience. Ce qui distingue avec le plus d'éclat son caractère et ses talents politiques, c'est sa conduite à l'égard des puissances étrangères, conduite dont le succès aurait couvert son nom d'une gloire immortelle, si la gloire pouvait s'associer aux vices et aux crimes qui avaient souillé sa vie et préparé son inconcevable élévation. Il fit la guerre aux Hollandais, qui avaient alors une force navale imposante, commandée par Ruyter, Van Tromp et d'autres marins expérimentés. La marine anglaise avait à leur opposer le fameux Blake, et d'autres officiers aussi braves qu'habiles, et animés de cet enthousiasme qu'allume aisément dans l'ame des guerriers un souverain qui sait inspirer à la fois la confiance et la crainte. Après plusieurs combats très disputés, mais où les Anglais eurent toujours l'avantage, les Hollandais furent obligés de demander la paix, en consentant à reconnaître en mer la supériorité du pavillon anglais, et à restituer à l'Angleterre plusieurs domaines éloignés que les tronbles du dernier règne lui avaient fait

montra encore

perdre. Mazarin, qui gouvernait en
France, et qui ne pouvait entendre
sans pâlir prononcer le nom de
Cromwell, lui envoya un ambassa-
deur, et rechercha son alliance, avec
des démonstrations de respect et de
soumission peu convenables à la di-
gnité de la monarchie française. La
cour d'Espagne se
moins fière, et n'eut pas plus de suc-
cès. Elle sollicita vainement l'amitié
de Cromwell, et ne put éviter une
guerre malheureuse. Mazarin, qui
s'était allié avec le protecteur, en-
voya un corps d'armée dans les Pays-
Bas, prit Dunkerque, dont il fit don
à l'Angleterre. Blake entra avec une
escadre dans la Méditerrannée, où.
depuis les croisades, aucune escadre
anglaise n'avait osé pénétrer. Les bril-
lants succès de cet amiral sont connus,
(V. BLAKE). Ce qu'il y a de remarqua-
ble, c'est que ce brave amiral était un
zelé républicain, et à ce titre ennemi
personnel de Cromwell. Mais il vou-
lait servir son pays et non l'usurpateur.
« Notre devoir, disait-il à ses marins, est
» de combattre pour la patrie, en quel-
»ques mains que soit le gouvernement.»>
L'Angleterre etait devenue la pre-
mière nation de l'Europe. Jamais
son commerce n'avait été plus floris-
sant, et sa marine ne s'était montrée
l'a-
aussi formidable. Ni sa population,
ni l'étendue de son territoire
vaient destinée à un si haut degré de
puissance; c'était l'ouvrage du génie
de Cromwell, et si l'on compare l'é-
nergie de son gouvernement avec la
faiblesse de celui qu'il avait détruit
et la corruption de celui qui lui suc-
céda, il faut convenir qu'aucun sou-
verain n'a gouverné les trois royau-
mes avec autant de talent et de gloi-
re. Une si belle destinée peut paraître
digne d'envie; elle ne l'était point.
Cromwell, en parvenant au terme de

ne

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