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Alors il allégua des scrupules sur le serment qu'on était obligé de prêter au souverain pontife, pour en obtenir des bulles; mais ces scrupules furent aisément levés, au moyen d'une protestation vague et secrète, que les écrivains anglicans n'ont pu excuser que par le systême des restrictions mentales. Il reçut donc ses bulles, ainsi que le pallium, quoique déjà très suspect à la cour de Rome. Mais le pape, qui n'avait pas plus envie que le roi d'une rupture éclatante, accorda tout ce qu'on voulut bien se soumettre à lui demander. Une fois élevé à la première dignité de l'église d'Angleterre, il eut pour les passions et les caprices de son maître toutes les complaisances imaginables. Son premier acte de juridiction fut de prononcer la sentence du divorce, au inépris de l'appel régulier de la reine, et de confirmer le mariage secret d'Anne de Boulen, quoique fait avant la déclaration de nullité de celui de Catherine; et, pour se mettre à l'abri de l'excomunication dont il était menacé, il se pourvut au concile-général, par un appel de toutes les censures qui pourraient émaner de la cour de Rome; quoique dans tous ces actes il eut procédé en qualité de legat du St.Siége, dont il avait pris le titre dans la sentence du divorce. Dès-lors Cranmer ne garda plus de mesure. Il attaqua ouvertement la primauté du pape dans le parlement, renonça solennellement à son autorité, à la tête du synode de sa métropole, se dépouilla du titre de légat du St.-Siége, attaché à sa dignité depuis la plus haute antiquité, prêcha, dans ses visites pastorales, la suprématie du roi, et prononça en 1536 le divorce d'Anne de Boulen, avec la même facilité et la même complaisance qu'il avait monirées en prononçant celui de Cathe

rine d'Arragon. Agent secret des protestants d'Allemagne, Cranmer chercha à insinuer leur doctrine à Henri VIII, à la faveur des changements introduits dans la discipline, et fit diverses tentatives pour la propager en Angleterre dans toute son etendue; mais ses efforts échouèrent toujours contre l'attachement de ce prince aux dogmes de la religion catholique. Ayant voulu, en 1556, faire adopter par l'assemblée du clergé cinquante- neuf articles favorables à ses erreurs, il fut lui-même obligé d'en souscrire dix qui les contredisaient dans les points principaux. Trois ans après, il combattit avec chaleur, en plein parlement, les six fameux articles opposés aux dogmes luthériens, et il finit par les signer; et comme un de ces articles proscrivait formellement le mariage des prétres, il prit le parti de renvoyer sa femme en Allemagne. Une tentative plus honorable fut l'opposition qu'il mit en 1539 au parlement, à la saisie des revenus des monastères au profit du roi; son projet était de les employer à l'entretien des hopitaux, à la dotation de chaires de théologie et de langues savantes dans les cathédrales, à des bourses pour les jeunes étudiants qui se destinaient à l'état ecclésiastique; mais il échoua dans ce louable projet. Cependant l'espèce de refroidissement que cette proposition mit dans l'esprit du roi, ses erreurs assez connues, sa négligence à faire exécuter le bill des six articles, la protection qu'il accordait à tous les sectaires qui commençaient à agiter l'Angleterre, donnèrent occasion à ses ennemis de le dénoncer, après la disgrâce du premier ministre Th. Cromwell, son ami. Mais la faveur de Henri, qui avait besoin d'un homme de son caractère dans l'exécution de

ses réformes, et auquel Granmer savait se déguiser avec beaucoup d'art, le préserva de cet orage, et il conserva toujours sons ce règne une très grande influence sur les affaires de la religion. Sous celui d'Edouard VI, il leva entièrement le masque, et, de tous les dogmes du règne précédent, il ne retint que celui de la suprématie royale. Comme membre du conseil de régence, et étroitement uni avec le lord protecteur, duc de Sommerset, il employa tout son crédit à établir la réforme. Il consentit d'abord à recevoir de nouvelles provisions pour son archevêché, afin d'en pouvoir exercer despotiquement la juridiction, et il se recounut amovible à la volonté du roi. Passant ensuite du lutheranisme au zvinglianisme, pour faire sa cour au lord protecteur, il fit révoquer, par l'assemblée du clergé et le parlement, dociles à ses impressions, le bill des six articles qui avait consacré la présence réelle, et sanctionner une nouvelle liturgie, un nouveau pontifical. Pour mettre le nouveau culte en exercice, il composa et fit composer un livre de prières, et des homélies analogues à la doctrine qu'il voulait rendre générale à tout le royaume, et traduire en anglais la paraphrase d'Erasme sur le Nouveau-Testament pour être employée exclusivement à l'explication publique de l'Évangile. Une commission royale, composée d'hommes à son choix, mi-partie laïque et ecclésiastique, revêtue d'une autorité supérieure à celle des évêques, parcourut tous les diocèses pour faire exécuter les nouvelles lois religieuses, et disparaître jusqu'aux moindres traces des anciennes. Bonner, évêque de Londres, Gardiner de Winchester, Tunstall de Durham et autres, qui voulaient s'en tenir aux réformes du règne précédent, furent déposés

et incarcérés, pour ne s'être pas entièrement et assez promptement soumis à tous ces changements. Afin de consolider le nouvel édifice, il appela d'Allemagne les principaux chefs du protestantisme, pour remplacer dans les universités et dans les divers postes ecclésiastiques les docteurs et les pasteurs qui refusaient de plier sous son joug; parmi ces apôtres d'outre-mer, on distinguait Bucer, Martyr, Fagius, Ochin, Tremellius, etc. A l'avènement de la reine Marie, tout changea de face. Cranmer avait signé le testament arraché à Edouard VI, pour transporter la couronne sur la tête de Jeanne Gray, et avait sacré cette nouvelle reine. Pour se laver du soupçon d'avoir offert de rétablir l'ancien culte, afin de gagner les bonnes grâces de Marie, il répandit un manifeste, écrit d'un style dur et violent, où les personnes et les choses étaient peu ménagées, et où il faisait sa profession de foi sur la doctrine établie sous les deux règnes précédents. Cité au conseil, incarcéréà la Tour, condamné comme coupable de haute trahison, il implora l'indulgence de la reine, obtint sa grâce pour ce crime, et fut renvoyé au tribunal ecclésiastique chargé de le juger sur celui d'hérésie. Traduit à Oxford avec les évêques Ridley et Latimer, pour disputer contre les docteurs catholiques dans une conférence publique, il refusa de souscrire une formule de foi qui consacrait la présence réelle, la transsubstantiation et le sacrifice de la messe, et se laissa condamner comme hérétique et comme violateur de la loi sur le célibat ecclésiastique par son second mariage. Ce jugement était manifestement irrégulier, comme ayant été rendu par de simples prêtres contre des évêques. Il en appela au tribunal de Dieu; on le cita à celui da

pape, en lui refusant la liberté de se rendre à Rome, où l'on se contenta d'envoyer le procès-verbal de son interrogatoire; et après l'expiration de cette citation dérisoire, le pape le condamna par contumace, et de livra une commission à Bonner et à Thirlby pour le dégrader, malgré son appel au concile général. On le livra ensuite au tribunal séculier, qui, suivant les anciennes lois du royaume contre les hérétiques, le condamna à être brûlè vif. Dans l'intervalle de l'arrêt à l'exécution, qui fut d'un mois, l'espoir de se soustraire au supplice lui arracha une rétractation, qu'il rétracta bientôt après, lorsqu'il vit clairement que son sort était absolument décidé. Les anglicans font de vains efforts pour justifier toutes ces rétractations; mais ils ne sont pas plus heureux en cela que les catholiques qui ont voulu excuser l'extrême rigueur dont on usa envers lui. Granmer, placé dans l'église de Ste. Marie d'Oxford, sur un échafaud dressé en face de la chaire, après avoir écouté attentivement, et sans se troubler, un discours du docteur Cole, relatif à la triste situation où il se trouvait, désavoua publiquement tout ce qu'il avait pu écrire ou signer depuis sa degradation, comme lui ayant été dicté par la crainte du supplice; il fit sa profession de foi sur les dogmes de la nouvelle réforme; lorsqu'il fut près du bûcher dressé sous les murs de la ville, il avança sa main droite pour être brûlée la première, en punition de ce qu'il avait signé la rétractation qu'il désavouait solennellement, et subit son supplice le 21 mars 1556, avec une constance remarquable. Godwin, Heylin, Burnet, avancent que son cœur fut trouvé sans aucune atteinte, après que son corps eut été consumé; mais

Fox, qui ne laisse rien échapper de tout ce qui peut honorer la mémoire des héros de son parti, ne dit pas un seul mot de ce prétendu miracle. Le martyre de ce patriarche de la réforme anglicane a répandu un grand lustre sur sa personne et fait disparaître les fautes qu'on pouvait avoir à lui reprocher. Burnet n'en voit que de très légères, effacées par des vertus sublimes qui l'égalent aux plus grands hommes du christianisme. Hume le représente comme un homme plein de candeur, de sincérité, doué de toutes les qualités sociales, de toutes les vertus religieuses, et surtout de ce courage à toute épreuve qui le conduisit au martyre. Prinne, au contraire, l'accuse de parjure, de cruauté, pour avoir fait brûler des presbyteriens, d'hypocrisie, d'apostasie, de rebellion, et ne voit en lui que le principal auteur des calamités du règne de Henri VIÐ). Gilpin, qui a publié en 1784 la vie de cet archevêque, convient qu'il a trop favorisé l'intolérance de ce prince. Il ne croit pas que, comme théologien, il pût avoir de bonnes raisons pour croire les motifs du divorce bien foudés, et pour courir toute l'Europe, afin d'accréditer les pieuses intentions du roi dans cette affire. Sans parler du supplice de Thomas Morus, de Fisher et d'autres catholiques auxquels il eut tant de part, ceux de Lambert, d'Anne Askew, de Bocher, de Van-Parr, dont il fit signer l'arrêt de mort par Édouard Vi, malgré la répugnance de ce prince; celui du duc de Sommerset, condamné sans avoir été entendu, et dont il signa lui-même l'arrêt, quoique évêque, pèsent encore sur sa mémoire, même parmi les protestants. Ses perpétuelles variations dementent cette constante fermeté de caractère qui

fait l'admiration de ses panegyristes. On le vit successivement catholique, Juthérien, zwinglien, d'abord défenseur de la présence réelle, puis persécutant ceux qui admettaient ce dogme, signant en 1537 une déclaration sur l'indépendance de l'église dans les choses spirituelles, et mettant par ses écrits, en 1543, l'église sous l'absolue dépendance du magistrat politique, rendant toute la hiérarchie entièrement précaire dans l'exercice de ses fonctions les plus sacrées; professant ouverte ment la divine institution des évêques, et se reconnaissant ensuite amovible à la volonté de la puissance séculière. Cranmer s'était beaucoup appliqué à l'étude de la théologie et du droit canon; ses connaissances dans ces deux sources principales de la science ecclésiastique étaient fort étendues. Il avait la conception un peu lente, mais la mémoire très heureuse. Il consacrait les trois quarts de la journée au travail, écrivait et lisait debout, faisait des extraits de ses lectures, qu'il savait classer avec ordre et employer à propos. Son style est diffus, plus nerveux qu'élégant. Tous ses écrits roulent sur des matières de controverse. Le principal a pour titre Défense de la vraie et catholique doctrine du sacrement du corps et du sang de J.-C. (V. GARDINER). Les uns sont en latin, les autres en anglais. Il avait laissé en manuscrit deux volumes in-folio, contenant un recueil de passages de l'Écriture, des pères, des conciles et des scolastisques, mis en ordre pour justifier la réforme anglicane, et prouver la nouveauté de la doctrine romaine. Parker les transcrivit de sa propre main; on les conserve dans la bibliothèque de l'évêque de Londres. Les anglicans en font beaucoup de cas. La bibliothèque de Cam

:

bridge renferme encore un grand nombre de manuscrits de sa composition. Il fut le protecteur des savants de son parti. Son palais de Lambeth servit de réfuge à ceux qui étaient persécutés sur le continent; il leur faisait des pensions, ou leur procurait des places lucratives entretenait plusieurs jeunes gens dans les universités d'Angleterre, d'Allemagne et d'ailleurs, pour qu'ils fussent en état de soutenir l'édifice de la nouvelle église anglicane, dont il est regardé, à juste titre, comme le patriarche.

T-D.

CRANTOR, philosophe académicien, né à Soles, dans la Cilicie, florissait vers l'an 306 avaut J.-C. II avait déjà acquis une grande réputation dans sa patrie, lorsque le désir de s'instruire le conduisit à Athènes, où il devint l'un des disciples de Xénocrate et l'ami intime de Polémon, dont il suivit les leçons après la mort de leur maître commun. Il eut lui-même quelques disciples, du nombre desquels fut Arcesilas qu'il aimait beaucoup, et qu'il fit en mourant son héritier. Grantor avait fait plusieurs ouvrages fort estimés, tant en prose qu'en vers; on faisait surtout le plus grand cas de son Traité de l'affliction qui, suivant Pauétius, méritait d'être appris en entier. Ciceron en avait fait un grand usage dans l'ouvrage qu'il fit pour sa propre consolation, après la mort de Tullie, sa fille; on en trouve aussi plusieurs fragments daus la Consolation de Plutarque à Apollonius, Sextus Empyricus cite un fragment d'un autre ouvrage de lui, dans lequel, raisonnant sur les biens de la vie, il donne le premier rang à la valeur, le second à la santé, le troisième aux richesses, et le quatrième à la volupté. On voit par la que ses écrits roulaient pour la plupart sur la morale. Il faisait le

plus grand cas des ouvrages d'Homère et d'Euripide. Il mourut hydropique, avant Polémon et Crates. On ne connaît ni l'époque précise de sa naissance, ni celle de sa mort. C-R.

CRANTZ V. FRIBURGE et KRANTZ. CRANZ (DAVID), prédicateur d'une communauté de Moraves, ou Hernhutes, né en 1723, à Neugarten, en Pomeranie, fut dans sa jeunesse maître d'école à Hernhut, et devint en 1747, secrétaire du comte de Zinzendorf. C'est auprès de ce seigneur qu'il puisa ce zèle philantropique qui le fit aller en qualité de missionnaire dans le Groenland, où les Hernhutes ont quelques établissements. Plusieurs Groenlandais furent convertis au christianisme par ses prédications, et il se fit estimer des préposés danois, qui lui procurèrent des facilités, non seulement pour répandre l'Évangile, mais aussi pour connaître le pays et pour l'examiner sous les rapports géographiques et physiques. Cranz publia la relation de ses recherches et de ses observations dans un ouvrage écrit en allemand, intitulé Histoire du Groenland, contenant la description de ce pays et de ses habitants, Barby, 1765, 2 vol. in-8°., avec 8 planches. En 1770, il parut également à Barby des augmentations et des suppléments à cet ouvrage, qui, à peu près dans le même temps, eut une seconde édition. Il a été traduit en hollandais, en anglais et en suédois. L'auteur donne le catalogue des productions naturelles qu'il a observées, et principalement des végétaux qui sont indigènes au Groenland, et de ceux qui y sont cultivés comme plantes potagères, malgré l'âpreté du climat. On trouve à cet égard plus de détails et d'observations dans la suite, que dans la première partie de l'ouvrage. Cranz a fait de plis, en allemand,

une Histoire ancienne et moderne des Frères de l'Union,autrement appelės Moraves ou Hernhutes, Barby, 1771, in-8°., continuée par J.-K. Hegner, Hernhut, 1791, in-8'. Après son retour du Groenland, en 1762, il revint chez le comte de Zinzeudorf, et fut nommé, en 1766, pasteur de l'église de Rixdorf, près de Berlin, et en 1771, de celle de Gnadenfrey en Silésie, où il mourut le 6jain 1777

C-AU.

CRAON (PIERRE DE), seigneur de la Suze, descendait de la maison des barons de Graon, dont il est si souvent parlé dans l'histoire de France, et était arrière-petit-fils de Maurice V de Craon, qui se croisa l'an 1267, avec S. Louis. Pierre se distingua dans les guerres de la succession de Bretagne, entre Charles de Blois et le comte de Montfort. 11 assiégeait la Roche-Derien, en 1550. Ses soldats montraient peu d'ardeur; il suspendit au bout d'une perche sa bourse, promit de la donner à celui qui le premier entrerait dans la ville, et la place fut emportée. Chargé par le roi Jean de harceler les Anglais que commandait le prince de Galles, il fut contraint de s'enfermer en 1356, dans le château de Romorentin, avec Boucicaut et l'Hermite de Chaumont; il avait repoussé plusieurs assauts, lorsque des ingénieurs anglais s'avisèrent de dresser une batterie de canons, et de jeter dans la place des feux d'artifices. Ce fut la première fois qu'on fit usage en France de l'artillerie pour les siéges. Craon se rendit avec les siens. La même année, il fut fait prisonnier à la bataille de Poitiers. Il était au nombredes otages qu'Edouard exigea pour la

rançon du roi Jean. Quatre ans après, réuni à Jean de Craon, son cousin, archevêque de Reims et au maréchal de Boucicaut, il negocia le traité de Guerrande, par lequel le comte de

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