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il lui plaise de la conduire à lui et lui faire naître les moyens d'y arriver. Car c'est à Dieu qu'elle aspire 2; elle n'aspire encore d'y arriver que par des moyens qui viennent de Dieu même, parce qu'elle veut qu'il soit lui-même son chemin, son objet et sa dernière fin. Ensuite de ces prières, elle conçoit qu'elle doit agir conformément à ses nouvelles lumières 3.

Elle commence à connoître Dieu et désire d'y arriver; mais comme elle ignore les moyens d'y parvenir, si son désir est sincère, véritable, elle fait la même chose qu'une personne qui désirant arriver à quelque lieu, ayant perdu le chemin et connoissant son égarement, auroit recours à ceux qui sauroient parfaitement ce chemin. Elle consulte de méme ceux qui peuvent l'instruire de la voie qui mène à ce Dieu qu'elle a si longtemps abandonné. Mais en demandant à la connoître, elle se résout de conformer à la vérité connue le reste de sa vie; et comme sa foiblesse

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1. Les mss.: il lui plaise la conduire, et non de la conduire.

2. Cette petite phrase, ainsi isolée, ressemble à une déclamation, et Pascal ne déclame jamais; il raisonne, et voici son raisonnement: « Car, comme c'est à Dieu qu'elle aspire, elle n'aspire encore d'y arriver que par des moyens qui viennent de Dieu. » Comme est dans tous nos manuscrits.

3. Cette phrase est de Bossut; celle de Pascal est inachevée et toute différente. Mss. : «En suite de ces prières, elle commence d'agir, de chercher entre eux...» Plusieurs lignes de points.

4. Au XVIe siècle, on disait plutôt arriver en un lieu. Aussi les mss.: en quelque lieu.

5. Toute cette phrase: Elle consulte de même jusqu'à : Elle se résout, est de l'invention de Bossut qui traite ici Pascal comme il l'a fait tant de fois dans les Pensées, et lui prête ses idées et son style. Ce style est en vérité par trop médiocre, et il est un peu humiliant de l'avoir admiré jusqu'ici sur la foi du nom de Pascal.

6. Les mss. à ses volontés (de Dieu) le reste de sa vie; mais, comme sa f. Ce mais était indispensable.

naturelle avec l'habitude qu'elle a au péché où elle a vécu, l'ont réduite dans l'impuissance d'arriver à la félicité qu'elle désire, elle implore de sa miséricorde les moyens d'arriver à lui, de s'attacher à lui, d'y adhérer éternellement. Toute occupée de cette beauté si ancienne et si nouvelle pour elle, elle sent que tous ses mouvements doivent se porter vers cet objet; elle comprend qu'elle ne doit plus penser ici-bas qu'à adorer Dieu comme créature, lui rendre grâces comme redevable, lui satisfaire comme coupable, le prier comme indigente jusqu'à ce qu'elle n'ait plus qu'à le voir, l'aimer, le louer dans l'éternité. »

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Ces deux exemples montrent surabondamment dans quel état est encore le texte des écrits posthumes de Pascal que Bossut a publiés. Nous pourrions exercer la même critique sur d'autres morceaux, par exemple sur la belle lettre à M. Lepailleur, et sur celle à M. le président Ribeyre. Mais nous avons voulu seulement recommander ici l'étude de nos manuscrits à ceux qui s'intéressent aux choses de Port-Royal, et particulièrement aux amateurs de notre grande langue du xvIe siècle, dont Pascal est un des modèles les plus accomplis.

1. Après éternellement viennent plusieurs lignes de points. Bossut a mis à leur place cette phrase: «Toute occupée de cette beauté, si ancienne et si nouvelle pour elle (Platon, que Bossut imite aussi bien qu'il supplée Pascal, a bien parlé d'une beauté toujours ancienne et toujours nouvelle; mais qu'est-ce qu'une beauté si ancienne et si nouvelle ?), elle sent que tous ses mouvements doivent se porter vers cet objet.

2. Au lieu de ces mots : Elle comprend qu'elle ne doit penser ici-bas qu'à adorer Dien, les mss. disent tout simplement: Ainsi elle reconnoit qu'elle doit adorer Dieu.

3. Toute cette fin: Jusqu'à ce qu'elle n'ait plus qu'à le voir, etc., est de la main de Bossut. Il n'y a pas même dans les mss. la marque d'une lacune.

FRAGMENT INÉDIT DE PASCAL SUR L'AMOUR.

De toutes les découvertes grandes ou petites que nous avons pu faire sur Pascal, voici, sans contredit, la plus inattendue. Il ne s'agit plus de lettres mystiques adressées à ses deux sœurs ou à mademoiselle de Roannez, ni de quelques lignes destinées à une nouvelle provinciale, ni de variantes précieuses de morceaux déjà célèbres, ni de nouveaux débris du grand livre des Pensées, enfin de quelque ouvrage de la dernière époque de la vie de Pascal, de cette époque aujourd'hui bien connue où il répudie la raison comme imbécile, et avec elle toute morale et toute religion naturelle, rejette la distinction du juste et de l'injuste, ainsi que les preuves les plus vieilles et les plus autorisées de l'existence de Dieu, appelle le mariage une sorte de déicide, et pour nous faire croire nous veut abêtir. Nous venons aujourd'hui éclaircir une toute autre époque de cette vie si tôt dévorée : nous venons tirer de l'oubli un écrit d'un caractère bien différent, et dont le sujet semble plutôt emprunté à l'hôtel de Rambouillet qu'à Port-Royal.

Quel est donc ce sujet? L'amour.

Oui, l'amour! et non pas l'amour divin, mais l'amour humain, avec le cortège de ses grandeurs et de ses misères. Tel est bien le sujet sur lequel Pascal a composé un discours à la manière de ceux du Banquet, mais d'un platonisme fort tempéré, et où respire la liberté décente d'un philosophe et d'un homme du monde.

Il y a plus ce singulier ouvrage contient jusqu'à des

préceptes sur l'art d'aimer, très différents, il est vrai, de ceux d'Ovide, mais qui dans leur délicatesse même n'expriment pas une médiocre expérience.

Vous dirai-je toute ma pensée? En plus d'un endroit je crois sentir comme les battements d'un cœur encore troublé; et dans l'émotion chaste et tendre avec laquelle l'auteur peint le charme de ce qu'il appelle une haute amitié je crois surprendre l'écho secret et la révélation involontaire d'une affection que Pascal aurait éprouvée pour une personne du grand monde. On ne parle point ainsi d'un sentiment aussi particulier, quand on ne l'a pas eu dans le cœur. Conçoit-on d'ailleurs un homme comme Pascal s'amusant à disserter sur l'amour pour faire parade de bel esprit? Pascal n'a jamais écrit que sous l'empire d'un sentiment irrésistible, qu'il soulageait en l'exprimant. C'est l'homme, en lui, qui suscite et soutient l'écrivain. Ou je me trompe fort, ou ce discours trahit dans la vie intime de Pascal un mystère qui peut-être ne sera jamais entièrement expliqué.

Vous voilà bien surpris je ne l'ai pas été moins, lorsqu'au milieu d'obscurs manuscrits cet éclatant fragment m'apparut comme une vision extraordinaire. Je crus rêver, et je me demandai si ces pages étaient bien du pénitent de M. Singlin, de l'auteur des Provinciales et des Pensées. Mais le doute était-il permis? N'est-ce pas là sa manière ardente et altière, tant d'esprit et tant de passion, ce parler si fin et si grand, cet accent que je reconnaîtrais entre mille? A ce trait piquant et quelque peu recherché vous soupçonneriez Saint-Evremond ou La Bruyère; mais tout à côté ce coup de pinceau énergique et le ton de la phrase entière vous désabusent.

Et puis ce n'est pas là une simple conjecture de mon es

prit. D'autres avant moi, au xvi siècle, des gens liés avec Port-Royal, qui connaissaient Pascal et sa famille, les Bénédictins lui ont attribué ce fragment. Ceci m'amène à vous dire où et comment je l'ai trouvé.

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En parcourant le volumineux catalogue des manuscrits français de l'abbaye de Saint-Germain-des-Prés, je rencontrai au tome xr l'indication d'un manuscrit in-4°, coté n° 74, contenant, selon le catalogue, des écrits de Nicole, de Pascal et de Saint-Evremond. Soigneux de ne négliger aucun indice, je voulus examiner ce manuscrit. Il porte au dos Nicole. De la Gráce. Autre pièce manuscrite. Sur la première page est la table des écrits que cet in-4o renferme : Système de M. Nicole sur la Gráce. Si la dispute sur la Gráce universelle n'est qu'une dispute de nom. Discours sur les passions de l'amour, de M. Pascal. Lettre de M. de Saint-Evremond sur la dévotion feinte. Introduction à la Chaire. A la vue de ce titre : Discours sur les passions de l'amour, de M. Pascal, vous comprenez que je cherchai bien vite au milieu du volume; j'y trouvai le même titre avec cette légère variante: Discours sur les passions de l'Amour. On l'attribue à M. Pascal.

Jugez à quel point ma curiosité fut excitée. Ce discours avait une vingtaine de pages; si donc il était authentique, c'était le plus étendu de tous les morceaux inédits de Pascal que j'eusse encore rencontrés. Ajoutez le prodigieux intérêt de la matière! Dès les premières lignes, je sentis Pascal, et ma conviction s'accrut à mesure que j'avançais. Les preuves surabondent pour quiconque a eu un commerce intime avec l'auteur des Pensées. Ce discours est inachevé. C'est une copie, et même, comme on le verra, une copie assez défectueuse. Probablement cet écrit n'était pas destiné au public, et la dernière main n'y a pas été

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