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INTRODUCTION

CHAPITRE Ier.

Humanisme et Christianisme.

Humanisme et Apologétique.

Co

luccio Salutati, chef de l'Humanisme de la fin du Trecento. Avant la « Lucula Noctis » : I. Polémique entre le chancelier de Florence, Coluccio Salutati, et le chancelier de Bologne, Ser Giuliano Zonarini. II. Coluccio Salutati et le renversement de la statue de Virgile à Mantoue.

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Avec le Trecento se clôt la première période de l'Humanisme, attrayante comme tout ce qui est jeune, sûr de soi et confiant dans l'avenir: c'est la période des origines. Le Quatrocento est né riche d'espérances dans l'orientation nouvelle où depuis un demi-siècle surtout la pensée s'engageait. A peine une génération nous sépare de Pétrarque et de Boccace, et le courant d'idées dont ils furent les initiateurs et les apôtres zélés a entraîné dans son remous tout un monde.

L'Humanisme, tel que la fin du Trecento l'a connu et l'a défendu, traduit à sa manière le malaise dont l'Europe chrétienne est alors travaillée. Le XIVe siècle offre le spectacle d'un corps qui se dissout et de forces qui se divisent. Tous les éléments de vie qui, réunis en un faisceau puissant, avaient constitué l'unité chrétienne du Moyen Age tendent à se dissocier. Cet héritage, constitué par treize siècles de Christianisme et que

les deux derniers semblaient avoir assuré contre tout revers, il n'y a plus à en douter, cet héritage est furieusement contesté. Une civilisation que l'on croyait à jamais ensevelie dans l'oubli vient de se réveiller de son long sommeil. L'antiquité païenne fait effort pour se lever, déjà elle est à demi-dressée comme un beau marbre émergeant des sables qui l'ont enseveli, et la beauté de ses formes, sa grâce toute simple, toute ingénue, ravit les esprits qu'une dialectique, qui a perdu sa vigueur en s'éloignant des réalités, a désappris pour longtemps du chemin de la simple vérité.

Les yeux se sont abaissés sur une beauté plus sensible, plus humaine, plus capiteuse; une ivresse nouvelle s'empare des esprits, on se secoue de sa léthargie et il y a dans cet entrain, dans cet enthousiasme, tant de jeunesse et d'assurance que volontiers on se mettrait à l'unisson.

Mais dans cette résurrection du Paganisme littéraire, qu'allait devenir l'idée chrétienne? La question était angoissante. Sans être grand prophète, on pouvait facilement prévoir que l'on courait à une révolution intellectuelle et morale. La lutte s'annonçait fatale. Elle s'engagea dès la première heure, mais les armes étaient trop inégales, la poussée trop violente, pour que l'idée chrétienne n'en fût pas ébranlée au premier choc et n'eût pas à reculer. De très hautes valeurs morales pourtant s'étaient ralliées autour d'elle pour la défendre, mais l'opiniâtreté de leur résistance au flot montant de l'Humanisme, ne fit qu'envenimer la querelle et il se fit que des voix aussi éloquentes que celles d'un Giovanni Dominici et d'un Savonarole ne purent que signaler l'abîme où l'on roulait.

A partir des premières années du Quattrocento, la lutte change tout à fait de caractère. De son apologie, l'Humanisme passe résolument à l'attaque et les arguments dont on se servira de préférence contrasteront singulièrement avec la profession d'Humaniste, que l'on se décernait. A partir de ce moment, on dépouillera cette naïve candeur, je n'oserais dire une ruse de guerre, qui se prêtait encore à la discussion amicale et sans fiel, telle qu'en dépit de certains mouvements on la retrouve sous la plume d'un Coluccio Salutati. C'est que, depuis, les Humanistes auront fait leurs preuves et leurs adversaires auront beau jeu à leur démontrer que l'Antiquité la plus littéraire, quoi

qu'ils en pensent, est autre chose qu'une école de vertu et d'ascétisme. Les plaidoyers ne seront plus guère que des litanies d'injures, et jamais plus une discussion sereine sur le fond des choses ne viendra dissiper l'équivoque.

Au contraire, l'Humanisme du Trecento et du Quattrocento à ses débuts est tout autre. Des natures encore profondément religieuses le représentent avec dignité à Florence et ailleurs; et, si parmi les vertus chrétiennes, certaines semblent plus négligées, c'est autant le fait de l'humaine faiblesse, accentuée par des circonstances d'ordre général, que la conséquence logique d'une inspiration antique. Il est vrai qu'il y a loin des raisons alléguées par la défense au cours d'un procès et les mobiles réels de la conduite des inculpés! Que les plaidoyers d'un Pétrarque, d'un Boccace ou d'un Coluccio Salutati, en faveur de la culture antique, traduisent bien dans leur expression le fonds de leur pensée et surtout celle d'une foule de disciples moins recommandables, ce serait à eux de répondre! En effet, l'Humanisme n'est pas venu, dès la première heure, braver en face l'idée chrétienne. Etait-il même conscient du rôle qu'il jouerait un jour? Je ne le pense pas. Du reste, avant rupture, on essaie volontiers d'un accommodement, et c'est surtout dans cet essai de conciliation, qu'il faut chercher l'originalité de la position prise par les Trecentistes, curieux de culture antique.

Au cours du Moyen Age, l'idée chrétienne dans le travail d'assimilation, puis d'association, qui se poursuivait lentement mais presque sans recul, avait toujours eu tendance à réduire à son usage les éléments de la civilisation antique. Ce travail d'endosmose avait été favorisé par le concours des plus grands docteurs de la période précédente. Interprété par Albert le Grand et surtout par Saint Thomas d'Aquin, Aristote avait reçu comme un baptême posthume, et était devenu un des défenseurs les plus actifs et les plus redoutables de l'orthodoxie. Sur les bases philosophiques du Stagyrite, l'Eglise avait vu s'édifier les plus beaux monuments de la théologie catholique. A la suite d'Aristote et de Platon, volontiers la foule des auteurs païens eût demandé à être introduite dans le temple et revêtue de la blanche robe des cathécumènes. Peu s'en était fallu que Virgile ne suivît Dante jusqu'en Paradis! Ne faisait-on pas de Sénèque un correspondant de saint Paul? Si l'on ne pouvait faire entrer

tous ces gens-là dans le corps de l'Eglise, du moins voulait-on qu'ils fûssent le plus proche possible de son âme. On les admettait volontiers à dire leur mot au milieu des disputes de l'Ecole, d'autant plus vénérables qu'un plus grand nombre de Docteurs et de Pères les avait patronés, en invoquant leur témoignage.

L'Humanisme, celui qui devait être plus tard un danger pour l'idée chrétienne, naquit du jour où l'on ne voulut plus lire Cicéron, ni Virgile, ni les autres, à travers le prisme de la religion; et, du jour où l'on chercha à leur restituer leur personnalité, plus ou moins déformée par le service qu'on leur avait fait rendre, le conflit devint inévitable. Ce n'était plus porté par l'éloquence de saint Augustin qu'on voulait s'abandonner à celle de Cicéron. On le trouvait plus vrai discutant au Forum les intérêts de Rome, qu'apportant au Christianisme une autorité violentée. On trouvait aussi que la Cité de Dieu était en somme de pauvre ressource à qui voulait pénétrer le génie philosophique et poétique de Rome antique. Pour la première fois, depuis des siècles, le souci de la forme littéraire s'emparait des esprits, non pas que les auteurs des âges précédents s'en soient désintéressés, loin de là, mais désormais une phrase bien rythmée quelle qu'en puisse être d'ailleurs la pauvreté de pensée, aura trop souvent le pas sur une vérité profonde, grossièrement exprimée. Et ce n'était pas chez les maîtres de l'éloquence chrétienne qu'on entendait puiser, non, ce que l'on voulait avant tout, c'était rejoindre par-delà une civilisation chrétienne, déjà vieille de treize siècles, la civilisation antique, qui semblait renfermer toutes les assurances de vérité et bonheur. Arrachant donc à ces auteurs païens la robe demi-chrétienne dont on les avait affublés, on leur rendit la toge ou le manteau de philosophe. Mais le malheur fut que ceux qui les avait ainsi affranchis, au contraire des usages de Rome, se firent à leur tour leurs clients.

Pourtant, les choses ne prirent point dès le début cette tournure de défection. Les premiers Humanistes, Pétrarque, Boccace et les autres, avaient trop de conscience religieuse ou trop d'habileté pour rompre du premier coup avec la tradition. Ils usèrent de stratagème. Au risque de paraître vouloir moderniser hors de propos, nous n'hésitons pas à voir dans le premier

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