Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

demanda mille choses sur la guerre, et sur l'état présent de la religion, de la liberté, et du gouvernement en France. "Vous ne demandez donc rien," lui dis-je, "de votre chère amie Madame Helvétius; et cependant elle vous aime encore excessivement, et il n'y a qu'une heure que j'étois chez elle." "Ah!" dit-il, "vous me faites ressouvenir de mon ancienne félicité. Mais il faut l'oublier pour être heureux ici. Pendant plusieurs des premières années, je n'ai pensé qu'à elle. Enfin je suis consolé. J'ai pris une autre femme; la plus semblable à elle que j'ai pu trouver. Elle n'est pas, il est vrai, tout-à-fait si belle, mais elle a autant de bon sens, beaucoup d'esprit, et elle m'aime infiniment. Son étude continuelle est de me plaire, et elle est sortie actuellement chercher le meilleur nectar et ambroisie pour me régaler ce soir; restez avec moi et vous la verrez." "J'apperçois," dis-je, "que votre ancienne amie est plus fidelle que vous; car plusieurs bons partis lui ont été offerts qu'elle a refusés tous. Je vous confesse que je l'ai aimée, moi, à la folie; mais elle étoit dure à mon égard, et m'a rejeté absolument pour l'amour de vous." "Je vous plains," dit-il, "de votre malheur; car vraiment c'est une bonne et belle femme, et bien aimable. Mais l'Abbé de la R ****, et l'Abbé M**** , ne sont-ils pas encore quelquefois chez elle?" "Oui assurément; car elle n'a pas perdu un seul de vos amis." "Si vous aviez gagné l'Abbé M **** (avec du bon café à la crême) à parler pour vous, vous auriez peut-être réussi; car il est raisonneur subtil comme Duns Scotus ou St. Thomas; il met ses arguments en si bon ordre qu'ils deviennent presque irrésistibles. Et si l'Abbé de la R**** avoit été gagné (par quelque belle édition d'un vieux classique) à parler contre vous, cela auroit été mieux; car j'ai toujours observé, que quand il lui conseilla quelque chose, elle avoit un penchant très-fort

[ocr errors]

à faire le revers." A ces mots entra la nouvelle Madame Helvétius avec le nectar; à l'instant je l'ai reconnue pour être Madame Franklin, mon ancienne amie Américaine. Je l'ai réclamée, mais elle me dit froidement; "J'ai été votre bonne femme quaranteneuf années et quatre mois ;-presqu'un demi-siècle ; soyez content de cela. J'ai formé ici une nouvelle connexion, qui durera à l'éternité."

Indigné de ce refus de mon Eurydice, je pris de suite la résolution de quitter ces ombres ingrates, et revenir en ce bon monde, revoir le soleil et vous.-Me voici!Vengeons-nous !

TRANSLATION.

TO MADAME HELVETIUS.

MORTIFIED at the barbarous resolution pronounced by you so positively yesterday evening, that you would remain single the rest of your life, as a compliment due to the memory of your husband, I retired to my chamber. Throwing myself upon my bed, I dreamt that I was dead, and was transported to the Elysian Fields.

I was asked whether I wished to see any persons in particular; to which I replied, that I wished to see the philosophers. "There are two who live here at hand in this garden; they are good neighbours, and very friendly towards one another." "Who are they?" "Socra tes and Helvetius." "I esteem them both highly; but let me see Helvetius first, because I understand a little French, but not a word of Greek." I was conducted to him; he received me with much courtesy, having known me, he said, by character, some time past. He asked me a thousand questions relative to the war, the present state of religion, of liberty, of the government in France. "You do not inquire, then," said I, "after your dear friend, Madame Helvetius; yet she loves you exceedingly; I was in her company not more than an hour ago." " Ah," said he, "you make me recur to my past happiness, which ought to be forgotten in order to be happy here. For many years I could think of nothing but her, though at length I am consoled. I have taken another wife, the

* visit her?"

most like her that I could find; she is not indeed altogether so handsome, but she has a great fund of wit and good sense; and her whole study is to please me. She is at this moment gone to fetch the best nectar and ambrosia to regale me; stay here awhile and you will see her." "I perceive," said I, "that your former friend is more faithful to you than you are to her; she has had several good offers, but has refused them all. I will confess to you that I loved her extremely; but she was cruel to me, and rejected me peremptorily for your sake." "I pity you sincerely," said he, "for she is an excellent woman, handsome and amiable. But do not the Abbé de la R **** and the Abbé M* "Certainly they do; not one of your friends has dropped her acquaintance." "If you had gained the Abbé M**** with a bribe of good coffee and cream, perhaps you would have succeeded; for he is as deep a reasoner as Duns Scotus or St. Thomas; he arranges and methodizes his arguments in such a manner that they are almost irresistible. Or, if by a fine edition of some old classic, you had gained the Abbé de la R **** to speak against you, that would have been still better; as I always oberved, that when he recommended any thing to her, she had a great inclination to do directly the contrary." As he finished these words the new Madame Helvetius entered with the nectar, and I recognised her immediately as my former American friend, Mrs. Franklin! I reclaimed her, but she answered me coldly; "I was a good wife to you for forty-nine years and four months, nearly half a century; let that content you. I have formed a new connexion here, which will last to eternity."

Indignant at this refusal of my Eurydice, I immediately resolved to quit those ungrateful shades, and return to this good world again to behold the sun and you! Here I am; let us avenge ourselves!

TRÈS-HUMBLE REQUÊTE PRÉSENTÉE À MADAME
HELVÉTIUS PAR SES CHATS.

[Probably written by the Abbé Morellet.]

TRÈS-ILLUSTRE ET TRÈS-BONne Dame,

Une nouvelle affreuse vient troubler le bonheur dont nous jouissions dans votre basse-cour et dans votre bûcher. Nous apprenons que sur un exposé calomnieux, nos ennemis, vos Abbés,* vous ont fait porter une sentence de proscription contre nous; qu'à l'aide d'une invention diabolique, nous devons être pris, mis dans un tonneau, roulés jusqu'à la rivière et abandonnés à la merci des flots; et au moment où nous vous griffonnons notre très-humble requête, nous entendons les coups de la hache et du marteau de votre cocher, qui façonne l'instrument du supplice qu'on nous prépare.

Mais, très-illustre dame, serons-nous donc condamnés sans être entendus ; et serons-nous les seules de tant de créatures vivantes à vos dépens qui ne trouverons pas votre âme juste et sensible? Nous voyons tous les jours vos bienfaisantes mains nourrir deux ou trois cents poulets, autant de serins, des pigeons sans nombre, tous les moineaux de la banlieue, tous les merles du Bois de Boulogne, et jusqu'à des chiens; et nous seuls cesserions d'éprouver les effets de votre bienfaisance, et, ce qui est affreux à penser, nous deviendrions les objets d'une cruauté bien étrangère à votre âme et que vous n'aurez jamais eue que pour nous? Non, la bonté naturelle de votre cœur vous ramènera à des sentimens plus dignes de votre chatéité.

On nous

Eh, quels crimes avons-nous commis? accuse, (le dirons-nous jusqu'où s'emporte la calomnie?) on nous accuse de manger vos poulets lorsqu'ils sont encore jeunes, de détourner de tems en tems quelques

* Morellet et La Roche.

pigeons, de guetter sans cesse vos serins, et d'en accrocher quelques-uns par les mailles du treillage de votre volière, et de laisser les souris infester votre maison.

Mais suffit-il d'imputer des crimes pour faire des coupables? Nous pouvons repousser ces horribles accusations. Qu'il nous soit d'abord permis d'observer qu'on ne les appuie d'aucunes preuves. Quand on produiroit les pieds de quelques pigeons ou les plumes d'un poulet, sont-ce là des témoins qui puissent être admis dans quelque tribunal que ce soit? Mais les grands crimes sont les suites de la misère et du besoin, et nous recevons tous les jours de vous, à dix-huit chats que nous sommes, une subsistance abondante. Il ne nous manque rien. Egratignerions-nous la main qui nous nourrit ? Plus d'une fois, sous vos yeux, vos poulets sont venus manger avec nous au même plat, sans que vous ayez apperçu de notre part le plus léger mouvement d'impatience; et si l'on vous dit que nous ne mangeons jamais de poulets lorsqu'on nous observe, que c'est la nuit que nous commettons les meurtres dont on nous accuse, nous répondrons que ce sont nos calomniateurs qui se cachent dans les ténèbres pour tramer contre nous leurs lâches complots, puisqu'ils sont réduits à nous imputer des crimes nocturnes, que dément sans cesse notre conduite de tout le jour.

Mais, disent nos ennemis, la basse-cour de Madame lui coûte 25 louis par an, il s'y élève environ deux ou trois cents poulets, elle n'en mange pas cinquante, qui lui reviennent, par sa grande économie, à 12 livres la pièce; et que devient le reste?

Nous oserons le demander, d'abord nous a-t-on donné les poulets en compte et en garde, et pouvons-nous en répondre? Au milieu de ce grand nombre d'êtres destructeurs, les hommes, tous convaincus que les poulets ne sont au monde que pour être mangés par

« ZurückWeiter »