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sérieuse, et dans le silence de la méditation, l'on ne recherche que les écrits raisonnables ou sensibles. C'est dans ce genre seul que la gloire littéraire a été acquise, et qu'on peut reconnoître sa véritable influence.

Diroit-on que la carrière des lettres détourne l'homme, et de ses devoirs domestiques, et des services politiques qu'il pourroit rendre à son pays? Nous n'avons plus d'exemples de ces républiques qui donnoient à chaque citoyen sa part d'influence sur le sort de la patrie; nous sommes encore plus loin de cette vie patriarchale qui concentroit tous les sentimens dans l'intérieur de sa famille. Dans l'état actuel de l'Europe, les progrès de la littérature doivent servir au développement de toutes les idées généreuses. Ce qu'on mettroit à la place de ces progrès, ce ne seroient ni des vertus publiques, ni des affections privées, mais les plus avides calculs de l'égoïsme ou de la vanité.

La plupart des hommes, épouvantés des vicissitudes effroyables dont les événemens politiques nous ont offert l'exemple, ont perdu maintenant tout intérêt. au perfectionnement d'eux-mêmes, et sont trop frappés de la puissance du hasard pour croire à l'ascendant des facultés intellectuelles. Si les Français cherchoient à obtenir de nouveau des succès dans la carrière littéraire et philosophique, ce seroit un premier pas vers la morale; le plaisir même causé par les succès de l'amour-propre, formeroit quelques liens entre les hommes. Nous sortirions par degré du plus affreux période de l'esprit public, l'égoïsme de l'état de nature combiné avec l'active multiplicité des intérêts de la société, la corruption sans politesse, la grossièreté sans franchise, la civilisation sans lumières, l'ignorance sans enthousiasme; enfin cette sorte de désabusé, maladie

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les esprits bornés se croient atteints, alors que, tout occupés d'eux-mêmes

ils se sentent indifférens aux malheurs des autres.

De la Littérature dans ses rapports avec la Gloire.

Si la littérature peut servir utilement à la morale, elle influe par cela seul puissamment aussi sur la gloire; car il n'y a point de gloire durable dans un pays où il n'existeroit point de morale publique. Si la nation n'adoptoit pas des principes invariables pour base de son opinion, si chaque individu' n'étoit pas fortifié dans son jugement par la certitude que ce jugement est d'accord avec l'assentiment universel, les réputations brillantes ne seroient que des accidens se succédant par hasard les uns aux autres. L'éclat de quelques actions pourroit frapper; mais il faut une progression

dans les sentimens pour arriver au plus sublime de tous, à l'admiration. Vous ne pouvez juger qu'en comparant. L'estime, l'approbation, le respect, sont des degrés nécessaires à la puissance de l'enthousiasme. La morale pose les fondemens sur lesquels la gloire peut s'élever, et la littérature, indépendamment de son alliance avec la morale, contribue encore, d'une manière plus directe, à l'existence de cette gloire, noble encouragement de toutes les vertus publiques.

la

L'amour de la patrie est une affection purement sociale. L'homme créé par nature pour les relations domestiques, ne porte son ambition au-delà, que par l'irrésistible attrait de l'estime générale; et c'est sur cette estime, formée par l'opinion, que le talent d'écrire a la plus grande influence. A Athènes, à Rome, dans les villes dominatrices du monde civilisé, en parlant sur la place publique,

on disposoit des volontés d'un peuple et du sort de tous; de nos jours, c'est par la lecture que les événemens se préparent et que les jugemens s'éclairent. Que seroit une nation nombreuse, si les individus qui la composent ne communiquoient point entr'eux par le secours de l'imprimerie? L'association silencieuse d'une multitude d'hommes n'établiroit aucun point de contact dont la lumière pût jaillir, et la foule ne s'enrichiroit jamais des pensées des hommes supérieurs.

L'espèce humaine se recrutant toujours, un individu ne peut faire de vide que dans l'opinion; et pour que cette opinion existe, il faut avoir un moyen de s'entendre à distance, de se réunir par les idées et les sentimens généralement approuvés. Les poètes, les moralistes caractérisent d'avance la nature des belles actions; l'étude des lettres met

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