Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

spectacle des actions honnêtes. Les bizarreries, inventées ou naturelles, étonnent un moment l'imagination; mais la pensée ne se repose que dans l'ordre. Quand on a voulu donner une idée de la vie à venir, on a dit que l'esprit de l'homme retourneroit dans le sein de son créateur: c'étoit peindre quelque chose de l'émotion qu'on éprouve, lorsqu'après les longs égaremens des passions, on entend tout-à-coup cette magnifique langue de la vertu, de la fierté, de la pitié, et qu'on y retrouve encore son ame entière sensible.

La littérature ne puise ses beautés durables que dans la morale la plus délicate. Les hommes peuvent abandonner leurs actions au vice, mais jamais leur jugement. Il n'est donné à aucun poète, quel que soit son talent, de faire sortir un effet tragique d'une situation qui admettroit en principe une immoralité.

L'opinion, si vacillante sur les événemens réels de la vie, prend un caractère de fixité quand on lui présente à juger des tableaux d'imagination. La critique littéraire est bien souvent un traité de morale. Les écrivains distingués, en se livrant seulement à l'impulsion de leur talent, découvriroient ce qu'il y a de plus héroïque dans le dévouement, de plus touchant dans les sacrifices. Etudier l'art d'émouvoir les hommes, c'est approfondir les secrets de la vertu.

Les chefs-d'œuvre de la littérature indépendamment des exemples qu'ils présentent, produisent une sorte d'ébranlement moral et physique, un tressaillement d'admiration qui nous dispose aux actions généreuses. Les législateurs grecs attachoient une haute importance à l'effet que pouvoit produire une musique guerrière ou voluptueuse. L'éloquence, la poésie, les situations dramatiques,

les pensées mélancoliques agissent aussi sur les organes, quoiqu'elles s'adressent à la réflexion. La vertu devient alors une impulsion involontaire, un mouvement qui passe dans le sang, et vous entraîne irrésistiblement comme les pasșions les plus impérieuses. Il est à regretter que les écrits qui paroissent de nos jours n'excitent pas plus souvent ce noble enthousiasme. Le goût se forme sans doute par la lecture de tous les chefsd'œuvre déjà connus que nous possédons en littérature; mais nous nous y accou tumons dès l'enfance; chacun de nous est frappé de leurs beautés à des époques différentes, et reçoit isolément l'impression qu'elles doivent produire. Si nous assistions en foule aux premières représentations d'une tragédie digne de Racinel, si nous lisions Rousseau, si nous écoutions Cicéron se faisant entendre pour la première fois au milieu de nous l'intérêt de la surprise et de la curiosité

fixeroit l'attention sur des vérités délaissées; et le talent commandant en maître à tous les esprits, rendroit à la morale un peu de ce qu'il a reçu d'elle; il rétabliroit le culte auquel il doit son inspiration.

Il existe une telle connexion entre toutes les facultés de l'homme, qu'en perfectionnant même son goût en littérature, on agit sur l'élévation de son caractère : on éprouve soi-même quelque impression du langage dont on se sert; les images qu'il nous retrace modifient nos dispositions. Chaque fois qu'appelé à choisir entre différentes expressions, l'écrivain ou l'orateur se détermine pour celle qui rappelle l'idée la plus délicate, son esprit choisit entre ces expressions, comme son ame devroit se décider dans les actions de la vie; et cette première habitude peut conduire à l'autre.

Le sentiment du beau intellectuel,

alors même qu'il s'applique aux objets de littérature, doit inspirer de la répugnance pour tout ce qui est vil et féroce; et cette aversion involontaire est une garantie presqu'aussi sûre que les principes réfléchis.

On est honteux de justifier l'esprit, tant il paroît évident, au premier apperçu, que ce doit être un grand avantage. Néanmoins on s'est plu quelquefois, par une sorte d'abus de l'esprit même, à nous tracer ses inconvéniens. Une équivoque de mots a seule donné quelque apparence de raison à ce paradoxe. Le véritable esprit n'est autre chose que la faculté de bien voir; le sens commun est beaucoup plutôt de l'esprit que les idées fausses. Plus de bon sens, c'est plus d'esprit; le génie, c'est le bon sens appliqué aux idées nouvelles. Le génie grossit le trésor du bon sens ; conquiert pour la raison. Ce qu'il dé

il

« ZurückWeiter »