Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

tiré d'utiles leçons de cette étude féconde; mais leurs beautés originales ont une sorte de ressemblance, une certaine grandeur poétique dont Ossian est le premier type. Les poètes anglais, pourra-t-on dire, sont remarquables par leur esprit philosophique; il se peint dans tous leurs ouvrages; mais Ossian n'a presque jamais d'idées réflé– chies: il raconte une suite d'événemens et d'impressions. Je réponds à cette objection que les images et les pensées les plus habi-tuelles, dans Ossian, sont celles qui rappellent la brièveté de la vie, le respect pour les morts, l'illustration de leur mémoire, le culte de ceux qui restent envers ceux qui ne sont plus. Si le poète n'a point réuni à ces sentimens des maximes de morale ni des réflexions philosophiques, c'est qu'à cette époque l'esprit humain n'étoit point encore susceptible de l'abstraction nécessaire pour concevoir beaucoup de résultats. Mais l'ébranlement que les chants ossianiques causent à l'imagination, dispose la pensée aux méditations les plus profondes.

La poésie mélancolique est la poésie la

plus d'accord avec la philosophie. La tristesse fait pénétrer bien plus avant dans le caractère et la destinée de l'homme, que toute autre disposition de l'ame. Les poètes anglais qui ont succédé à Ossian, ont ajouté à ses tableaux les réflexions et les idées que ces tableaux mêmes devoient faire naître; mais ils ont conservé l'imagination du nord, celle qui se plaît sur le bord de la mer, au bruit des vents, dans les bruyères sauvages; celle enfin qui porte vers l'avenir, vers un autre monde, l'ame fatiguée de sa destinée. L'imagination des hommes du nord s'élance audelà de cette terre dont ils habitoient les confins; elle s'élance à travers les nuages qui bordent leur horizon, et semblent représenter l'obscur passage de la vie à l'éternité.

L'on ne peut décider d'une manière générale entre les deux genres de poésie dont Homère et Ossian sont comme les sources premières. Toutes mes impressions, toutes mes idées me portent de préférence vers la littérature du nord; mais ce dont il s'agit maintenant, c'est d'examiner ses caractères distinctifs.

Le climat est certainement l'une des raisons principales des différences qui existent entre les images qui plaisent dans le nord, et celles qu'on aime à se rappeler dans le midi. Les rêveries des poètes peuvent enfanter des objets extraordinaires; mais les impressions d'habitude se retrouvent nécessairement dans tout ce que l'on compose. Eviter le souvenir de ces impressions, ce seroit perdre le plus grand des avantages, celui de peindre ce qu'on a soi-même éprouvé. Les poètes du midi mêlent sans cesse l'image de la fraîcheur, des bois touffus, des ruisseaux limpides, à tous les sentimens de la vie. Ils ne se retracent pas même les jouissances du coeur, sans y mêler l'idée de l'ombre bienfaisante, qui doit les préserver des brûlantes ardeurs du soleil. Cette nature si vive qui les environne, excite en eux plus de mouvemens que de pensées. C'est à tort, ce me semble, qu'on a dit que les passions étoient plus violentes dans le midi que dans le nord. On y voit plus d'intérêts divers, mais moins d'intensité dans une même pensée; or c'est la fixité qui produit les miracles de la passion et de la volonté.

Les peuples du nord sont moins occupés des plaisirs que de la douleur; et leur imagination n'en est que plus féconde. Le spectacle de la nature agit fortement sur eux; elle agit, comme elle se montre dans leurs climats, toujours sombre et nébuleuse. Sans doute les diverses circonstances de la vie peuvent varier cette disposition à la mélancolie; mais elle porte seule l'empreinte de l'esprit national. Il ne faut chercher dans un peuple, comme dans un homme, que son trait caractéristique: tous les autres sont l'effet de mille hasards différens ; celuilà seul constitue son être.

La poésie du nord convient beaucoup plus que celle du midi à l'esprit d'un peuple libre. Les premiers inventeurs connus de la littérature du midi, les Athéniens, ont été la nation du monde la plus jalouse de son indépendance, Néanmoins il étoit plus facile de façonner à la servitude les Grecs que les hommes du nord. L'amour des arts, la beauté du climat, toutes ces jouissances prodiguées aux Athéniens, pouvoient leur servir de dédommagement, L'indépendance

étoit le premier et l'unique bonheur des peuples septentrionaux. Une certaine fierté d'ame, un détachement de la vie, que font naître, et l'âpreté du sol, et la tristesse du ciel, devoient rendre la servitude insupportable; et long-temps avant que l'on connût en Angleterre, et la théorie des constitutions, et l'avantage des gouvernemens représentatifs, l'esprit guerrier que les poésies Erses chantent avec tant d'enthousiasme donnoit à l'homme une idée prodigieuse de sa force individuelle et de la puissance de sa volonté. L'indépendance existoit pour chacun, avant que la liberté fût constituée pour tous.

La philosophie, à la renaissance des lettres, a commencé par les nations septentrionales, dans les habitudes religieuses desquelles la raison trouvoit à combattre infiniment moins de préjugés que dans celles des peuples méridionaux. La poésie antique du nord suppose beaucoup moins de superstition que la mythologie grecque. It y a quelques dogmes et quelques fables absurdes dans l'Edda; mais les idées reli

« ZurückWeiter »