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moyens et les obstacles donnent des directions à la liberté tout comme à la pensée. Il en est de même du sexe et de l'organisation particulière. Ainsi, sans être à même de faire un partage, nous comprenons que la naissance a sur le caractère et les destinées de chacun une imposante influence. Et c'est d'en haut qu'elle vient.

Cette influence ne s'arrête pas à l'individu; mais elle s'étend d'abord à sa famille et passe à ses descendants, s'il en a. Elle envahit ensuite plus ou moins la société environnante, pour son bien ou pour son mal. Quant à celle-ci nous répéterons hardiment que c'est le souverain Maître qui règle les destinées des peuples. Elles dépendent évidemment des hommes auxquels passera la direction des affaires et de l'opinion publique. Eh bien! pour relever un peuple, Celui qui préside à notre naissance, n'aura qu'à y faire paraître une élite d'esprits distingués, mais amis de la vérité et du bien, doués en même temps de courage et de prudence, et bientôt les affaires changeront de face, et d'abject et misérable qu'il était, ce peuple deviendra florissant.

Vous verrez au contraire tomber un État, si jamais l'Auteur de la vie y fait naître des esprits de ténèbres et pervers, qui, par la séduction ou la violence, s'emparent du pouvoir et repoussent les idées sur lesquelles reposent l'humanité, les mœurs, l'ordre et le salut des peuples. Ouvrez l'histoire, et elle vous le dira.

Notre sujet vient de nous conduire plus loin que ne va d'ordinaire la portée des enfants. Cependant pour leur faire sentir l'empire de Dieu sur les affaires humaines, le Cours de langue a soin de leur parler par occasion de la triple intervention divine que nous venons d'exposer. Les instituteurs seront dans le cas d'ajouter quelques explications au simple énoncé des faits indiqués dans les exercices, et ils voudront bien les mesurer sur la capacité des élèves. Il s'agit de les familiariser avec les grandeurs de Dieu, afin que le respect entre profondément dans leur âme, et se montre dans toute leur conduite.

§ III. Développer la gratitude envers Dieu.

Tandis que le respect s'attache aux grandeurs de Dieu, la gratitude répond à ses bienfaits. Elle tire sans doute son origine de ce qui nous est agréable, et par conséquent de notre intérêt; mais elle s'élève noblement au-dessus de son berceau; car, ayant reçu, elle voudrait donner à son tour.

Par rapport à la gratitude, le Cours de langue a deux choses à faire; c'est d'abord de l'exciter dans ses élèves, ensuite d'en diriger l'expression qui s'égare quelquefois.

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Il n'y a guère de leçons où le Cours de langue ne parle pas de la bonté divine, soit pour nourrir la reconnaissance dans le cœur de ses élèves, soit pour la rendre plus complète et plus vive. Il appuie surtout sur les points suivants. «Dieu nous appelle du néant pour nous faire jouir de » la vie et de ses biens. Il a daigné retracer en nous son >> image et nous placer haut dans sa création. Comme à » notre arrivée dans la vie nous sommes ignorants et fai» bles, il a mis dans nos mères une tendresse inépuisable, et » il nous a donné un père pour nous protéger et fournir à >> nos besoins.-Il nous loge dans sa maison, au milieu de » merveilles et de beautés sans nombre.-C'est à sa table

» qu'il nous nourrit. Sans cesse il nous parle dans la » conscience pour guider nos pas dans la vie. —Nous avons » en lui un père, notre Père céleste.- Notre corps rentre » dans la poussière, mais nous-même nous vivons à tout » jamais, car notre bon Père ne reprend pas la vie qu'il »> nous a donnée, etc., etc. »

Il y a dans la vie certaines choses qui déplaisent à l'homme. Elles sont comme autant de nuages qui jettent des ombres sur la bonté de Dieu. Les enfants, petites et insouciantes créatures, n'y font pas encore attention; mais ce qui n'est pas encore, arrivera, et l'éducation doit prévenir le mal. Le Cours de langue renferme donc en petit une théodicée ou une justification de la bonté divine. Il explique par occasion les désordres apparents. de la

nature, il montre que le développement de notre intelligence tient à nos besoins, que les maux de la vie produisent les nobles et doux sentiments de la pitié et de la reconnaissance, que sans tentations et sans combats, il n'y aurait ni vertu, ni mérite parmi nous, etc. En tout il a soin de transporter ses élèves du monde des sens dans le monde moral, et de cette vie dans l'autre, pour leur apprendre à juger sainement de celle-ci.

Une chose sur laquelle il croit devoir insister, c'est le désintéressement absolu de la bonté divine. Le Créateur qui d'un mot appelle du néant des mondes qui n'étaient pas, le Créateur qui donne à ses créatures la vie, la respiration et toutes choses, pourrait-il, en leur donnant, chercher à être payé de quelque retour? Que lui donneraient-elles? des louanges? Mais les cieux racontent sa gloire bien mieux qu'elles ne sauraient le faire. Puis ne répand-il pas ses bienfaits sur toutes ces légions d'animaux qui loin de le remercier, ne le connaissent pas du tout? Puis ne fait-il pas lever son soleil sur tous les hommes, sur les ingrats comme sur les reconnaissants, sur les méchants qui se révoltent contre lui, comme sur les bons qui font sa volonté? Voilà des preuves palpables et incessantes de la bonté toute désintéressée, toute gratuite de Dieu. Nous avons soin de les répéter à nos élèves, et leur gratitude ne peut qu'en devenir plus profonde et plus vive.

L'homme dans son indigence est intéressé en ce qu'il fait, et cela lui est naturel et permis; mais il ne devrait pas abaisser son Créateur jusqu'à sa pauvreté. Il peut d'ailleurs s'élever généreusement, s'il le veut : voyez la mère près du berceau. Longtemps au milieu de ses peines, de ses soucis, de ses veilles, elle n'obtient que des pleurs et des cris en réponse à ses caresses. Enfin au bout de six semaines environ un sourire vient récompenser son dévouement. Faible récompense, dont l'espoir ne l'a pas inspirée; car elle n'avait en vue que les intérêts de son cher enfant. Et nous croirions que le Créateur qui a mis la générosité dans le cœur de sa créature, ne sait pas aimer

sans intérêt! Nous écartons de nos élèves cette indignepensée. Nous aimons à appeler Dieu du doux nom que le divin Maître nous a appris à lui donner, et si nous disons qu'il est Père comme personne, nous avons soin d'ajouter qu'aucune créature dans son indigence ne peut l'être comme lui.

En excitant la gratitude dans les enfants, il faut aussi leur apprendre à la lui témoigner dignement.

Tout enfant bien né montre sa reconnaissance à ses parents, en évitant ce qui leur déplaît, et en faisant ce qu'il sait leur être agréable. On n'a pas besoin de le lui dire; car c'est l'expression naturelle de la gratitude, dès qu'elle est entrée dans le cœur. Nos élèves éprouveront aussi le besoin de faire la volonté du Père céleste, dont ils auront appris à connaître l'incomparable bonté. Puis cette volonté ne sera pas un mystère pour eux, puisque le Cours de langue les aura habitués à écouter la voix de leur conscience, à la respecter comme l'oracle de Dieu au sein de l'homme.

L'enfant sous le toit paternel remarque bientôt que ses parents ont aussi des besoins, qu'on peut leur être utile, tout comme leur nuire, et dès lors sa reconnaissance devient bienfaisante. Celle de nos élèves envers Dieu voudra aussi le devenir, et le Cours de langue la dirigera. Il demandera d'elle des bienfaits, non pas certes pour Celui qui n'en a nul besoin, mais pour sa famille humaine, dont une partie lutte avec la pauvreté, les maladies, la douleur, les adversités de tout genre, et dont tous les membres ont besoin de lumières et d'encouragement pour le bien. A cet égard nous ne manquerons pas dans nos leçons de familiariser nos disciples avec la grande pensée chrétienne qui nous dit que tout ce que nous faisons aux enfants du Père céleste, en bien ou en mal, c'est à lui-même que nous le faisons.

Ici il ne faudra pas s'arrêter aux paroles et aux actes extérieurs, mais il s'agira d'étendre les témoignages de gratitude jusqu'aux affections de l'âme. Ainsi nous de

manderons à nos élèves, que sur l'autel de la reconnaissance ils immolent l'envie, la jalousie, les ressentiments, et que par amour pour le Père, ils rendent à ses enfants le bien pour le mal.

§ IV. Développer la confiance en Dieu.

La confiance en Dieu a dans le cœur humain la même source que la gratitude. Toutes deux dérivent de la conviction que nous avons de sa bonté paternelle à notre égard, et tandis que la gratitude a le passé pour objet, la confiance se porte sur l'avenir.

Pour être digne des hautes destinées de l'homme, sa confiance en Dieu doit passer au delà du tombeau et se perdre dans l'éternité. Puis, loin de se renfermer dans les besoins de la vie animale, elle doit espérer de l'Auteur de tout bien tous les secours qui sont nécessaires à l'homme ignorant et faible, pour arriver à la vérité et à la vertu.

Plus les élèves seront convaincus qu'ils ont au ciel un Père qui sait et qui peut tout dans son univers, et qui aime l'homme, son enfant, mieux que celui-ci ne sait l'aimer lui-même, plus ils seront disposés à s'abandonner à ses soins. Or c'est cette douce conviction que le Cours de langue s'étudie à leur donner.

Comme il cherche surtout à tourner leurs pensées et leurs affections vers les biens impérissables de l'âme, il donne à leur confiance la même direction. Ici il ne saurait omettre ces paroles du divin Maître : « Où est parmi vous » le père qui donne une pierre à son enfant, quand celui» ci lui demande du pain? A plus forte raison votre Père » céleste donnera-t-il le bon esprit à ceux qui le lui de» manderont. »>

Le Cours de langue ne condamne point la confiance qui attend d'en haut le nécessaire. Au contraire il renvoie ses disciples, comme l'a fait le Sauveur, aux soins que Dieu donne aux oiseaux, et leur dit ensuite: «N'êtes-vous pas plus qu'eux? » Une autre fois il leur

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