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seul. Je veux parler de l'Histoire sainte, qui est une partie essentielle dans l'éducation chrétienne.

Sans doute qu'un Cours de langue qui fait hautement profession de former Jésus-Christ dans ses élèves, ne négligera pas de leur mettre l'admirable et touchant modèle devant les yeux et dans le cœur; mais il ne peut pas raconter sa vie comme elle doit l'être pour produire son effet, et cet effet est grand sur les âmes que le vice n'a pas encore flétries au point de les rendre insensibles à ce qui est beau, noble, grand et divin. Il est dit dans l'Évangile1 que la foule des malades cherchait à toucher le Sauveur; parce que de lui partait une vertu qui les guérissait. On doit dire de même que de sa vie, lorsqu'elle est saisie avec réflexion, émane une force morale qui pénètre l'âme et l'ennoblit. Nous désirons que nos élèves éprouvent la plénitude de cette influence, et nous demandons à cet effet qu'à côté des exercices du Cours de langue, ils lisent constamment la vie de Notre-Seigneur, et qu'ils soient aussi tenus de rendre compte de leurs lectures.

Un écrivain d'Allemagne, le chanoine d'Augsbourg, Christophe Schmid, qui a consacré sa plume à l'éducation de la jeunesse, dont il connaissait bien la portée, le goût et les besoins, a aussi publié pour elle l'Histoire du Nouveau Testament, que l'on a traduite en français. C'est à son travail que je donne la préférence 2.

1 S. Luc, vi, 19.

2 Les trois classes supérieures de mon ancienne école recevaient des leçons suivies de géographie, et le point de départ était Fribourg avec ses environs. Les élèves imitaient les cartes géographiques, et ils étaient appelés à faire des voyages de vive voix dans les divers pays qu'ils avaient appris à connaître dans leurs leçons. On leur donnait le point de départ, celui d'arrivée, et on laissait à leur imagination le soin de régler la course, à charge de relever les choses notables qu'ils avaient rencontrées sur leur chemin. Cette partie était aussi utilisée pour l'enseignement religieux. Voyageant sur la carte de la Palestine, comme elle était divisée au commencement de l'ère chrétienne, ils étaient tenus de marquer les lieux où le Sauveur avait fait ou dit quelque chose dont l'Évangile rend compte. Sur la carte de l'Asie Mineure et des pays avoi sinants, ils avaient à relever les voyages de saint Paul, et à citer ses

Quant à l'histoire sainte de l'Ancien Testament, je ne saurais qu'en remettre un extrait entre les mains des enfants. Le grand jour n'est que dans l'Évangile; l'Ancien Testament nous présente le crépuscule qui successivement devient l'aurore. Et pourquoi ferions-nous rétrograder nos élèves, quand il s'agit de les faire jouir de la vive lumière évangélique? La loi du Sinaï était la loi des Israélites; elle n'est pas la nôtre, et il faut bien se garder de mettre l'ignorante jeunesse dans le cas de confondre la loi des œuvres avec la loi de l'esprit. Au surplus dans l'Ancien Testament Dieu est le souverain Maître, le Juge inexorable qui punit jusque dans la quatrième génération les péchés des ancêtres. Dans le Nouveau Testament il est le Père qui n'a pas son pareil, et le Père de tous les hommes sans distinction. Ainsi, comme le résultat de l'Évangile sur l'âme de la jeunesse est l'esprit d'adoption par lequel nous crions: « Mon père, mon père, » celui de l'Ancien Testament est un esprit de servitude qui conduit par la crainte1. Voyez un peu quelle imprudence on commet dans l'éducation, quand on y mélange des choses aussi disparates.

Cependant nous n'en exclurons pas totalement l'histoire sainte de l'Ancien Testament. Nous y choisirons ce qui peut être mis à la portée des enfants, et ce qui en même temps peut les amener au royaume des cieux et à sa justice 2.

Je suis donc bien éloigné de vouloir faire reposer toute l'éducation morale et religieuse de l'enfance sur le Cours de langue, puisque d'un côté je rends justice à la mère et

actions, ses discours et les contradictions qu'il avait éprouvées. C'est ainsi que cette partie rentrait aussi dans le but général de l'école. Toutes doivent s'y prêter, autant que leur nature le permet.

1 Rom., VIII, 15.

2 J'ai devant moi les petits livres qui ont été publiés dernièrement à Paris par la direction de la Nouvelle Bibliothèque d'éducation sous ces titres : la Création, le Déluge et la vie patriarcale; - Joseph et ses frères; — Moïse et la loi de Dieu, ou l'Égypte, le Sinaï et le désert; - Episodes de la Bible, etc., etc. Les familles et les écoles peuvent en tirer un grand parti.

à ses aides dans la famille, et que de l'autre je demande des lectures suivies à l'école sur de vastes et importants sujets, réservant au surplus au saint ministère le soin de mettre la dernière main à ce que la mère et l'école auront fait.

Pour le succès de nos efforts réunis il faudra encore une plus haute intervention, laquelle ne dépend pas de nous. Tous les jours on voit dans la même famille des enfants qui sous le rapport moral tournent bien différemment; tous ont cependant reçu les mêmes leçons, les mêmes soins, les mêmes bienfaits; et néanmoins les résultats de la même éducation ne se ressemblent souvent pas. L'éducateur se rappellera ici ce que dit l'Apôtre des nations de ses disciples à Corinthe: « C'est moi qui ai planté, c'est » Apollon qui a arrosé, mais c'est Dieu qui a donné l'ac» croissement. Or celui qui plante n'est rien, ni celui qui » arrose, mais c'est Celui qui donne l'accroissement qui est » tout 1. » Comment il fait croître dans nos élèves les semences de bien que nous déposons dans leur pensée, et que nous arrosons, c'est un secret; et cette influence invisible du Créateur sur la créature qu'il inspire, et qu'il soutient est ce que nous appelons la grâce, dont nous avons besoin pour prospérer. Pour l'obtenir il faut la demander, car elle n'est accordée qu'à la prière, qui lui fraye le chemin des âmes.

Et quant à nous, instituteurs de la jeunesse, nous devons imiter le pieux laboureur qui, ayant ensemencé son champ, s'arrête auprès de sa herse attelée, découvre sa tête, élève au ciel ses regards, et recommande à l'Auteur de tout bien les semences qu'il vient de confier à la terre. Nous aussi nous prierons le Ciel de donner l'accroissement qui ne dépend pas de l'homme, et nous engagerons nos élèves à prier comme nous 2.

14. Cor., II, 6, 7.

? Dans les écoles chrétiennes les leçons commencent, et se terminent par la prière. J'avais fait autrefois des prières variées pour les différentes classes de mon école, et les prières alternaient avec des chants

Pour en revenir au Cours éducatif de langue, je finirai par dire qu'il aura un double mérite: d'abord il réalisera la prédiction de l'abbé Sicard, en substituant une véritable grammaire d'idées à une grammaire de mots; elle sera du commencement à la fin une gymnastique progressive pour l'esprit de la jeunesse. Ensuite par un choix convenable des matières sur lesquelles il appellera constamment la jeune pensée, il s'appliquera à former les cœurs sur le plus beau et le plus attrayant modèle. Ce sera un premier essai sous ces deux points de vue, un essai susceptible d'un perfectionnement indéfini; mais aussi un essai, lequel malgré ses imperfections méritera de remplacer un enseignement de la langue qui reste étranger à la culture du cœur comme à la culture bien entendue de l'esprit.

Je sais que je propose ici une grande innovation; mais je répondrai avec Rollin : « Souvent la coutume exerce » sur les esprits une espèce de tyrannie qui les tient dans » la servitude, et les empêche de faire usage de la raison, » qui dans ces sortes de matières est un guide plus sûr que >> l'exemple seul, quelque autorisé qu'il soit par le temps'. »

J'ai l'espoir que la réforme proposée trouvera de l'assentiment en France, et c'est dans cet espoir que je consacre les derniers jours de ma vie à perfectionner le travail que j'avais fait autrefois pour les écoles de mon canton. Celui qui était destiné aux écoles rurales a été en partie imprimé en 1821, par ordre de notre conseil d'éducation; je l'avais intitulé: Grammaire des Campagnes. Le désir que j'avais d'être utile aux générations naissantes, qui toutes m'appartiennent en ma qualité d'homme, de chrétien et de prédicateur de l'Évangile, ce désir, dis-je,

qui plaisaient beaucoup à la jeunesse, et qui par là même faisaient impression sur elle. Quelques personnes ont crié à la nouveauté, et pourtant je n'avais suivi que l'antique conseil de l'Apôtre, qui exhortait les fidèles à s'édifier mutuellement en chantant des hymnes et des cantiques. (Ephes., v, 15; Coloss., II, 16.)

1 Traité des études. Paris, 1805, t. I, p. 428.

m'engagea à en envoyer quelques exemplaires en France. Mon intention n'était pas du tout d'y faire adopter un ouvrage qui était calculé sur les besoins des localités pour lesquelles il avait été fait. C'est l'idée mère et ses principaux développements que je désirais faire adopter en faveur de la jeunesse française. J'adressai donc des exemplaires d'abord au Conseil royal de l'instruction publique, puis à S. E. le cardinal de Bausset, à Monseigneur d'Osmond, évêque de Nancy, à Monseigneur de Jauffret, évêque de Metz, et à Monseigneur de Beauregard, évêque d'Orléans. Mon idée fut généralement goûtée. On trouvera à la fin de cet écrit les réponses dont on m'a honoré, et que je conserve comme un souvenir bien précieux.

Sans doute que dans cet essai on a vu avec satisfaction ramener dans les études de l'enfance le principe qui dirigeait les études de l'antique Université de France, et que le savant et bon Rollin, qui l'a présidée avec tant de distinction, énonce en ces termes : « L'Université se propose >> trois grands objets: la science, les mœurs et la religion. » Elle songe premièrement à cultiver l'esprit des jeunes » gens, et à l'orner de toutes les connaissances dont ils » sont alors capables; ensuite, elle s'applique à rectifier » et à régler le cœur par des principes d'honneur et de >> probité; enfin elle tâche d'achever et de perfectionner » ce qu'elle n'a fait qu'ébaucher, en formant en eux » l'homme chrétien 1. »

Tel était le but de l'Université. Et pourquoi ce qui alors faisait règle en faveur de l'élite de la nation ne deviendrait-il pas enfin aujourd'hui le principe des leçons élémentaires que l'on donne à toutes les classes de la société?

Nous avons indiqué sommairement ce que fait le Cours éducatif de langue pour cultiver le cœur de l'enfance; nous allons maintenant entrer dans quelques détails. Nous

1 Premières lignes du Traité des études, qui en devient le commentaire.

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