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peut-être et quelques intérêts matériels; mais j'ai conflance en la vérité, et je sais que tôt ou tard elle finit par triompher, parce que la victoire lui appartient de droit.

Les démarches que j'ai faites en France en 1821, annoncent du reste sur qui portent mes espérances. Je compte aussi sur les mères de famille. Elles sont nos premières institutrices comme nos premières maîtresses de langue, et c'est leur ouvrage que continuera le mien, pour développer le leur, et pour en assurer, autant que possible, le succès.

On pardonnera j'espère, à un vieillard qui a peu de temps et beaucoup d'ouvrage devant lui, quelques négligences de style et quelques répétitions superflues. Il se sent pressé d'exposer les fruits de ses méditations et de sa longue expérience, et toute son ambition est de les faire goûter aux instituteurs de la jeunesse qui ne se font métier, mais un devoir sacré de leur état.

pas un

Fribourg en Suisse, le 29 janvier 1844.

AVIS AU LECTEUR

SUR CETTE NOUVELLE ÉDITION.

C'est une édition corrigée par moi que je viens présenter au public. Dans la précédente il se trouve des répétitions inutiles et des longueurs que j'ai dû faire disparaître dans celle-ci. Alors les livres élémentaires n'étaient pas encore publiés, et, ne sachant pas si je pourrais les mettre au jour, je m'étais trouvé dans la nécessité d'ajouter beaucoup de détails d'exécution qui maintenant sont devenus superflus. Comme je proposais une idée nouvelle en faveur de l'éducation, il s'agissait de prouver la possibilité de la réaliser, car on avait peine à y croire. Cette preuve n'est plus nécessaire, depuis que le Cours éducatif de langue maternelle est publié, et que je puis en deux mots renvoyer à mon ouvrage.

Cette édition a donc été considérablement abrégée, et je m'en réjouis. Elle épargnera beaucoup de temps aux lecteurs qui n'en ont guère à donner à leurs lectures. Par là encore un livre, qui au fond est un traité d'éducation, est devenu plus accessible aux instituteurs el aux institutrices, car il coûtera moins. C'est surtout entre leurs mains que je désire le voir, persuadé que je suis de l'utilité qu'ils en retireront pour eux-mêmes ainsi que pour leurs élèves.

Fribourg en Suisse, le 1er mai 1846.

L'AUTEUR.

RÉGULIER

DE LA LANGUE MATERNELLE

DANS LES ÉCOLES ET LES FAMILLES.

LIVRE PREMIER.

CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES.

CHAPITRE PREMIER.

COMMENT LA MÈRE APPREND LA LANGUE A SES ENFANTS.

La mère est dans la famille la première maîtresse de langue. De là le nom de langue maternelle, et, ce qui est tout autre chose qu'un mot, l'importance de la mère dans l'éducation, et la primauté qui lui revient à cet égard sur son mari. On sait qu'un ancien a si vivement saisi cette éminente prérogative, qu'il aurait volontiers ôté la dénomination de patrie à notre pays natal, pour l'échanger dans sa langue contre celui de matrie.

Si la mère est auprès de son enfant la première maîtresse de langue, elle n'est pas seulement la maîtresse la plus empressée et la plus persévérante, mais encore la plus ingénieuse. On dirait qu'elle agit par un instinct supérieur qui tient à la maternité, et qu'elle n'est dans cette belle fonction qu'un instrument docile en d'autres mains. Se rap

pellerait-elle comment on s'y est pris à son égard pour graver en son âme les premières pensées et leurs signes, et pour former sur ses lèvres les premières paroles? Il aurait fallu pour cela des réflexions dont elle n'était pas capable. Ou bien a-t-elle depuis lors fait quelques études en ce genre? Les savants de leur côté ont-ils pris la peine de mettre les découvertes qu'ils peuvent avoir faites à cet égard à la portée des mères de la race humaine?

Pestalozzi reconnaissait leur influence sur l'éducation, et il a écrit à leur usage un livre qu'il a appelé le Livre des mères. Mais ce livre suppose que l'enfant sait déjà parler, et il contient une série d'exercices de langue, très-suivis à la vérité, mais aussi bien raides et bien monotones. Il laisse donc à la bonne nourrice toute la partie élémentaire, et tout le soin dont elle a été jusqu'ici chargée, seule avec son génie maternel et son infatigable tendresse. On pourrait pourtant lui tendre la main dans ses fonctions; il ne s'agirait que de quelques directions pour qu'elle pût à leur aide faire mieux et avec plus de succès ce qu'elle a la volonté et la constance de faire.

Depuis un certain temps, on a beaucoup parlé et beaucoup écrit sur les connaissances intuitives, par où l'instruction de l'enfance doit commencer. Les mères n'ont rien lu et ne lisent rien de pareil; cependant elles savent, et, ce qui vaut beaucoup mieux, elles pratiquent la chose pour le fond. Ne voyez-vous pas tous les jours qu'elles rendent leurs jeunes élèves attentifs à ce qu'ils voient, à ce qu'ils entendent, à ce qu'ils touchent, à ce qui s'annonce chez eux au goût et à l'odorat? Elles montrent l'un après l'autre les objets sensibles; elles en prononcent en même temps le nom et le répètent souvent, ajoutant ainsi le signe de rappel à la chose, afin que tous deux s'unissent étroitement dans l'esprit de l'élève, et qu'en l'absence de l'objet le mot puisse le remplacer. Voilà pourtant de la psychologie. Elle n'est pas due à la science; elle n'est due qu'à la bonne nature, qui ne manque pas de génie, quand elle ne manque pas de charité.

La mère n'a longtemps qu'un petit muet devant elle, bien qu'il ait déjà dans l'esprit quelques idées accompagnées de leurs symboles; mais elle va lui délier la langue et mettre la parole sur ses lèvres. Celle-ci remplacera peu à peu les cris de l'animal, et expliquera les pleurs de l'homme. La science a cherché des moyens pour faire bien articuler nos différentes lettres; elle observé les mouvements divers de la langue et des lèvres, et elle a par cette étude établi des règles de bonne prononciation. La mère ne connaît pas cela; et d'ailleurs comment se feraitelle comprendre par son élève, si elle s'avisait jamais de vouloir lui apprendre comment il doit mouvoir ses lèvres et sa langue pour articuler telle ou telle syllabe? Le pauvre enfant, ne comprenant pas son institutrice, la regarderait avec de grands yeux et la bouche béante. Mais ce n'est pas ainsi qu'elle s'y prend. Elle prononce le mot, le prononce encore plusieurs fois à différentes reprises; l'enfant imite, d'abord assez mal, puis un peu mieux, et finit enfin, tout content de lui-même, par rendre le son qu'il a cherché longtemps.

Durant cet exercice de l'organe, il a appris à comprendre les mots qu'il entend le plus souvent, et il est parvenu jusqu'à saisir le sens de plusieurs combinaisons du langage. La curiosité l'a engagé à deviner ce que les mots n'ont pas encore dit pour lui, et en cela les gestes, les accents de la voix, le jeu de la physionomie et le regard lui ont servi d'interprètes; lui-même commence à rapprocher quelques mots qui ébauchent sa pensée sans l'exprimer. Il n'emploie d'abord le verbe que dans sa forme brute, à l'infinitif, et commencera par dire : Maman, promener, boire, coucher, etc.; le pronom ne paraît pas dans ces premiers essais, et au lieu de dire je, il se nommera par son nom. Cependant, insensiblement ce langage enfantin se développe et se perfectionne par imitation, comme tout le reste, et souvent vers l'âge de cinq ans ce petit être imitateur fait conversation avec sa mère et d'autres personnes; il pensait et il parle.

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