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nage divin qui nous servira de modèle, et il faut encore en relever quelques détails. Ces détails, s'il est permis de s'exprimer ainsi, forment avec le fond du sujet l'harmonie la plus parfaite et la plus délicieuse.

Il semblerait que, tout entier à l'œuvre de sa vie, le Sauveur devait être étranger aux sentiments de famille, aux émotions de l'amitié et de l'amour de la patrie. Il n'en fut pas ainsi dans ce cœur qui n'a jamais eu son pareil.

L'Évangile n'a consigné qu'un seul trait de la jeunesse de J.-C. A douze ans il alla avec sa mère et son père nourricier, de Nazareth à Jérusalem, pour y adorer, dans son unique temple, le Créateur du ciel et de la terre. L'enfant s'approche ici des docteurs de sa nation, et les surprend par ses questions et ses réponses. Il avait déjà le sentiment de ses hautes destinées. Cependant il s'en retourna dans l'obscur atelier de Nazareth; il y vivait dans la soumission, et croissait en sagesse et en grâce devant Dieu et les hommes. A l'âge de trente ans, après avoir reçu le baptême de Jean-Baptiste dans les eaux du Jourdain, il commença son auguste mission. Dès lors il dut se séparer de sa tendre mère, mais sa piété filiale ne la quitta pas un instant. Au moment où il va expirer sur la croix, il la voit à ses pieds et lui donne un remplaçant, un autre fils dans son disciple bien-aimé.

Ses disciples, il les appelait ses amis, et il les traitait comme tels. Ils nous disent eux-mêmes que, les ayant aimés dès le commencement, il les a aimés jusqu'au dernier moment. Les deux bonnes sœurs de Béthanie et Lazare, leur frère, connaissaient cette sainte et douce amitié qui vivait dans le cœur du divin Maître; ils en jouissaient, et ils la payaient de retour.

Il avait aussi une patrie, ce cosmopolite comme il n'en fut jamais, et, bien qu'elle fût indigne de lui, il la chérissait tendrement. Elle se perdait par son aveuglement et son obstination, et Jésus éprouvait pour elle toute la désolation d'une mère qui voit périr sa chère famille. Qu'elles sont belles ces larmes patriotiques qu'il a versées sur

elle, en prédisant pour l'instruction de ses disciples les malheurs qu'elle se préparait! Et qui ne serait pas attendri en écoutant cette plainte : « Jérusalem, Jérusalem, toi qui tues les prophètes qui te sont envoyés d'en haut, >> combien de fois ai-je voulu rassembler tes enfants » comme la poule rassemble ses poussins sous ses ailes! >> Et tu ne l'as pas voulu ! » Cette ingrate patrie l'afflige encore au moment où il va au supplice qu'elle lui a décerné par acclamation. Quelques femmes néanmoins pleurent en le voyant; mais il refuse leurs larmes : « Filles de Jérusalem, » leur dit-il, ne pleurez pas sur moi, mais pleurez sur vous» mêmes et sur vos enfants. »

Oh! les enfants lui ont toujours inspiré le plus vif intérêt. C'est que, devenu homme parfait par l'élévation et la grandeur de ses pensées, il avait conservé le cœur simple, pur et aimant de la belle enfance. Quelque graves et pressantes que fussent les occupations de son ministère, il aimait à voir, à embrasser, à bénir les petits qu'il trouvait sur son passage, et que les mères lui amenaient. Les disciples, qui n'étaient pas encore animés de son esprit, écartaient les mères et leurs enfants : « Laissez, leur disait » le Maître, laissez venir à moi ces petits. Il faut leur res>> sembler pour entrer dans mon royaume. » Quel cœur avait donc ce Maître! Il embrasse dans sa charité tous les peuples de la terre, toutes les générations, et à côté du genre humain un pauvre petit enfant de la Falestine y trouve une place distinguée.

Dans ce cœur s'harmoniaient les contrastes les plus frappants, comme nous les voyons s'harmonier dans la création. La tâche sublime du Sauveur est de dissiper les ténèbres de l'âme et de guérir ses maux; cependant il reste sensible à toutes les autres misères de l'humanité. Partout elles se pressent sur ses pas, et il n'en repousse aucune. Il va même au-devant d'elles. Et ne l'a-t-on pas vu mêler ses larmes à celles des misérables de la plus basse condition? Larmes précieuses, vous brillerez comme des diamants sur la couronne de celui qui aimait à se dire

homme parce qu'il portait ce titre dans toute sa sublime acception...

Le Sauveur était le juste, le saint au milieu d'une race pécheresse. Cependant loin de repousser les coupables avec dédain, il accueille leur repentir avec bonté, et cherche à ranimer la mèche qui fume encore. Il va même les chercher, comme le berger court après la brebis qui s'est égarée au désert. Le Père trois fois saint fait luire son soleil sur les méchants comme sur les bons, et le Fils bienaimé disait que toujours il faisait ce qu'il voyait faire à son Père.

Il semblerait que, jour et nuit occupé de son œuvre sublime, le Sauveur devait se distinguer de la foule par sa manière de vivre. Il n'en est rien, car il mène la vie la plus simple, la plus ordinaire. Il converse familièrement avec tout le monde. Dans sa nourriture il use des dons de Dieu sans distinction. Il va dans les familles de sa connaissance ou dans celles qui l'invitent, et il ne craint pas d'assister à des repas de noces. Le grand prophète n'a point cessé d'être homme; mais jamais il ne néglige l'occasion de faire tourner ce qui est commun, au profit de l'œuvre qui est devenue sa nourriture, comme son premier et unique besoin.

Enfin celui que le Père avait envoyé à sa famille terrestre, comme son oracle et son représentant, avait droit à nos hommages, et il pouvait les exiger. Cependant il n'en demande point. Il ne veut être que notre frère. It renvoie à son Père et au nôtre toute la gloire. Sa doctrine, dit-il, n'est pas la sienne, mais celle du Père, dont il n'est que l'interprète; et les merveilles que l'on admire, c'est le Père qui les fait. C'est ainsi que, placé si haut audessus de nous, il ne veut être que notre frère, et c'est du fond de l'âme que partaient ces mémorables paroles: << Apprenez de moi que je suis doux et humble de cœur. » Il était encore en cela l'image de Celui qui, assis sur le trône de l'univers, compte les cheveux de nos têtes et prend soin du dernier des insectes.

§ IV. Réflexions sur le choix du modèle.

Voilà donc le grand modèle que nous aurons devant nous dans le Cours de langue, que nous retracerons à nos élèves, et sur lequel nous tâcherons de les former. Mais ne serait-ce pas prendre trop haut et trop loin en même temps le terme où nous pensons les conduire, puisque ce n'est pas simplement un homme, mais l'Homme-Dieu que nous choisissons? D'ailleurs, n'avons-nous pas affaire à des enfants, dont il faut ménager la faiblesse, sous peine de n'en rien obtenir? Nous allons répondre à ces objections..

Nous reconnaissons la dignité surhumaine de J.-C., et nous la vénérons; mais d'un autre côté nous savons aussi que malgré cela il était entièrement homme, entièrement notre frère, en tout semblable à nous, comme le dit l'Écriture, sauf dans le péché. Il l'a répété sans cesse, pour qu'on ne s'y méprît pas à la vue de ses grandeurs. Et en cela les faits nous tiennent le même langage. N'a-t-il pas été comme nous un petit enfant pauvre, frêle et muet? Ne s'est-il pas successivement développé surtout par les soins de sa tendre mère? A l'entrée de sa carrière il a eu des tentations humaines à vaincre. Toujours il a éprouvé comme nous les vicissitudes de la peine et du plaisir. Il a senti les émotions de la pitié à la vue des misères humaines, et des mouvements d'indignation à la vue de la perversité et surtout de l'hypocrisie. A l'approche de sa dernière heure il tremble, il sue, et c'est dans la prière qu'il trouve le courage et la force d'achever son sacrifice. Il s'attribue si peu la toute-science et l'empire, qu'il déclare à ses disciples ne pas connaître l'heure où les grandes choses qu'il annonce, arriveront, et qu'il n'est aussi qu'au pouvoir de son Père d'assigner les places dans son royaume. C'est ainsi que partout et toujours on retrouve. l'homme à côté du Fils de Dieu. Le Fils de Dieu et le fils: de l'homme sont intimement unis dans une seule et même personne; mais nous ignorons le comment, nous qui ne

savons pas même comment nous sommes unis à notre propre enveloppe terrestre.

C'est l'humanité de J.-C. que nous avons essayé de retracer. C'est cette humanité qui est le beau et attachant modèle que tout chrétien doit s'efforcer de copier de son mieux, d'après la position où la Providence l'a placé, et selon les moyens qu'elle lui a départis. Le Sauveur a invité tous ses disciples à marcher sur ses traces. On n'est chrétien qu'à ce prix, et ce sont des chrétiens que nous voulons former dans nos élèves. Avons-nous tort?

« Mais ayant des élèves de huit à douze ans à former par » le Cours de langue, ne conviendrait-il pas de choisir un >> modèle qui fût plus à leur portée ? »

Nous savons bien que leur esprit ne sera pas assez développé pour se représenter les grandeurs de J.-C., comme ils le pourront plus tard avec plus de maturité et de culture; mais ils s'en feront pourtant une idée juste quoique imparfaite, et cela suffit à leur âge. Le fondement sera posé, et la direction sera donnée. Peut-on demander davantage? Non, nous ne prétendons pas former, comme par enchantement, des images vivantes du divin Sauveur. Nous nous contenterons d'avoir ébauché en eux les nobles affections qui l'animaient. Le modèle que nous leur proposerons est parfait. Or cela doit être; car que deviendrait l'imitation, si on leur présentait un modèle défectueux?

<<< Dans tous les arts, a fort bien dit Winckelmann, il >> faut toujours donner le plus haut ton, attendu que la » corde baisse toujours d'elle-même'. » L'éducation, qui est le premier des arts, ne doit-elle pas avant tous les autres s'attacher à cette règle?

Dans les arts on ne se borne pas à donner des principes aux élèves. Qu'en feraient-ils? Ils n'en saisiraient pas la portée, ou bien ils ne les comprendraient pas du tout. On leur met de bons modèles sous les yeux pour les faire imiter de mieux en mieux. Et nous aussi nous mettrons un exemple devant la jeunesse, et un exemple aussi inspirant 1 Winckelmann, Histoire de l'art.

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