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voir, ses paroles ne sont plus des paroles comme les nôtres; elles sont évidemment des oracles du Ciel. De tout temps les incrédules ont senti la simplicité, la justesse et la force invincible de ces déductions de la droite raison, et pour leur échapper ils n'ont trouvé d'autre moyen que de nier la vérité des faits. Et pourtant ces faits n'ont pas seulement la foi des chrétiens pour eux, mais encore le témoignage de la contre-partie, celui des persécuteurs de J.-C., qui les ont transmis à leur incrédule postérité, en leur répétant que le Nazaréen avait fait toutes ses merveilles à l'aide du prince des démons.

Les enfants aiment le merveilleux. Cependant ce n'est pas pour flatter ce goût que le Cours de langue mentionnera les guérisons miraculeuses du Sauveur, mais pour donner à sa personne et à sa doctrine une autorité supérieure. Je sais bien que les parfaits dans la foi, comme l'apôtre les appelle, n'en ont plus besoin pour s'attacher au divin Maître. Ils ont d'un côté les nobles inspirations de la nature humaine, et de l'autre la doctrine, le caractère et l'œuvre sublime du grand personnage : cela leur suffit. Mais nous n'avons devant nous que des enfants encore peu cultivés, tout à fait semblables aux premiers disciples du Sauveur, et qu'il faut aussi lui amener par des faits qui frappent les yeux et l'esprit, jusqu'à ce que leurs facultés intellectuelles et morales soient assez développées pour s'élever plus haut. Voilà notre intention. Nous ne négligerons pas pour cela de fonder en raison les vérités évangéliques: car il ne s'agit pas de produire une foi aveugle dans nos élèves, mais une foi raisonnable, telle que l'Évangile l'exige. Ne sait-on pas que les apôtres étaient tout disposés à croire leur bon maître sur parole, sans prendre la peine de comprendre ses leçons? Mais ce maître raisonne toujours avec eux; toujours il en appelle aux autorités qu'ils portent en eux-mêmes, et toujours il les renvoie au spectacle de la nature, pour qu'ils y lisent les pensées et les desseins du Créateur, ou qu'ils y voient les symboles de sa doctrine. Vous trouverez dans un seul

évangéliste uné centaine de semblables renvois. Vous y lirez aussi cette plainte adressée aux douze : « Eh quoi! » vous aussi vous êtes encore sans intelligence? » Tant il était éloigné de demander une foi aveugle et servile dans ses disciples.

Le Cours de langue parlera aussi du généreux sacrifice que le Sauveur nous a fait de sa vie ; mais il ne le laissera pas dans le tombeau, puisqu'au troisième jour il en est sorti triomphant. L'Église chrétienne est la preuve visible et majestueuse de cette résurrection, sans laquelle le christianisme n'eût été qu'un petit météore de quelques jours en Palestine, inaperçu du monde, et sans conséquences pour lui. La résurrection du Sauveur est le sceau de sa mission et de sa doctrine. Elle est en même temps le gage sensible de la vie qui nous attend au delà du tombeau, et de plus elle en est l'image. Et comment ne pas en parler à une jeunesse qui connaît le symbole chrétien, qui célèbre avec nous la fête de la résurrection, qui mourra, et qui pourtant ambitionne de vivre à jamais? Nous lui en parlerons, et c'est à l'enseignement de l'apôtre1 que nous emprunterons sur ce point ce qu'il convient de dire à nos élèves.

La morale de l'enfance. Nous voici arrivés au dernier objet qui entrera dans le Cours de langue. Nous l'appelons le dernier, parce que dans notre énumération il ne paraît qu'à la suite de tous les autres, tandis que dans la réalité il s'étendra du commencement à la fin de nos leçons. Comme il ne s'agit pas encore de la culture du cœur, mais seulement de celle de l'esprit, nous n'anticiperons point sur ce qui doit nous occuper plus tard, et nous n'aurons en vue que le développement du jugement moral.

L'animal distingue aussi l'agréable de ce qui ne l'est pas, et l'utile du nuisible, bien que dans une sphère beaucoup plus basse et en même temps beaucoup plus étroite. L'homme seul différencie le bien du mal, l'honnête du déshonnête, le juste de l'injuste. Par là il est tout à la fois citoyen de deux mondes; du monde physique, où l'animal

1 I. Cor. xx.

se remue à ses pieds, et du monde moral, qui n'appartient qu'à lui. La liberté est de même sa propriété exclusive, attendu qu'il n'est donné qu'à lui seul de choisir entre le bien et l'agréable. S'il préfère le bien, il se montre en homme, digne de son rang dans la création, et digne de l'estime de la terre et des cieux. Laisse-t-il le bien pour l'agréable? il n'agit qu'en animal; mais avec la différence que celui-ci n'est pas coupable, tandis que l'homme dégradé sera tôt ou tard forcé de se mépriser et de se condamner lui-même. Le Cours de langue aura soin de porter ces pensées à la connaissance de ses élèves.

Nous avons vu plus haut que c'est d'après le grand principe rationnel de l'harmonie que nous distinguons le bien moral de son opposé. Nous jugeons bonne toute action qui, indépendamment de ce qui peut en résulter d'agréable pour nous, correspond aux rapports que nous soutenons avec son objet. Au contraire elle est mauvaise et répréhensible si, considérée en elle-même, elle blesse ces rapports. Cette pensée abstraite appartient à la science. Elle est au-dessus de la portée de l'enfance, et n'est pas faite pour entrer dans sa morale. Il suffit que l'instituteur la connaisse, et avec elle le grand ressort qu'il doit mettre en activité pour faire parler la conscience dans ses élèves. Elle parlera bien certainement et d'après le même principe, soit que d'un précepte général vous leur fassiez déduire des conséquences particulières, soit encore que vous leur donniez des idées claires et précises des rapports qui existent entre eux et leurs parents, par exemple, leurs frères et sœurs, etc., pour leur faire juger de la moralité de telle ou telle autre action. Et c'est là ce que le Cours de langue ne négligera pas.

Il s'appliquera encore à obtenir deux résultats. L'un est que le jugement moral des élèves ne se borne pas au bien et au mal qui tombent sous les sens; mais que, pénétrant jusqu'à la source, il aille saisir ce que le cœur dit tout bas, s'introduisant ainsi dans le monde des esprits, au lieu de s'arrêter au mouvement des lèvres et des membres,

comme l'aveugle multitude. On sait que la morale chrétienne s'adresse à l'intérieur de 1 homme, et c'est elle que nous destinons à nos écoliers. Nous chercherons aussi à exciter en eux les grandes idées de mérite, de récompenses ou de punitions proportionnées d'après la règle de l'éternelle justice. Ceci nous mènera tout droit à l'immortalité de l'âme, à la rétribution qui ne peut avoir lieu qu'au delà du tombeau, ainsi qu'au Juge suprême, qui fera justice dans sa famille. Nous en parlerons plus tard.

§ II. Convenance de l'instruction ébauchée.

Ainsi l'instruction que nous destinons au Cours de langue nous fournira les objets suivants : l'homme comme noble esprit servi par des organes, puis la famille, la société et la patrie, le genre humain composé de peuples nombreux et divers, la nature et ses merveilles, le Créateur et le Maître de l'univers, la vie de l'homme au delà du tombeau, le Sauveur des hommes, la morale de l'enfance.

Les esprits réfléchis verront au premier coup d'œil que tous ces objets forment dans leur réunion un seul corps de doctrine, où tout se lie, où tout se prête un jour mutuel, et se complète réciproquement. Cet ensemble contraste fortement avec les milliers d'exemples répandus dans les grammaires usuelles et leurs appendices; car vous n'y trouverez aucune espèce de plan d'instruction, mais une surprenante bigarrure de pensées de tout genre, prises partout au hasard, sans lien, sans affinité. Cela devait être ainsi, puisque les auteurs ne se sont pas élevés dans leur travail au-dessus des mots et des locutions, comme si la pensée n'était pas l'expression ainsi que la mère du langage. Ce n'est pas là suivre les principes de l'art de l'éducation. Celui-ci exige que les instituteurs tirent d'un seul et même moyen tout le parti qu'il présente, et assurément c'est mettre ce précepte en pratique que de faire d'un Cours de langue maternelle un cours d'instruction qui reprenne et perfectionne les leçons que la mère s'est empressée

de donner à son enfant, en lui mettant la parole sur les lèvres.

Nous n'avons pas du tout pensé donner à nos élèves des connaissances spéciales dans nos leçons. Ce sera assez tôt d'y penser lorsque l'homme aura été longuement et rigoureusement ébauché dans l'enfant de l'un et de l'autre sexe. La jeune fille nous inspire autant, si ce n'est plus, d'intérêt que le jeune garcon, car elle sera mère. Ici cependant nous ne les séparons pas, puisqu'il s'agit de développer l'humanité qui est commune aux deux sexes. Si vous tardez de le faire, vous n'arriverez plus à temps, parce qu'abandonné à son propre choix ou aux inspirations de son voisinage, l'esprit aura pris une autre direction que celle qui doit régler, mûrir et ennoblir ses mouvements pour la vie. N'oublions pas que les impressions reçues dans l'âge tendre deviennent les plus profondes, et que si elles paraissent se perdre quelquefois dans la fougue de la jeunesse et le tumulte des affaires, elles reviennent ordinairement plus tard et reprennent tout leur empire.

Nous avons dans le choix de notre instruction pris l'inverse de ce prétendu système éducatif qui n'a en vue que les intérêts matériels, et qui n'occupe la jeunesse que des moyens d'arriver à la fortune, et par la fortune aux jouissances de toute espèce, sauf à celle que nous donne le sentiment de la dignité humaine et de la vertu alliée à la religion de l'Evangile. Oh! ce n'est pas là éclairer la jeunesse, c'est l'aveugler. Ce n'est pas non plus élever des hommes, mais c'est les dégrader systématiquement et les dépraver, pour leur malheur et celui des personnes qui auront à vivre avec eux.

Il suffit, ce nous semble, d'avoir lu avec réflexion l'exposé de l'instruction que nous destinons au Cours de langue, pour s'être convaincu qu'elle est éminemment appropriée au développement de l'esprit dans l'enfance. Cependant pour ne rien laisser en arrière sur un point de cette importance, nous prendrons l'une après l'autre les facultés intellectuelles, et nous indiquerons rapidement le profit qui leur reviendra de cette instruction.

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