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plus, au milieu de ses enfants, la profonde, sublime et bienfaisante vérité, la mère a constamment dans sa pensée ce premier article du symbole : « Je crois en Dieu, le père >> tout-puissant, créateur du ciel et de la terre. » Cette croyance est ce qu'elle cherche à mettre peu à peu, et aussi bien qu'elle le sait, dans l'âme de ses tendres élèves, en leur montrant le soleil qui nous éclaire, les belles fleurs et les bons fruits que nous ne faisons pas, et les divers animaux qui ont été placés à notre service. Or c'est le même texte que nous aurons devant les yeux; mais notre commentaire sera plus riche, parce que nous le puiserons dans une connaissance de la nature beaucoup plus étendue, et il donnera en même temps une idée et plus grande et plus lumineuse du Créateur et du Père.

Rien n'est plus naturel à l'enfant que de remonter des effets à leurs causes. Ne l'entendez-vous pas demander à toute heure: « D'où vient cela? Qui a fait cela? » Et, si vous lui assignez une cause qu'il ne juge pas proportionnée à l'effet dont il veut connaître l'origine, il rit, ou il s'offense. C'est la nature, c'est la nature humaine qui parle en lui, et elle ne se taira pas à la vue de l'admirable univers, dont vous lui ferez remarquer les merveilles. Vous n'aurez pas besoin de former de longs et savants raisonnements, à la manière de nos écoles, pour le conduire à Dieu; à chaque coup d'œil que vous lui ferez jeter sur quelque merveille de la nature, il se dira sans vous et à l'instant même: « C'est lui. »

L'homme est né croyant, et il reste enraciné dans la foi, tant que son cœur n'est pas gâté par le vice, et que de sa corruption les ténèbres ne s'élèvent pas dans sa pensée, comme nous voyons les brouillards s'échapper des terres fangeuses et obscurcir le ciel. Pourtant l'esprit même peut se troubler, lorsqu'il veut approfondir les choses plus qu'il n'est donné à l'homme de le faire, et qu'il va se perdre dans la subtilité des abstractions que l'on a appelées scientifiques, bien qu'elles ne nous apprennent que peu de chose ou rien.

Je ne puis m'empêcher de rapporter ici une chose bien remarquable dans le domaine de la philosophie. Emmanuel Kant, ce philosophe savant et profond comme il n'en fut guère, s'est laissé aller, par suite d'abstractions outrées, à faire de l'esprit humain le créateur de l'univers. La conclusion toute naturelle était de trouver illégitime cette preuve physique qui de l'univers remonte à son Auteur. Cependant, qui le croirait? Au moment même où le philosophe de Koenigsberg vient, à ce qu'il croyait un moment, de saper cette preuve par ses fondements, il se reprend et nous dit : « Cette preuve méritera toujours » d'être citée avec respect. Elle est la plus ancienne, la » plus claire et la plus proportionnée au sens commun. » Elle anime l'étude de la nature, tout comme elle-même » en tire toujours une nouvelle force, et s'élève jusqu'à » une conviction irrésistible. Il serait donc non-seulement » désolant, mais absolument inutile de vouloir retrancher » quelque chose de l'autorité de cette preuve. Élevée de » plus en plus par des motifs d'expérience qui se multi» plient sous sa main, la raison ne saurait être écrasée par » les doutes d'une spéculation subtile et abstraite, au point » de ne pas sortir comme d'un rêve de sa minutieuse in» décision, dès le moment qu'elle jette un coup d'œil sur >> les merveilles de la nature et la majesté de l'univers. » Ainsi parlait l'humanité dans le philosophe, et lui donnait le démenti. Elle a parlé en lui jusqu'au dernier soupir. Un jour sur la fin de sa vie, on l'entendit s'écrier tout à coup : « Il est un Dieu. » Puis il développa avec vivacité les preuves que présente le spectacle de la nature.

Les enfants ont aussi ce spectacle devant les yeux, et ce sont les pensées de Dieu que nous ferons saisir à nos élèves, en les promenant dans l'immense nature qui est son œuvre; car ce sont ses pensées qui s'y trouvent partout exprimées; les pensées de Celui que les sauvages de l'A

Critique de la raison pure, liv. 11, chap. 2.
HASSE, Derniers entretiens de Kant, p. 26.

mérique appellent le Grand Esprit, en se prosternant, visage contre terre, pour l'adorer. Il n'est donné qu'aux égarements de l'homme de mettre en sa place au-dessus de l'univers les mots vides de hasard, de nécessité, de vie ou d'existence universelles. Il n'est pas plus raisonnable de nommer ici la Nature ou l'ensemble et l'enchaînement de tout ce que nous voyons: car c'est précisément l'origine de l'admirable nature qu'il s'agit d'assigner, et l'esprit qui a la conscience de lui-même, ne la trouve que dans un esprit infiniment plus grand que lui. Mais revenons à nos enfants. Nos statues et nos peintures, et peut-être plus encore nos locutions figurées qui parlent de la main et de l'œil de Dieu, peuvent leur faire croire que lui aussi a des organes semblables aux nôtres; mais il sera aisé de leur faire comprendre qu'un esprit, renfermé dans des limites aussi étroites, ne peut pas faire un monde. Un seul monde au reste, et un seul Dieu sont deux pensées inséparables. Les anciens, qui ont admis un grand nombre de déités, ont toujours placé un Dieu suprême au-dessus d'elles.

Mais ce Dieu suprême n'était pas pour eux le créateur du ciel et de la terre; il n'en était que le grand ordonnateur. La création est un acte de puissance si éloigné de la faiblesse humaine, qu'elle nous paraît incroyable. Et pourtant chacun de nous peut en trouver la preuve en luimême. Il n'a qu'à remonter jusqu'à l'origine de ses pensées, de ses affections, de ses volontés et de ses actes, c'est-à-dire, de sa vie comme esprit, et il verra qu'il a commencé d'être depuis peu, et qu'une puissance créatrice lui a fait don de l'existence. D'un autre côté les corps organiques ne se forment pas non plus, pièce à pièce, comme les œuvres de nos mains. Matière et forme ne peuvent être là que d'un seul jet, et ces corps attestent aussi un Dieu créateur. De là il n'y a qu'un pas jusqu'à la création de l'univers, puisqu'il n'est aussi en son genre qu'une seule unité. C'est ainsi qu'une vérité conduit les autres par la main; et viendra le temps dans l'enseignement de la

langue, où les élèves seront à même de les saisir et de les embrasser avec conviction.

Vraiment << depuis la création du monde, les perfections >> invisibles de Dieu nous sont devenues visibles par la >> connaissance que ses créatures nous en donnent1. » D'abord l'immensité de l'univers nous fait comme toucher au doigt sa toute-puissance et sa toute-science: car pour tout faire il faut tout connaître, et avoir puissance sur tout. Dès lors tout dépend de lui dans son œuvre, et lui ne dépend de rien. Tout a besoin de lui, « il n'a besoin de » personne, puisque c'est lui qui donne à tous la vie, la » respiration et toutes choses'. »Il n'est donc pas créateur par intérêt, il ne l'est que par pure bonté, et il est notre père, mais un père à qui rien ne peut être comparé parmi ses faibles créatures qui se lassent, et s'irritent, tandis que le Père céleste fait chaque jour lever son soleil sur les ingrats comme sur les reconnaissants. Lui au surplus sait faire le bien qu'il nous veut, au delà de toutes nos idées. Est-ce que le dernier brin d'herbe ne nous le dit pas hautement? La charité éternelle est aussi l'éternelle sainteté, ou l'éternel amour de l'ordre. Voyez l'ordre parfait qu'il a établi en grand dans les mouvements du ciel, et en petit sur notre globe. Regardez aussi dans le fond de votre âme, où il a gravé sa loi, la loi de l'harmonie et de l'ordre. Et n'est-ce pas l'être moral à qui il a donné l'empire sur toutes ses créatures vivantes qui remplissent l'air, la terre et les eaux?

Voilà, dans une grossière ébauche, comment l'univers nous retrace son Auteur. Il en est résulté une théologie que je nommerais volontiers la théologie des yeux; et c'est elle que nous ferons entrer dans une instruction qui s'occupera beaucoup du spectacle de la nature. Cette théologie complétera notre enseignement, et lui donnera sa consécration. Le père et la mère paraîtront dans leur ménage comme les anges tutélaires de la jeunesse. Tout Épître aux Romains, V, 20.

2 Actes des Apôtres, XVII, 25.

homme s'ennoblira de la qualité d'enfant de Dieu, et le genre humain deviendra la famille terrestre du Père commun. La société passera ainsi sous la protection du Maître de l'univers, et elle a le plus grand besoin de cette garantie. A défaut du présent, ne nous souvient-il plus de ces furibonds dominateurs d'un grand peuple, qui, tremblant pour leur propre sûreté, ont trouvé nécessaire, comme on l'a dit, de donner publiquement à Dieu un certificat de vie, et à l'homme un brevet d'immortalité?

La vie de l'homme au delà du tombeau. Les articles précédents renferment tout ce qui, dans un enseignement raisonné, est nécessaire pour conduire les élèves à une vérité qui n'a pas le témoignage des yeux pour elle (chose impossible ici), mais seulement la foi, qui peut, et qui doit remplacer la vue. Notre instruction sur l'homme, comme on l'avu, établira 1 énorme différence entre l'esprit et ses organes. Ceux-ci se détruisent naturellement par l'usage et par les influences d'alentour. Leur service est nécessaire au noble étranger qui du néant arrive, sans le moindre acquis, dans la vie, et doit commencer par s'y développer. Les organes le servent admirablement à son début; plus tard ils lui deviennent onéreux, et entravent son activité et ses progrès. Voilà ce qui peut être mis à la portée de la jeunesse, et par là on la prépare à croiré à l'immortalité de l'âme.

D'un autre côté l'instruction que nous lui destinons, lui parle de ces nombreuses populations que l'œil nu ne voit pas, et qu'il ne découvre qu'à l'aide du microscope. Elle lui parle aussi de ces puissances qui ne se manifestent que par leurs effets, qui pénètrent et dominent tout le monde visible. Enfin elle lui parle encore de l'Auteur de toutes choses, du grand esprit, présent partout par sa pensée et par sa puissance, et qui pourtant échappe à tous les regards. Voilà encore des antécédents qui disposent la jeune intelligence à ne point se rapporter au témoignage des sens, comme unique juge de ce qui est, ou de ce qui n'est pas. Ainsi préparée, elle sourirait, si quelqu'un ve

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