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soin désormais pour se représenter la terre et le genre humain qui l'habite. Avec ces connaissances préliminaires il passera aisément du connu à l'inconnu, et du petit au grand. Il faut commencer cette instruction sur le terrain même, pour en faire observer les objets en nature; après on les remplacera par un plan topographique qui représentera en petit les localités que l'œil aura saisies, et qui se seront dessinées sur la toile intérieure qui conserve les images et leurs couleurs. De ce plan l'enfant n'a plus qu'un pas à faire jusqu'aux cartes géographiques, à la mappemonde et au globe. Si vous y arrivez brusquement sans cette introduction, vous ne commencez pas par le commencement, et l'enfant aura de la peine à lire même la carte de sa patrie. Si les élèves n'arrivent pas au cours de langue avec ces éléments de géographie en grand, je dois supposer qu'ils les recevront sans retard à côté de l'instruction grammaticale. J'y compte, et je vais indiquer le parti que celle-ci en retirera, et l'instruction qu'elle y trouvera renfermée.

La patrie et la terre, la nation et le genre humain, voilà deux points importants que le Cours de langue mettra fréquemment devant la pensée et dans l'âme de ses jeunes écoliers. Ceux-ci ont leur patrie où la Providence a placé leur berceau; par là même ils ont été incorporés à un peuple à l'exclusion de tout autre. Ce peuple et cette patrie les touchent de très-près et immédiatement; ils ont reçu de tous deux d'incalculables bienfaits qu'ils n'ont pas reçus d'une autre nation ou d'un autre pays. Le Cours de langue proclamera donc ici la vérité, comme sur tous les autres sujets de son instruction. Il se gardera bien de vouloir transformer ses élèves en cette vile espèce de vaniteux cosmopolites qui, sous prétexte de vivre en habitants de tout le globe et en membres de toute l'espèce humaine, abjurent leur patrie et leur nation, malheureusement pour déshonorer la terre et l'humanité par leur froid et sauvage égoïsme.

Cependant tout en donnant à la patrie et à ses enfants

le privilége qui leur revient à tous égards, nous prémunirons la jeunesse contre ce prétendu patriotisme qui ne sent rien pour le genre humain, qui méprise tous les peuples, et qui est disposé à les immoler tous aux intérêts d'un seul, et même à sa vanité. Toutes les nations paraîtront dans notre Cours de langue comme autant de sœurs de même nature et de même origine, ayant toutes la même vocation, les mêmes droits, et les mêmes devoirs à remplir les unes envers les autres, sur le même globe, et sous le même ciel étoilé. Loin de repousser avec dédain les hordes sauvages qui se promènent encore au pied des Andes ou sur les rivages de la Nouvelle-Hollande, ou bien celles qui séjournent stupidement dans leurs krals sans s'être encore élevées à la dignité humaine, nous les plaindrons, et nous ferons des vœux pour elles. Il y aura d'ailleurs l'antique hospitalité à louer chez ceux que nous appelons barbares. Nous aurons soin de faire envisager un frère dans l'étranger, et nous tâcherons qu'à son aspect l'enfant se dise en son âme ces belles paroles : « Je suis homme, et rien d'humain ne m'est étranger. »

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La nature et ses merveilles. L'enseignement de la langue ne saurait comprendre des cours, même très-élémentaires, d'histoire naturelle, d'astronomie et de physique. Nous supposerons aussi qu'ils auront précédé nos leçons, ou qu'ils les accompagneront, comme il vient d'être dit touchant la géographie. Le Cours de langue ne peut que glaner dans cet immense champ, et il le fera dans son intérêt sous une multitude de rapports. Nous en relèverons ici quelques-uns, nous réservant d'en indiquer d'autres plus tard.

La nature qui nous environne de toutes parts, et qui fournit sans cesse à nos plaisirs comme à nos besoins, joue un grand rôle dans le langage, ainsi que dans nos pensées. Voilà donc notre enseignement dans le devoir de s'en occuper beaucoup, ne fût-ce que pour familiariser les enfants avec les expressions qui se rapportent à ce grand sujet. N'est-il pas bien étrange que les grammai

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riens aient cru pouvoir apprendre la langue aux enfants sans leur en fournir le matériel?

Notre enseignement, si différent des grammaires d'usage, exige un vaste matériel pour se développer, depuis le nom mis en accord avec son article et son adjectif, à travers la longue série des propositions et des phrases. Dès lors pourrait-il refuser celui que le spectacle de la nature vient offrir à son choix avec tant de profusion? Certainement il n'en est pas de plus intéressant et de plus instructif pour l'enfance, dès qu'on a su la rendre attentive aux beautés, aux merveilles, aux grandeurs de la terre et des cieux. La nature est l'école du genre humain. Elle ouvre notre esprit aux belles et grandes choses, et peut le nourrir dignement. C'est à cette école que nous avons puisé tout notre savoir, bien qu'après des siècles et des siècles de recherches et de découvertes, nous n'en soyons encore qu'aux premiers éléments, et que ceux-ci se soient tellement étendus que la vie d'un homme ne suffit plus pour se les approprier tous.

Ainsi le Cours de langue mettra aussi le spectacle de la nature sous les yeux des élèves. Toutefois il laissera à des lectures qui l'auront précédé, ou qui l'accompagneront, le soin de faire à ce sujet ce que nous venons de demander en faveur de la géographie, et il puisera dans cette source ce qui lui conviendra. Pour les enfants que l'on a négligé d'instruire, la terre n'est qu'une surface raboteuse coupée d'eaux, et le ciel n'est, à peu de distance de la terre, qu'un plafond bleu où s'allument la nuit quelques lampions étincelants. Tel est leur monde, tel est leur univers. Nous agrandirons toutes ces mesquines idées. Sans vouloir en faire des astronomes, ce qui serait prendre bien mal notre temps, nous aussi nous leur donnerons quelque connaissance du ciel, de la multitude des astres, de leurs diversités, de leurs distances, de leurs masses énormes, de la stabilité des uns, du mouvement des autres, de la régularité et de l'harmonie parfaite de cette armée céleste disséminée dans l'immensité de l'espace.

Sur la terre il y aura les végétaux les plus remarquables des divers climats à signaler, leur structure, leurs beautés et leurs usages, puis leur propagation que les vents et les oiseaux effectuent en partie. Nous jetterons aussi un coup d'œil sous la riante pelouse, dans les entrailles de la terre, pour indiquer les sources et les richesses minérales que la Providence y a enfouies, afin de ne pas entraver notre marche et nos travaux.

Nous toucherons en passant ce que la zoologie offre de plus remarquable, d'un pôle à l'autre, sur la terre et dans les eaux. Les animaux microscopiques ne seront pas passés sous silence; car il faut bien que les enfants sachent à quel point la vie est répandue partout, et qu'elle se trouve sous toutes les grandeurs comme sous toutes les formes. Dans notre extrait zoologique les admirables instincts des animaux auront leur place; mais nous leur opposerons quelque chose de plus admirable encore, l'intelligence humaine et l'empire qui lui a été donné sur les êtres vivants, mais dénués de raison. Nous n'oublierons pas l'un de ses priviléges, l'usage du feu, confié à lui seul, et refusé à tout ce qui vit autour de lui. Nous tâcherons d'effacer ainsi jusqu'à sa dernière trace l'outrage sanglant que lui ont fait sans pudeur certains naturalistes, en le rangeant parmi les bêtes à deux mains.

Le monde qui tombe sous nos sens, est plongé dans un autre monde qui échappe aux enfants, et c'est pourtant cet autre monde qui régit le monde visible. Il se compose de puissances toujours actives qui enveloppent tout, pénètrent partout, agissent partout, et produisent la scène mouvante qui nous étonne et nous charme. La physique nous nomme dans ce monde caché la lumière, le calorique, l'attraction, l'électricité, etc., et ne sait pas trop combien d'agents secrets elle doit admettre pour rendre compte des effets manifestes qu'elle observe. Ces discussions savantes ne sont pas faites pour nos enfants, et nous nous en tiendrons à ce qui peut être mis à leur faible portée. Mais puisque nous voulons leur parler de la nature,

pourrions-nous passer entièrement sous silence ce qu'elle a de plus surprenant? Non; nous leur en dirons aussi quelque chose, et ce sera jeter de la sorte un pont du monde des corps au monde des esprits, et leur rendre plus facile le passage de l'un à l'autre. Le monde microscopique nous aidera aussi sur ce point. L'homme n'est encore qu'une brute tant qu'il ne s'est pas élevé au-dessus de la grossière région des sens.

Nous toucherons aussi dans notre instruction les principaux phénomènes de la nature, l'échelle des êtres divers, les liens qui les unissent, ainsi que la simplicité et l'économie qui partout se rencontrent avec la richesse et la magnificence. D'un autre côté il y a dans la nature des mystères incompréhensibles pour nous, il y a même des désordres apparents. Ces désordres et ces mystères n'existent que pour notre faible intelligence qui ne saurait embrasser l'immense enchaînement de l'univers. A cet égard nous habituerons nos élèves à se dire modestement comme Socrate, à qui l'on avait remis un ouvrage très-savant : « Ce que je comprends, est parfait; et ce que je ne comprends pas, doit l'être davantage. »

Le Créateur et le Maître de l'univers. Puisque l'instruction embrassée dans le Cours de langue prendra à tâche de faire saisir vivement aux jeunes élèves les beautés, les grandeurs et les merveilles de l'univers, elle ne fera pas son travail à demi, montrant l'œuvre admirable sans parler de son Auteur. Bien loin de là, elle aura soin de se mettre aussi à cet égard en bonne harmonie avec la première maîtresse de langue, et de compléter ce qu'elle a commencé. Nous avons précédemment justifié son empres sement religieux, qu'une certaine pédagogie a taxé de précipitation et d'imprudence. C'était là prévenir les reproches que l'on pourrait nous adresser ici, à nous qui pensons renchérir sur elle, et mettre de la réflexion et de l'art, où elle n'a suivi que les impulsions de son cœur maternel.

Élevée dans la foi chrétienne, dont elle sent de plus en

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