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sent entièrement sur l'Autriche, qu'ils s'occupent uniquement de la Suisse, qu'il y a peut-être quelque intelligence de généraux, quelque Pichegrurie, vraie ou fausse, pour laquelle on te prend tes correspondances; que pour l'Ouest on en est fatigué, qu'on s'en occupe et s'en soucie peu, mais qu'un grain de plus dans la balance nous la ferait emporter. Un signe du gouvernement anglais, un mot de Pichegru peut-être ou de Barthélemy nous mettrait dans la position où le Roi devait être le premier et employer toutes ses forces à nous pousser, et plus il aurait eu la main forcée, plus cette position deviendrait belle, solide et utile. Il faut donc tâcher de se rapprocher de Pichegru, de B., de Mallet du Pan, que sais-je? du diable s'il est écouté du gouvernement, ou bien nous serons oubliés, mis de côté, parce que nous n'avons pas assez de consistance ni de loquèle et qu'on ne nous aime pas beaucoup. L'installation de L., si elle est prompte, peut être un grand moyen de succès. Si nous ne parvenons pas à nous faire étayer par le gouvernement, il ne reste plus qu'à s'annuler entièrement ou à voir ce que nous pouvons par nousmêmes. Il est vraisemblable que la Suisse ouvrira la scène intérieure au printemps ou avant, qu'elle entraînera l'Est et le Midi et attirera sur elle toutes les forces. Il faut calculer si, sans le secours étranger, nous ne pouvons pas aller préparer quelque impromptu de notre façon. Combine cela toi seul ou avec les autres; je ne te répète pas de compter sur moi; j'avoue que j'ai la vengeance dans le cœur et nous n'avons qu'une seule manière de nous venger, c'est de servir malgré eux. Tu sens que je n'ai pas parlé de démission ni de mécontentement. Je n'ai parlé que du mien public et particulier, et pour les démissions, on en eût été fâché, mais on les eût acceptées, et il valait mieux vous laisser le choix1. »

D'Avaray et La Chapelle écrivaient de leur côté à Frotté (11 et 12 septembre) pour tâcher d'atténuer l'effet de l'accueil fait à ses amis, l'engager à prendre patience et l'assurer de la confiance persistante du Roi. La Chapelle ajoutait : « La situation de l'intérieur demande peutêtre qu'on attende des circonstances plus favorables au développement des royalistes... L'argent manque... Le gouvernement britannique peut seul en donner... Mieux vaudrait peut-être que Monsieur en demandât... Le Roi n'en a pas plus que lui... C'est de lui que vous tenez vos pouvoirs... Il a tous ceux du Roi pour les affaires de l'Ouest... »

VIII

FROTTE ÉCRIVAIN. (T. II, p. 184.)

Résumé de trois mois d'observations sur un sujet important sur lequel je n'ai de preuves certaines qu'une suite de données que je me suis appliqué à rapprocher.

«Barras et Bonaparte peuvent être les sauveurs de la France; peutêtre le seront-ils, et s'ils ne le sont pas, ils périront.

1 Brouillon aut., s. n. n. d. ; 12 p. in-4o, (Arch. de M. le duc de La Trémoille.)

« Barras et Bonaparte sont nés gentilshommes et en ont l'éducation, les principes, les préjugés.

«Le dérangement, peu de moralité, le mécontentement et la crainte de végéter dans la foule sans parvenir, les ont lancés dans la carrière de la Révolution plus sûrement que les principes et le fanatisme républicain, et l'on pourrait en dire de même de bien d'autres.

« Une fois lancés dans ce nouvel ordre de choses dont ils pouvaient et avaient effectivement beaucoup à espérer, n'ayant rien à regretter dans l'ancien, et le peu qu'ils avaient fait ajoutant encore à la crainte qu'ils avaient de le voir revenir, ils ont tout fait, tout sacrifié pour faire réussir la Révolution en France, et tout pour se maintenir et parvenir au milieu de cette Révolution, qui, outre le nombre immense de victimes innocentes qu'elle a fait périr, a dévoré la plupart de ceux à qui elle a dû son développement. Barras et Bonaparte, dans la carrière qu'ils ont parcourue, ont successivement mérité de grands reproches, se sont rendus coupables de bien des crimes aux yeux de ceux qui ne suivaient pas la même route, et en examinant leur conduite avec les yeux de la loyauté, de l'honneur, de l'humanité et de la droiture, elle inspirerait souvent l'indignation; mais cette conduite observée politi. quement, ce ne sont que des hommes dont les passions, la chaleur du sang, l'absence de tout principe, les talents et le courage ont employé tous les moyens sans scrupuie pour faire triompher le parti qu'ils avaient embrassé, conserver leur existence au milieu de toutes les différentes crises qui ont eu lieu et rendre victime tout ce qui pouvait leur faire craindre de l'être ou les empêcher de suivre leur marche pour arriver aux premières places; car il est à remarquer que jamais ces deux hommes n'ont oublié ce qu'ils étaient nés, et qu'en prêchant l'égalité, ils auraient souffert difficilement de ne rester que les égaux d'un sans-culotte obscur. Barras a souvent rougi même de ses collègues les Directeurs, et les regardant du haut de sa grandeur, leur eût marqué un grand mépris s'il eût osé, et Bonaparte, à la tête de son armée, a déployé autant de fierté et de hauteur que de bonheur, de courage et de talents...

« Madame de Beauharnais, jadis femme de la cour, galante, agréable, beaucoup d'esprit, devenue républicaine, a été tour à tour la maitresse du Directeur qui lui rappelait plus le ton de ses autres ainants, et pour avoir un état dans le nouvel État, épousa un jeune général qui promettait beaucoup et qui a tenu davantage, car, lorsqu'il épousa sa femme, à l'instant de se mettre à la tête de son armée, il disait : « Je a me ferai tuer si je ne réussis pas d'abord, mais si j'ai les premiers suc« cès, j'irai plus loin qu'on ne pense. »

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Madame de Beauharnais resta auprès de Barras et devint le lien commun qui resserrait leur intimité. Ce point de contact devait les brouiller ou les unir davantage...

« Je voudrais lui demander à elle-même (et qu'elle pût me répondre avec franchise) i, d'après ses premières habitudes et son intimité dans

ce nouvel ordre de choses avec les deux premiers hommes de l'État, si. elle est vraiment républicaine par principes? Si elle ne sait pas apprécier la valeur de ce mot dont on s'est servi pour faire changer de rôle à tout le monde? Si elle ne méprise pas les échelons qui ont servi à l'élévation de ses amis? Si elle ne serait pas humiliée de la société et de la familiarité de toutes les femmes, obscures jadis, qui portent des diamants aujourd'hui? Si elle ne préférerait pas la société de femmes comme elle et d'hommes bien nés, pourvu qu'elle y conservât une espèce de primauté, par le rang, les richesses et une célébrité qui lui en attirerait les hommages et la reconnaissance, que celle de monsieur et madame La Révellière et compagnie? Je lui demanderais si elle croit à une stabilité quelconque dans sa position et celle de ses amis? Si c'est par goût ou par une malheureuse nécessité, pour acquérir et conserver, qu'elle a vu, approuvé et désiré tant de crimes? Et je suis persuadé que ses réponses seraient peu faites pour lui mériter la couronne civique. Elle peut bien être l'ennemie des royalistes, mais elle est sûrement bien une véritable aristocrate, dans la véritable acception de ce

mot.

« Et les mêmes questions à Barras et à Bonaparte produiraient le mên e résultat à peu près, s'ils faisaient leurs réponses au milieu du palais de la Vérité. L'on peut ce pendant faire une grande différence entre ces deux personnages. Le premier paraît plus puissant et bien plus coupable; le second n'est cependant pas moins redoutable à la liberté chimérique des Français et s'est couvert de gloire. Le premier a fait couler le sang par la guillotine, et le second ne l'a guère fait répandre que dans les batailles. Cependant, depuis qu'ils sont parvenus à une certaine élévation, on ne peut leur reprocher ni à l'un ņi à l'autre d'avoir fait verser le sang, lorsque cela n'a pas été nécessaire à leur existence personnelle et politique. Et l'on pourrait citer d'eux beaucoup de traits de générosité, d'humanité et de noblesse vis-à-vis de particuliers, leurs ennemis comme émigrés, qu'ils ont protégés, sauvés, substantés (sic), et dont ils ont même de quelques-uns d'eux fait leurs amis.

« Un fait assez particulier, c'est que ni l'un ni l'autre n'ont jamais voulu, dans leur grande fortune, faire acquisition de biens appartenant à des émigrés, ce que je puis avérer... »

Longue énumération des services rendus et des gages donnés par Barras et Bonaparte à la cause de la République.

« Je m'arrête sur cet objet, bien qu'il y ait encore beaucoup de choses qui peuvent être dites en faveur du républicanisme de Bonaparte, ne fût-ce qu'il est trop grand, qu'il a trop acquis de gloire pour vouloir servir jamais un maître. Et l'on peut ajouter encore que dans le cas même où Barras et Bonaparte ne seraient pas républicains dans l'âme, sentant bien que ni l'un ni l'autre ne peut être roi, il est de leur intérêt de s'opposer vigoureusement à ce qu'il y en ait jamais un en France, car l'y appelleraient-ils eux-mêmes, il ne serait jamais assez

puissant pour les récompenser; car qui peut les élever plus qu'ils ne sont et leur donner plus qu'ils n'ont?

« A tout cela, d'après mes observations préliminaires et une foule d'autres que je pourrais appuyer de réflexions sur la nature des hommes du caractère de ceux dont je parle, je me bornerai à consigner ici sur quoi je fonde mes espérances de voir Barras et Bonaparte les sauveurs de la France... "

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« Les hommes en société forment une grande famille dont l'harmonie ne peut exister et contribuer au bonheur de tous, qu'autant que chaque individu remplit les devoirs qui lui sont imposés par la place qu'il y

occupe.

«Chaque homme en naissant contracte des obligations envers la société. Plus il y est placé dans une situation élevée, plus il a de devoirs à remplir. La considération, les richesses, la vanité satisfaite, la gloire, les préjugés attachés aux titres et aux distinctions sont le salaire des grands pour le travail difficile dont ils doivent s'occuper de faire le bonheur des petits qui ne jouissent pas de ces avantages toujours enviés, mais sans lesquels ils peuvent être heureux, lorsque les uns et les autres remplissent les devoirs de l'état où ils sont placés.

« Les hommes sont partagés en deux classes, les gouvernants et les gouvernés. Il n'est pas dans la nature humaine d'être parfaite sur rien. Quelque justes que puissent être les gouvernants, le jeu des passions leur fait toujours quelques ennemis parmi les gouvernés, et quelque soumis et dociles que puissent être ceux-ci, quelques-uns d'eux peuvent avoir sujet de se plaindre des premiers; si la perfection ne peut exister, l'homme doit désirer s'en approcher; mais il doit réfléchir que la plupart des malheurs du genre humain viennent de ce que l'on se trompe sur les moyens d'y parvenir...

Chaque position dans la vie a ses avantages et ses inconvénients à peu près compensés, lorsque chacun est bien pénétré du principe qu'il faut savoir se soumettre aux uns pour mériter les autres, et le bonheur de tous doit en résulter.

« Le sort des grands est souvent envié par les petits, parce que ceux-ci ne calculent que l'éclat qui les frappe, sans penser à tout ce qu'il en coûte pour l'acquérir, le mériter et le conserver avec l'estime des autres et de soi-même. S'ils réfléchissaient bien, il n'y aurait que des fous, des fripons ou des hommes très-supérieurs en génie qui solliciteraient des places élevées, les premiers par Iprésomption, les seconds par intérêt, les troisièmes pour le bonheur des autres; et dans cette dernière classe seule l'on en trouverait qui désireraient la vie paisible du laboureur, parce que dans un poste éminent, celui qui en rem

plit les devoirs sacrifie son repos, ses goûts, son bonheur même au bonheur de tous.

"

« Les liens des hommes en société ne sont formés que des besoins mutuels qu'ils ont les uns des autres en raison de leur état...

« Il n'est sûrement pas d'idée et de vérité plus consolante

que celle de l'immortalité de l'âme. Celui qui s'en est bien pénétré, se met facilement au-dessus des malheurs passagers causés par l'infortune, l'injustice des homines, toutes les misères de la vie, et de la mort même...

« Quand on a beaucoup d'esprit et d'activité, mais aucun véritable principe des vertus, et qu'on ne trouve rien de sacré pour réussir, il est facile d'obtenir la faveur d'un prince, mais difficile de la conserver, à moins lui-même ne soit faible ou corrompu...

que

« L'esprit sans solidité et jugement dans les gouvernants est toujours dangereux pour les gouvernés...

« L'amitié, le plus grand de tous les biens, est difficile à rencontrer. Les passions, les faiblesses, mille incertitudes la dérangent ou la refroidissent. L'on s'aime généralement trop soi-même pour bien aimer son ami, et entre deux êtres unis par l'amitié, il n'y a jamais parité de sentiment. L'un aime, et l'autre se laisse aimer...

« Il ne suffit pas toujours d'aimer la vertu, mais pour la pratiquer utilement, il faudrait en avoir assez pour savoir supporter les vices et les défauts des autres hommes lorsqu'on ne peut les changer ...

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« Les détails contenus dans votre lettre du 23 de ce mois, Monsieur, m'ont fait une impression d'autant plus profonde, que je sais apprécier le courageux dévouement de M. le chevalier de Mandat et que je connois tout le bien qu'il faisoit en Normandie. Je déplore avec vous le malheur d'un aussi bon serviteur du Roy, ainsi que celui des officiers qui, en partageant ses travaux, ont aussi partagé son funeste sort. Je ne puis qu'approuver les mesures aussi sages que promptes que vous avés prises, et les instructions que vous avés données, pour tâcher de les sauver, et j'aime à me persuader qu'elles ne seront pas sans efficacité. Les précautions que vous avés adoptées pour M. le vicomte de Oilliamson et les autres officiers les plus exposés, me paroissent égale

Arch, de madame la comtesse H. de Frotté.

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