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Au vicomte de Chambray.

1er août 1796.

« Enfin, mon cher vicomte, je puis vous envoyer encore un de nos amis (Mandat), qui vous remettra des fonds pour le parti que nous servons l'un et l'autre et pour lequel, quelque événement qui puisse arriver, nous serons toujours également dévoués. Notre ami vous remettra de plus le fidèle tableau de la position actuelle des choses et les moyens de toucher deux mille louis sur la présentation de la quittance incluse. Cette somme, jointe à celle dont il est porteur, vous mettra à même : 1o de continuer à vous approvisionner d'armes et de munitions; 2o de nous acheter des grains et en fournir les pays qui en sont dépourvus, tant pour aider à faire subsister les chasseurs et même les familles qui ne pourraient le faire sans ce secours, que pour nous en approvisionner dans chaque division pour l'avenir; 3° pour solder les correspondants des villes, agents, espions, etc., etc., dont il est possible d'augmenter le nombre dans ce moment de tranquillité; 4° pour former et entretenir des maisons de correspondance avec des hommes toujours prêts à partir sur les routes du Havre et de Rouen; 5° pour faire mouvoir tous les moyens à votre disposition et à celle de nos amis, afin d'influer sur les élections qui doivent se faire et l'organisation du pouvoir constituant, où il est essentiel de faire entrer les plus honnêtes gens, ceux sur lesquels nous pouvons le mieux compter. Pour cela, il faut que les meilleurs royalistes se dévouent et fassent le sacrifice apparent de leur opinion, pour se mettre plus à même de la servir avec fruit. Telles sont, à cet égard, les intentions du Roi et de Monsieur, comme aussi, mon cher vicomte, que vous et tous nos amis cherchiez tous les moyens de se réintégrer dans leurs biens et prérogatives, non pas

pour en conserver la paisible jouissance, mais pour être mieux à même de travailler pour les intérêts de l'autel et du trône. Cependant, si vous vous aperceviez que cela vous fit perdre la confiance de notre parti, alors il faudrait se contenter de prendre les mesures nécessaires pour n'être pas inquiétés personnellement, tant que les circonstances nous forceront de rester dans cet état d'inaction, qu'il faut employer le plus fructueusement possible pour nous fournir les moyens de nous remettre en activité. Mais pour y rentrer dignement, mon cher vicomte, il faut prendre des mesures que nous avions beaucoup trop négligées, celles d'un grand accord parmi tous les vrais Français de l'intérieur et des certitudes avec l'extérieur qui ne nous rendent plus dépendants de leurs intérêts politiques ou de leurs volontés, ni même de leurs fautes politiques ou militaires (je ne prétends parler ici que des étrangers). Il faut donc préparer tous les matériaux avant de recommencer et les avoir à notre disposition... Comme je suis avant tout dévoué aux véritables intérêts du parti qui m'a accordé sa confiance, à ceux du Roi et à celui de la France, je ne veux pas coopérer à servir aucuns autres intérêts. à moins qu'il ne me soit bien démontré qu'ils sont très-effectivement liés avec ceux-là. C'est ainsi, mon cher vicomte, que des Francais comme nous doivent agir. C'est donc d'après ce principe, puisqu'on a cessé de faire la guerre d'action, qu'il faut la faire d'opinion et ne pas recommencer à remettre flamberge en main d'une manière inconsidérée et seulement pour déchirer notre malheureux pays et faire une diversion qui ne serait utile qu'à la politique des autres...

« Je vous prie, d'accord avec le Conseil, de faire la répartition des fonds en raison des besoins de chaque division et de la confiance que méritent tous ceux sur lesquels on peut compter. Il serait bon d'aider la colonne normande, et je crois que notre ami Pascal d'un côté et madame D..., Marie Loisel, pourront y travailler avec succès. Mandat amène un gentilhomme de notre province qui sera intermédiaire entre les commissaires du Roi à Paris et vous. Il en est connu, et était chargé ici de la part du Roi de correspondre avec eux. Il sera également chargé de vous faire compter les fonds du Havre où il se rendra. Je vous prie de lui fournir les moyens de pouvoir, si c'est possible, en faisant sa soumission simulée, rentrer dans ses biens comme officier de l'armée, en nous quittant...

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Aujourd'hui, vous devenez plus essentiel en Normandie que jamais, et loin de vous engager à en sortir, ainsi que nos officiers, je vais prendre des mesures pour faire rentrer en France le plus d'émigrés d'un bon choix que je pourrai. Le Roi et Monsieur, à qui j'ai rendu compte de ma conduite et de celle de mes camarades, et des ordres que je leur avais laissés, m'ont mandé de vous instruire spécialement, ainsi que notre ami Pascal (Placène), qu'ils désirent que vous restiez à votre poste, sous quelque forme que ce puisse être, votre fond étant trop bien connu pour que la forme ne vous en soit que plus avantageuse en raison des sacrifices que vous lui ferez. Ils annoncent le même désir pour

tous les membres du Conseil, chefs de division et officiers. Je vousenvoie ci-joint la croix que Monsieur m'a chargé de vous faire par* venir...

« O mon cher ami, comme nous avons été oubliés, entravés! comme nous eussions été dupes de notre dévouement, si je n'avais pas pris le parti de venir m'éclairer! J'attends du Roi les pouvoirs circonstanciés d'agir en son nom dans toute la province, et à mon retour d'Édimbourg, je vous enverrai des pièces originales pour appuyer vos travaux...

a Soyez mon interprète auprès de tous nos braves camarades, et répétez-leur bien que je tiendrai la parole que je leur ai donnée et que leurs intérêts seuls et ceux du Roi me tiennent momentanément éloigné d'eux. L'arrivée de Griffon et des fonds dont il était porteur a dû leur en donner une preuve; celle de Mandat les en convaincra, et toutes mes démarches pourront les convaincre encore mieux à l'avenir que c'est pour la vie que j'ai lié mes intérêts aux leurs, et que des circonstances aussi impérieuses qu'utiles ont seules pu m'engager à m'en éloigner quelque temps, pour être à même ensuite de me remettre à leur tête avec plus de succès.

« Louis DE FROTTÉ, général en chef de Normandie. »

(Archives de la guerre.)

II

Au prince de Bouillon.

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...

4 novembre 1797. Si l'on veut que les royalistes reprennent les armes, il faut prendre de grandes mesures générales et non partielles. Il faut leur fournir des moyens réels sur lesquels leurs chefs puissent compter, et travailler d'avance à les préparer à reprendre l'offensive partout en même temps. L'expérience du passé doit être une leçon pour l'avenir; mais je vois avec regret qu'on ne s'occupe de notre patrie que d'une manière très-indifférente. J'ai dévoué mon entière existence au service de mon Roi et mon pays, et je me ferai toujours un premier devoir de leur prouver mon zèle quand j'en aurai les moyens; mais quand j'en serai entièrement dénué, que je ne pourrai espérer de produire un bien réel, je crois également de mon devoir d'éclairer mes partisans. C'est ce qu'ils doivent attendre. Je me croirais indigne de la confiance qu'ils m'ont accordée si je ne leur présentais pas la vérité. » 9 décembre. Recommandation instante de faire passer en France, le plus tôt possible, le chevalier de Marguerye et son compagnon. « Il faut que M. de Puisaye ait été bien trompé sur le compte de M. de La Fruglaye, mais la loyauté si bien connue de l'accusé fait tomber l'accusation d'elle-même, surtout près de vous, qui avez été à même de le juger et d'apprécier son attachement pour vous et son dévouement sans bornes comme sans reproches à la cause que nous servons tous... Les faux rapports, les petites passions particulières et les

intrigants peuvent faire bien du tort à la marche de nos affaires, en cherchant à éloigner les gens d'honneur, mais ils ne peuvent leur nuire personnellement, parce que leurs faits parlent pour eux... »

6 janvier 1797. Envoi de Médavy, auquel, sur la recommandation de Frotté, le gouvernement a accordé un passe-port pour la France. J'espère qu'il ne vous donnera pas les mêmes sujets de mécontentement que ces jeunes gens, dont je vous prie d'oublier les inconséquences.

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« M. d'Hugon part avec lui et M. de La Chapelle (s'il le mène), et un ou deux camarades à son choix.

« Les choses tournent bien en France. Le système auquel on s'attache à présent, s'il est suivi avec une sûre discrétion et persévérance, peut nous offrir d'heureux résultats, qu'il faudra toujours finir par appuyer par des coups de fusil; mais alors, on aura moyen de les tirer avec plus de succès que par le passé....... »

Il ne donne pas d'instructions à Médavy.

« Nous ne savons pas ce que l'on fera, tout dépendant des circonstances et des moyens qu'on nous fournira, phrase dont je ne me départirai vis-à-vis de personne, et cela par ordre plutôt que par conviction... En ne disant rien à Médavy, je suis sûr qu'il ne changera pas le sens de mes phrases et ne les interprétera pas comme cela pourrait lui arriver. Le but est qu'il aille en France, parce qu'il pourra y être utile. »

Il existe aux Archives de Couterne le brouillon inachevé, de la main de Frotté, d'une longue circulaire où il expose les principes qui ont dirigé sa conduite, et s'adresse aux Français en général, puis aux soldats en particulier, pour tâcher de les ramener à la cause royale. Cette pièce est contemporaine de l'envoi au vicomte de Chambray; elle ne dut pas être achevée. Nous n'y relevons que le passage suivant :

«... Indulgence, amitié et un sincère oubli du passé soient offerts à ceux qui reconnaîtront qu'on les a cruellement trompés! Le mal qu'ils se sont fait ne les a que trop punis.

« Ce n'est pas des Français que je désirai jamais combattre, car la guerre civile fait horreur à mon cœur, et le Roi que je sers ne voit pas périr un de ses sujets sans lui donner des regrets. Il gémit sur les malheurs qu'entraine toujours une guerre intestine, et ne réclame ses légitimes droits que pour rendre à son peuple le bonheur et la paix. Ah! Français, Français! si chacun de vous pouvait lire dans son âme et dans celle des princes de sa maison, vos malheurs seraient bientôt finis!

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Lorsque je déployai l'étendard royal en Normandie, ce fut pour réunir autour de lui tous ceux qui gémissent et sentent toute l'étendue de leur malheur de ne plus vivre sous le gouvernement qui faisait le

bonheur de nos pères; ce fut pour donner un point d'appui aux opptimés contre leurs cruels et injustes oppresseurs; ce fut pour repousser et combattre le crime, la tyrannie et l'assassinat; ce fut pour défendre les infortunés et vertueux ministres de nos autels; ce fut enfin pour réclamer les droits de notre Roi légitime...

(4 p. in-fol. Aut. n. s.)

II

CONFLITS ENTRE L'AUTORITÉ CIVILE ET L'AUTORITÉ MILITAIRE.

(T. II, p. 79.)

Le général Cambray, qui commandait dans la Manche, avait ordonné au commandant de Cherbourg (23 avril 1797) « de mettre en colonne mobile toutes les troupes qui étaient sous ses ordres; les républicains seraient invités à s'y joindre; les commandants des gardes nationales fourniraient un nombre d'hommes pour le même objet; les patriotes, réunis aux troupes, porteraient au chapeau une branche verte et un mouchoir à l'entour du bras pour être reconnus; ces colonnes marcheraient pendant quatre jours, à partir du 12 floréal. Le but de ce mouvement est d'arrêter des bandes de voleurs, d'émigrés, de chouans, de prêtres réfractaires, dont le plan est d'égorger les républicains...

«... Une partie de ces émigrés, chouans et autres scélérats de leur espèce, sont habillés en carmagnoles vertes, boutons ronds à la hussarde; d'autres sont en capotes même couleur et mêmes boutons jaunes, boutonnées jusqu'à la ceinture, la majeure partie sont en chapeau rond; d'autres ont pour ralliement un chapeau rond à trois cornes, mais ils le portent par devant derrière; d'autres sont habillés en volontaires et vont par petites bandes; ils se disent chargés de faire rejoindre les déserteurs. »

Cet ordre transpira, malgré les précautions prises pour le tenir secret. L'administration municipale de Cherbourg protesta vivement, elle ordonna même l'arrestation des individus qui seraient porteurs de signes de ralliement autres que la cocarde nationale. Granville, Valognes, Montebourg, d'autres municipalités, à qui elle avait adressé une lettre fédérative, s'associèrent à cette résistance. « Les rassemblements dont on parle, écrivirent-elles au ministre de la guerre, ne sont qu'une chimère inventée par la malveillance, dans l'espoir de rétablir les troubles et par conséquent l'anarchie.... Qu'ils vous trompent, ces scélérats!... Si la République a des ennemis, ils sont bien les plus cruels... Tout le monde se réunit sincèrement au gouvernement on ne hait que les anarchistes et non pas la République... » En vain Dumesny écrivit-il de son côté : « C'est le tocsin que l'on sonne contre nous! »; en vain Cambray s'empressa-t-il de suspendre et rapporta-t-il finalement son arrêté; en vain le ministre s'interposa-t-il pour ramener la concorde,

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