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plus ou moins nombreuses, de cinq, de dix, de vingt-cinq individus même, qu'avaient lieu les évasions.

Plus rarement, ce fut aussi par bandes que les amis des détenus se réunirent pour les délivrer. Nous avons raconté l'enlèvement, à Tinchebrai, de l'abbé Du Laurent, celui de Destouches à Coutances. La tentative faite sur la prison de Saint-Brieuc, le 16 juin 1798, par Duviquet, pour délivrer les chouans qu'elle renfermait, et parmi eux sa fiancée, mademoiselle du Lorin, fut moins heureuse; elle échoua. Il fut arrêté et mis à mort; mais quelques jours après, les détenus s'évadèrent tous, par la porte de la prison laissée entr'ouverte. La complaisance d'un geôlier intérimaire et d'un magistrat qui l'avait choisi tout exprès fut payée 18,000 livres'.

Ameline, chouan de la troupe de David La Terreur, fut enlevé, par cinquante hommes, de l'hôpital de Bayeux où il avait été déposé à raison de ses blessures (mai 1796).

Le nombre est considérable de ceux des chouans de basse Normandie qui trouvèrent moyen de se dérober à la prison ou à la mort, quelques-uns d'un rang assez élevé :

La Raitrie, père d'un jeune chef tué dans la Mayenne, s'évade de la maison de Bicêtre d'Alençon, à l'aide d'une échelle oubliée par le jardinier (1795);

D'Autichamp, de la prison de Caen (février 1796)2;

Pierre Ledevin, condamné comme émigré rentré à la détention jusqu'à la paix, acquitté de l'accusation de chouannerie, de celle de Saint-Lô, à la fin de mai 17963;

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'MURET, t. V, p. 51 et suiv.; Légitimité, 15 févr. 1885; HABASQUE, NOtions sur les côtes du Nord, t. III, p. 63; — G. DE KÉRICANT, Les Chouans, 1882, Dinan, p. 76; récit fautif en quelques points.

2 D'Autichamp, après la déroute du Mans, avait été sauvé par la générosité d'un officier républicain, le colonel Vidal. Il se cacha dans les troupes de la République. Condamné par le conseil militaire de Caen à vingt-quatre années de fers pour désertion, et placé comme malade à l'hôpital militaire, il s'évada avec deux camarades. Violentes récriminations contre l'autorité militaire! On répandit le bruit que la commission était gagnée d'avance à l'indulgence, que les prisonniers avaient refusé l'argent que l'aubergiste du Bras d'or (de Lisieux) était chargé de leur remettre à même la caisse commune, en disant qu'ils n'en avaient pas besoin et qu'ils se tireraient d'affaire sans cela. (Arch. de la guerre, mars 1796.)

3 Adm. de la Manche à min. de la guerre, 28 mai. (Arch. de la guerre.)

Picot et Letellier (Fresnel), qui devaient étre, à raison de leurs antécédents, l'objet d'une surveillance particulière, de la prison de Caen, avec six autres détenus (nuit du 19 au 20 octobre 1796);

Billard, du corps de garde de la Ferté-Macé (octobre 1796); Le chevalier de Péronne, de la prison de Granville, en mars 1797 1.

La Huppe de Larturière, de la maison d'arrêt dite le FortColin, à Coutances, grâce à la tendre sympathie de la fille de la concierge (7 décembre 17972);

Le Chandelier est arraché par Hingant de Saint-Maur, soit à la prison de Caen, soit à l'escorte qui l'y conduisait3.

En août 1799, David, dit Cœur-de-Roi, Augeard, dit Blancd'Amour, et de Chavoy s'évadent du mont Saint-Michel, en descellant les barreaux d'une fenêtre et en se faisant une corde de leurs draps découpés en lanières et tressés.

D'autres chouans prisonniers eurent parfois le bonheur de s'échapper des mains de leurs escortes ainsi Coster de SaintVictor, condamné pour désertion, fabrication de faux passe-ports et rébellion, à cinq ans de détention, et se dérobant, à Avranches, aux gendarmes chargés de le conduire. Incorrigible partisan, il revint en France à deux reprises pour se jeter dans le complot de la machine infernale et dans celui de Georges. Il se tira de la première affaire, si terrible, et laissa sa vie dans la seconde.

Des chouans qui s'évadaient ainsi par violence ou par ruse des mains de leurs gardiens, plusieurs furent aidés par leurs partisans apostés sur leur passage, comme Chambray dans la forêt de Moulineaux.

Mais il arriva trop souvent que, réelles ou simulées, ces ten

'SAROT, t. I, p. 391.

SAROT, t. III, p. 151.

BEAUCHAMP, t. IV, p. 430; MURET, t. V,

, p. 130;

Abbé DENIAU, t. VI,

tatives de délivrance servirent de prétexte à d'odieuses violences contre les prisonniers. Les massacres commis par les escortes sont si nombreux, surtout dans la 13 division militaire (Bretagne), et parfois si odieux, et tel est le parti pris par le gouvernement et les généraux de n'y prêter aucune attention, ou même d'y applaudir, qu'il est impossible de n'y pas voir un système et l'exécution d'une sorte de consigne. Un représentant en mission, Brue, en avait même donné la théorie doucereuse autant que dangereuse'.

Rappelons ici que, d'après les lois de la guerre, tout meurtre hors de la lutte est un assassinat et qu'il est absolument interdit de fusiller les prisonniers s'ils cherchent à s'évader, ce n'est qu'après une sommation de se rendre qu'il est permis de faire feu sur eux 2.

1 A propos de l'assassinat, sous ses yeux, de Calan dit Salomon, près de Landévan, février 1795. (Georges Cadoudal.) Cf. Lettre de Teulé, aide de camp du général Roulland, à général Dumesny, 20 avril 1797. (Arch. de la guerre.)

2 GUELLE, Les lois de la guerre, t. I, p. 71 et 203.

Devant des chefs respectés, les soldats savaient s'abstenir. Le 25 décembre 1794, Hoche sortait de Segré à pied, à la tête d'un détachement, et passait la nuit à parcourir diverses communes. On arrêtait deux brigands armés : l'un d'eux s'échappait en laissant son fusil aux mains des soldats; on ne faisait pas feu sur lui. (Rapport de l'administrat. de distr., 31 déc. (Arch. de Kernuz.)

Aux nombreux exemples que nous avons cités de prisonniers assassinés par leurs escortes, nous aurions pu en ajouter beaucoup d'autres. Nous nous bornons à publier une bien curieuse lettre de Midy, un des juges du tribunal de la Mayenne, et alors président du jury d'accusation, adressée au ministre de la guerre, le 14 floréal an VII. Nous en devons la communication à M. Quéruau-Lamérie. Midy, accusateur public sous le régime de la Terreur, n'est pas suspect.

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« Il est des actions d'une telle immoralité qu'elles révoltent toutes les classes de citoyens et occasionnent d'atroces calomnies contre le gouvernement. C'est celle de faire tuer les détenus lors de leurs translations d'une prison à une autre. Ce genre de délit, qui se multiplie dans ce département, doit mériter l'attention du gouvernement, car il n'est pas de milieu: ou il approuve cette conduite, ce que je ne puis croire, et, dans ce cas, il me semblerait nécessaire de faire connaître au public le motif spécieux ou réel qui y détermine, ou si, comme je persiste à le croire, ces atrocités se commettent à son insu, il est nécessaire de l'éclairer ou de le mettre sur la voie pour parvenir à connaître la vérité.

« A l'appui de cet exposé, je joins ici cinq pièces.

« La première constate la mort de Charles Harnois, qu'on conduisait à Tours sous ordonnance du directeur du jury. Il est dit que ce prisonnier a voulu s'évader. Or, il est de notoriété publique que lorsqu'il est sorti de prison et a traversé la ville, il avait ses sabots et était dans un état de faiblesse qui obligeait les gendarmes à le

soutenir, et qu'il était lié avec une corde. Il a été tué à un demi-myriamètre de Laval.

La deuxième constate la mort du nommé Pannard, qu'il aurait été facile d'arrêter et duquel on aurait reçu des renseignements précieux.

La troisième constate la mort du nommé François Beauplet, tué par la troupe. Je vous observe à cette occasion que la troupe a dit hautement qu'elle n'agissait ainsi que d'après les ordres de l'administration centrale.

« La quatrième constate la mort de Charles Besnier; même observation que ci-dessus.

La cinquième constate la mort de deux prisonniers qu'on conduisait de la maison de justice du tribunal criminel de la Mayenne en celle du tribunal criminel de la Loire-Inférieure. Je vous observe que jamais on ne suivait cette route pour aller à Nantes; on faisait suivre par les prisonniers la route par Angers ou par Rennes, et que, d'après des informations verbales, il n'y a eu aucune attaque réelle et que ce sont les gendarmes eux-mêmes qui ont tiré plusieurs coups de pistolet.

Outre ces individus, dont j'ai recueilli les pièces que je vous adresse, j'ai appris qu'un prêtre et un enfant de quatorze à quinze ans ont été tués sur la route de Château-Gontier, dont on les avait fait partir la nuit, et ce à deux ou trois cents mètres de la ville.

. Un jour de la décade dernière, un nommé Guillaume, arrêté depuis trois mois, qu'on soupçonnait d'émigration, dont on ignore le véritable nom, et à l'occasion duquel Pannard a été tué, a été extrait des prisons et tué par les gendarmes sur la route de Sablé pour les mêmes motifs. Mais la troupe ne se cache de dire que c'est par ordre et qu'elle n'a point été attaquée. Cf. MONTZEY, t. III, p. 107; p. 337;

p. 63 et 368;

pas

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CHARDON, Les Vendéens dans la Sarthe, t. I, Alfr. LALLIE, Le sans-culotte Goulin, p. 101; Georges Cadoudal, Rev. de la Révolut., 1883, t. I, Documents, p. 115; SAROT, t. II, p. 105; A. JOUBERT, Hist. du Ménil et de ses seigneurs; LA FREGEOLIÈRE, p. 100 et 125; RENOUARD, Essais sur le Maine, t. II, p. 295; Guillemot, Lettres sur la chouannerie, p. 143, 182, 183; CRÉTINEAU, t. III, p. 147; Affiches d'Angers, 28 vendém. an VII; -Comte DE MARTEL, Conspirat. de Georges, p. 8 et 9; — Arch. de la guerre, 2 juin 1796;11 mars 1797; janvier, mars, avril, mai 1799; · Arch. nation., 25 et 28 avril 1800; des hommes libres, 2 ventôse an VIII; Abbé PAULOUIN, t. II, p. 261; — Etc.

. Journ.

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