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Moulin échappa à l'humiliation de venir faire sa soumission en personne, grâce à la bienveillance de Lestienne, qui commandait à Mortain, et qui lui envoya une carte d'amnistié, constatant qu'il avait fait les déclarations voulues et déposé ses armes; mais il dut prendre la précaution de ne pas se montrer en public et d'éviter la rencontre de Guidal, très-mal disposé pour lui et qui n'aurait pas mieux aimé que de se défaire d'un témoin de ses bassesses1.

Chandelier et Charles (Gondé?), bien que signalés par Bonaparte lui-même « comme deux scélérats couverts de tous les crimes » qu'il fallait arrêter à tout prix, se dérobèrent également aux poursuites; Chandelier se déguisait en marchand de bœufs". La Fruglaye, Picot, Péronne eurent le même bonheur.

Saint-Aignan, dans l'Orne, et Saint-Paul, retiré à Paris, furent l'objet d'une surveillance particulière‘.

Il arriva que des amnistiés n'osèrent pas retirer eux-mêmes leur carte de sûreté, dans la crainte d'être reconnus et maltraités par les patriotes".

Malgré les assurances données aux amnistiés, plusieurs furent placés en surveillance fort loin de chez eux, surtout après l'affaire de la machine infernale (3 nivôse an IX 24 décembre 1800), qui exaspéra nécessairement contre les anciens chouans tous les agents du gouvernement consulaire. Frotté de la Perrière, desservi par Gardanne, avait été envoyé à Auxerre; il obtint la permission de se rapprocher, à Argentan ; Doynel était en surveillance au château de Rânes, chez les Montreuil, ses parents; le comte d'Oilliamson, qui n'avait pris aucune

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MOULIN, Mémoires.

o 11 vent. (Corresp. impr.)

3

Signalement en l'an IX : cinq pieds deux pouces, nez long, figure ovale, trente ans. Après avoir fait sa scumission à Alençon, il s'était évadé dès le 10 mars. Arch. de l'Orne, 18 juillet; 19 sept. 1800.

5 Lettre de Lepappe aux administrateurs du district de Domfront, 16 juillet. 6 Gardanne s'était opposé à ce que Frotté obtint la permission de se rendre à Paris. « Il serait dangereux que le grand nombre des chefs de ce caractère, qui sont en apparence soumis, prennent le même chemin. Ce serait réunir uu noyau de royalistes qui ne manquerait pas de corrompre et de pervertir l'esprit public. » (Lettre au min. de la guerre, 29 vent. an VIII: Arch. de M. Bord.)

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part à la chouannerie, n'avait été débarrassé de la surveillance que sur les démarches personnelles de madame Bonaparte; Labesse avait été arrêté, mis en liberté et finalement interné à Moulins (Allier); - d'autres, comme Bourmont, Hingant, Moulin, Frotté jeune, Suzannet, d'Andigné, Ménilcourt, furent déted'autres, enfin, entrèrent dans l'armée ou dans les douanes L'Air du Bois, Boulvrais, La Mariouze, Le Poytevin du Rosay, de La Rue, dit Victor.

nus;

Letellier et Leloup passaient, dans l'ancien parti, pour étre chargés de donner le mot d'ordre.

Ce Letellier était fort redouté. Des espions offrirent au commandant de Flers de le faire prendre, « pourvu qu'on le fusillat sur-le-champ, par la raison, disaient-ils, qu'ils ne voulaient pas déposer contre lui en justice, dans la crainte d'être assassinés ". Le commandant, instruit que Letellier était porteur d'un passeport en règle, soit du préfet du Calvados, soit du général Guidal, et craignant de se compromettre ainsi, repoussa la proposition'. Il y eut peu de trahisons de ce genre.

Quant à Leloup, assez obscur jusque-là, on répandait le bruit qu'il allait prendre le commandement en chef *. D'autres disaient que Frotté père voulait remplacer et venger son fils, sans réfléchir que son âge et ses infirmités le rendaient peu propre à une pareille tâche : quelques jactances de sa part pouvaient accréditer ce bruit. On parlait aussi de son fils Charles, très-jeune encore et qui n'était pas même de retour de sa campagne en Orient.

Du côté de Mortagne, où demeurait madame de Rougemont, belle-mère de Chandelier, fille de l'ancien gouverneur de Vincennes et cousine de Puisaye, on prêtait à cette dame un róle dangereux. Elle passait pour l'agent et l'instrument le plus actif de la correspondance de Chandelier avec ses anciens camarades. On l'avait vue à Courcerault en conférence secrète avec Boulvrais, avec Sauvage (La Rochejaquelein), reconnaissable à sa grande taille, à son « air dur et téméraire », à sa main mutilée d'un

Arch. de l'Orne.

⚫ Barbotte à préfet de l'Orne, 26 juin 1800. (Arch. de l'Orne.)

coup de feu, avec Née, l'ancien séide de Chandelier et le futur complice de l'arrestation du 23 novembre 1803'.

Rien de tout cela n'était vrai, non plus que les rumeurs qui accusaient les chouans de défendre à leurs anciens camarades de se marier, que les charretées de poudre anglaise et de munitions que l'on supposait restées à Chanu, que les refuges souterrains remplis de brigands que l'on signalait à l'abbaye de Cérisi-Belle-Étoile et à Landisacq. Les recherches faites pour fouiller ces souterrains prétendus furent inutiles, on n'en trouva même pas la trace2.

En réalité, les derniers restes de la chouannerie normande étaient détruits.

Un décret du 25 thermidor an VIII (13 août 1800) étendit, ou plutôt renouvela, au profit des départements où la Constitution avait été suspendue pour cause de chouannerie, et dont faisaient partie le Calvados, l'Orne et la Manche, le bénéfice de l'amnistie générale du 7 nivôse précédent (28 décembre). Nous avons vu qu'il leur avait été retiré le 23 nivôse (13 janvier); la Vendée proprement dite, dont la soumission avait précédé celle de nos contrées, l'avait recouvré dès le 14 ventôse (5 mars).

Cette amnistie s'appliquait à tous les faits anciens de chouannerie, même à ceux qui avaient fait l'objet de condamnations antérieures; elle interdisait toute poursuite publique ou privée à raison de ces faits.

Mais elle ne s'appliquait pas aux émigrés : l'arrêté du 28 vendémiaire an IX (20 octobre 1800), qui leur rouvrit leur patrie, maintint sur les listes d'expulsion <«< ceux qui avaient porté les armes contre la France », ce qui les atteignait presque tous. Un sénatus-consulte du 6 floréal an X (26 avril 1802), plus indulgent, n'excepta de l'amnistie que « les individus qui avaient eu des grades dans les armées ennemies ou qui avaient été chefs de

1 Min. de la just. à préfet de l'Orne, 3 germ. an XI; Sous-préfet de Mortagne à préfet, 9 germ.; Lettre de Davois, lieutenant de gendarmerie. (Arch. de

l'Orne.)

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2 Gén. Valentin, command. la subdiv. de l'Orne, à gén. La Roche, command. la 14a division, 25 janv. 1803. (Arch. nat.)

rassemblements armés contre la République ». Les anciens officiers de la chouannerie, émigrés rentrés, tombaient sous le coup de ces dispositions, qui furent maintenues sous tout l'Empire, et ils ne purent reparaître en France qu'en 1814, sans permissions particulières.

Les faits nouveaux de chouannerie devaient tomber sous le coup de la loi commune et rester justiciables du tribunal criminel ordinaire.

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Mais une loi du 18 pluviôse an IX (7 février 1801) vint modifier la législation, en confiant à des tribunaux criminels spéciaux, par elle institués, mi-partis de juges civils et de juges militaires, la mission de connaître exclusivement, contre tout accusé militaire ou civil, — des vols sur les grandes routes avec violences, ou des vols dans les campagnes commis à l'aide d'effraction ou en réunion de plus de deux personnes armées, crimes punis de mort; de l'embauchage, de la provocation à la désertion, des rassemblements séditieux au cas de flagrant délit, des violences contre les acquéreurs de biens nationaux, qu'atteignait un emprisonnement de six mois à trois ans, sans préjudice de peines plus fortes en cas de circonstances aggravantes'.

1 La dernière affaire de chouannerie jugée dans la Manche le fut le 8 juin 1803. Trois individus y furent condamnés à mort pour vols et extorsions commis l'année précédente à Dragei.

Turpin, ancien chef de chouans dans l'Eure, avait été arrêté et exécuté l'année précédente. (Biographie de Leipzig.)

Baudoin, dit Beaulieu, de Saint-Cyr-en-Pail, ancien chouan, qui, avant et depuis la pacification, s'était rendu coupable d'une foule d'attentats, en compagnie d'autres brigands pour la plupart originaires de la Mayenne et presque tous déjà condamnés, notamment de l'enlèvement de Galliet, du château d'Alinenèches, en messidor an VIII, l'était lu -même à la peine de mort par le tribunal spécial de l'Orne, le 15 juin 1803. Il était exécuté le lendemain. (Journ. de l'Orne, 19 juin.)

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Le commandement de Frotté s'étendait sur tout le pays compris entre la rive gauche de la Seine et les lisières du Perche, du Maine et de la Bretagne; il empruntait même quelques cantons à ces dernières provinces. Toutefois, il n'eut jamais plus de cinq à six mille hommes armés sous ses ordres, et plus de deux mille combattants autour de lui'.

C'est avec cette poignée d'insurgés, éparpillés sur un vaste territoire, qu'il put faire face pendant assez longtemps, et avec des succès balancés, à des troupes trois ou quatre fois plus nombreuses.

Il avait multiplié, peut-être à l'excès, le nombre de ses divisions, voulant avoir des cadres ouverts sur tous les points, sans

p.

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FROTTE

1 BILLARD, t. I, 204; t. II, p. 172; comte DE M..., Mémoires, mss.; MURET, t. IV, p. 380; Lettre de Frotté à Puisaye, 3 mai 1796; père, Exposé de la conduite de MM. de Frotté pendant la Révolution, 1813, mss. (Arch. de Couterne). Crétineau-Joly, Hist. des géneraux et chefs vendéens, p. 357, Hoefer, Biographie universelle, et d'autres historiens, parlent de 11,000 hommes réunis autour de Frotté: exagération singulière.

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