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auprès du comte des Cars, qui avait la confiance de Monsieur, les titres de La Trémoille, désireux d'obtenir une mission en France, mais plutôt politique que militaire. On lui offrit un commandement, en effet, sur un point de la Normandie que nous ne saurions préciser; il s'excusa de l'accepter, sur le peu de relations qu'il avait eues avec le pays où l'on voulait le placer'. Quelques-uns des amis de Frotté, Bruslart à leur tête, l'ont précédé et ont déjà touché la terre de France (3 septembre).

Il va partir lui-même ; il est parti2. Ses lettres à son père vont nous faire connaître les incidents de ce voyage, qui devait être le dernier, en même temps qu'elles nous montrent une fois de plus, sous un jour touchant, sa tendresse filiale.

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« Le chevalier de Frotté m'a remis ce matin, cher papa, votre aimable et très-excellente lettre. La tendresse, les prières et la bénédiction

en Normandie en 1795. Il commandait deux compagnies de déserteurs dans la colonne sous les ordres de son frère; il y a fait la guerre avec distinction et a eu l'épaule cassée à l'affaire de la Forge-Coquelin.

M. du Breuil de Mandat est entré au service comme sous-lieutenant dans le régiment d'Armagnac, en 1779 ou 1780. Je l'ai vu sous-lieutenant de chasseurs en 1788. Je ne puis l'affirmer, mais je crois qu'il a été fait capitaine depuis. Il a émigré en 1791, a fait la campagne de 92, ensuite a fait la guerre dans un corps de troupes légères à l'armée autrichienne. En 95, il a fait la campagne de Quiberon, après laquelle il est passé en Normandie, où il a fait la guerre comme chef de canton dans la division de M. d'Hugon, jusqu'à la cessation des hostilités, et s'y est conduit avec autant de dévouement que d'intelligence.

« Louis DE Frotté. »

« Note. — MM. de Mandat désignés ici sont deux frères aînés de celui qui a été fusillé en Normandie, ayant le brevet de colonel. Monsieur a daigné leur accorder, tant pour leurs services que pour ceux de leur frère, chacun un brevet de major, avec la restriction que le dernier n'aurait que celui de capitaine maintenant, s'il ne l'était déjà.»

(18 août 1799; aut., 1 p. in-fol. : Arch. de Couterne.)

Recommandation en faveur des deux frères Fortin, de Saint-Loup près Mayenne, qui ont fait la guerre sous ses ordres comme officiers et y ont perdu un troisième frère. Ils voulaient émigrer pour se soustraire, eux et leur famille, aux persécutions de nos ennemis; ils furent capturés au sortir de la rivière de Nantes, en mars 1798, et, depuis ce temps, ils sont restés prisonniers au château de Porchester. (20 août; Arch. de madame la comtesse de Frotté.)

1 Lettre au duc des Cars. (Arch, du duc de La Trémoille.)

Par une erreur que l'on s'étonne de trouver reproduite dans toutes les éditions

d'un bon père portent toujours bonheur à un fils qui remplit son devoir; ainsi j'espère que j'en aurai des preuves. Mon dévouement à mon Roi et à mon pays doivent trouver grâce auprès de Dieu et attirer sur moi sa protection, en raison des projets qu'il a sur moi. N'en soyez pas inquiet, je vous en conjure. Adorons, servons et résignons-nous; en mettant notre confiance dans la Providence, nous serons toujours audessus des intrigues de la malveillance et des petites passions des hommes qui nous voudraient du mal. Je vous assure qu'ils m'inspireront toujours plus de pitié que de haine, et je n'y fais et ne ferai jamais d'attention que dans les moments où ils peuvent se rencontrer positivement sur mon chemin pour mettre des entraves à mon zèle et contrarier le bien du service, soit directement, soit indirectement, par intention ou par inadvertance.

« Nous sommes tous arrivés ici bien portants. J'espère que nous en partirons demain, à moins que les vents ne soient trop contraires. J'ai deux bâtiments pour nos armes et pour nous. L'un est une espèce de petite corvette bien armée, et l'autre un transport, ce qui nous mettra beaucoup plus à l'aise que je ne croyais, parce que nous serons moitié sur l'un et moitié sur l'autre. Je n'ai pas infiniment à me louer de la mesure qu'on a prise à tenir notre petite expédition secrète, mais cela ne vient, je crois, que des bureaux de Portsmouth. Du moins, je suis sûr à peu près que ce n'est la faute ni de mes officiers, ni de moi, quant aux indiscrétions d'ici, car pour celles de Londres, chacun ayant un ami a fait au moins une confidence, et tout le monde finit par être dans le secret. J'écris à MM. Windham et Woodford pour leur faire part de la nécessité de prendre des mesures plus secrètes dans les autres convois, afin que lorsque vous ou même d'autres viendront nous rejoindre, nous puissions éviter les mêmes inconvénients.

« Vous avez bien raison, cher papa, de me féliciter sur les qualités des officiers qui m'accompagnent. Ils sont bien faits pour me donner espoir et confiance dans l'avenir. J'espère qu'ils sympathiseront bien avec mes excellents ou anciens camarades, dont la composition est un grand avantage pour moi. Je suis charmé de ce que vous me mandez du chevalier de F... Il est franc et loyal, et je crois bien pouvoir compter sur lui. Aussi, il ne me quittera pas, du moins de quelque temps...

Adieu, cher et tendre père. Je vous serre contre mon cœur. En arrivant à Saint-Marcouf, je vous écrirai, mais ne soyez pas inquiet d'être dix, douze, quinze jours, peut-être plus, sans avoir de mes nouvelles,

de son Histoire de la Révolution, Thiers suppose que Frotté n'avait pas quitté la Normandie (t. IX, p. 20, 23). Pezet, Forneron (Les Émigrés) et d'autres historiens se trompent également en plaçant l'arrivée de Frotté en 1798.

parce que vous savez que lorsqu'il ne vient pas de bâtiments exprès, on ne peut recevoir de lettres de ce rocher. Au reste, il ne faut pas se faire de monstre de notre débarquement. Ce n'est pas une chose si difficile, et avec les précautions que je prendrai, j'espère que nous n'aurons même rien à risquer. Mille choses bien tendres à nos vrais amis et amies'."

II

«Saint-Marcouf, 13 septembre 1799.

« Nous sommes arrivés ici fort heureusement, après douze heures de traversée, cher papa. J'y ai appris que Bruslart avait mis pied à terre, il y a dix jours, avec tous ceux qui l'accompagnaient. Le temps n'a pas permis d'aller à la côte depuis, mais comme le bateau est resté une demi-heure à écouter, après le débarquement de ces messieurs, nous devons regarder comme certain qu'ils sont arrivés à bon port, puisqu'on n'a rien entendu lorsqu'ils ont été débarqués. Je profite bien vite du retour de la corvette qui nous a conduits ici pour vous dire un mot, vous tranquilliser et vous assurer que bientôt j'espère vous récidiver la nouvelle de mon heureuse arrivée en France 2...

Vers le même temps, le père recevait des amis de son fils, qu'il voyait s'éloigner avec le plus sinistre pressentiment, des témoignages plus faits pour flatter son orgueil paternel que pour rassurer sa tendresse :

« J'admire sa vertu, lui écrivait le prince de La Trémnoille, et m'indigne de la manière aussi honteuse pour les autres qu'honorable pour lui dont on en abuse...

«Tout en craignant tout ce qu'on doit craindre pour lui, je sens que j'espère encore plus que je ne crains, uniquement parce que c'est lui, parce que je crois à son étoile, c'est-à-dire au don qu'il a éminemment de se tirer surtout des plus mauvais pas3. »

En se mettant en règle avec ses camarades, avec ses amis, avec sa famille, Frotté voulut aussi se mettre en règle avec Dieu. On a pu remarquer le caractère grave et religieux de ses dernières lettres à son père; l'explication s'en trouve dans cette autre lettre à son ami La Trémoille :

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« Je devrais attendre ton arrivée pour te confier que je veux tout à fait devenir homme de bien avant de partir. Quand on va combattre pour la foi et la royauté, il faut être conséquent et alors remplir ses devoirs de chrétien aussi bien que ceux de royaliste. Si je ne l'ai pas fait plus tôt, c'est que je redoute jusqu'à l'apparence de l'hypocrisie vis-à-vis de moi-même et que cette démarche ne peut se faire convenablement à moitié et seulement pour la forme. Je crains encore les yeux des autres. Aussi fais-je mon affaire sans en dire mot. Mais moi aussi je te dois cette confidence, car c'est à ce pauvre cher Vallière et à toi que je dois après Dieu les liens qui m'ont toujours retenu non dans la pratique, mais dans le respect de la religion'. »

La réflexion, les souffrances et les déceptions de la vie avaient élevé son âme au-dessus des plaisirs, des passions ou des intérêts qui l'avaient occupé jusque-là. Il allait au devoir où il le voyait, sans affectation et sans faiblesse, et il n'était pas homme à s'arréter à moitié chemin.

2 août 1799 (Arch. du duc de La Trémoille); société française.

FORNERON, Les Émigrés et la

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