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L'Agence royale découpait ainsi sur le papier, pour en partager le commandement entre différents chefs, des pays qu'elle ne

nous avons précédemment et provisoirement nommé et commis commandant en chef des royalistes de basse Normandie et du Cotentin, puisse mettre à exécution sans trouble ni empêchement, comme aussi sans retardement, les instructions et les ordres que nous venons de lui adresser; mandons et ordonnons à tous les bons, loyaux et fidèles sujets de Sa Majesté dans les susdites provinces, de reconnoître ledit comte Louis de Frotté, maréchal de camp, en ladite qualité de commandant en chef des royalistes de la basse Normandie et du Cotentin, de se conformer à ce qui leur sera par lui prescrit de PAR LE ROI, à l'effet de rallier, organiser et entretenir lesdits royalistes en état de porter les armes, pour les employer au rétablissement de la religion, de la justice et de l'autorité du légitime souverain, de l'aider et assister auxdites fins de leurs personnes et de tous leurs moyens, et généralement de le reconnoître et tenir pour investi de la confiance du Roi et comme l'organe de ses commandements, pour l'exécution tant des instructions que nous lui avons données, que de la présente commission, qui aura son effet jusqu'à ce qu'autrement par le Roi ou par nous, pour le Roi, il en soit ultérieurement ordonné.

«A Édimbourg en Écosse, sous notre seing et notre petit scel ordinaire, le vingt-quatrième jour du mois de janvier, l'an de gråce mille sept cent quatre-vingtdix-sept, et du règne du Roi le second.

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Signé : CHARLES-PHILIPPE, et, par Monsieur, de Belleville, »
(Arch. de Couterne.)

Ce brevet fut confirmé par Louis XVIII, le 16 février suivant :

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Aujourdhuy seize février mil sept cent quatre-vingt-dix-sept, le Roi étant à Blankenbourg, sur le rapport qui lui a été fait de la valeur, des talents et de la capacité du sieur comte Louis de Frotté, ainsi que de sa fidélité, de son zèle et de son affection au service de Sa Majesté, dont il a donné des preuves en plusieurs occasions, Sa Majesté bien informée a nommé et établi ledit sieur comte Louis de Frotté pour commander pendant le temps qu'il plaira à Sa Majesté, en son nom, dans la basse Normandie, conformément aux ordres qu'il recevra de Sa Majesté qui m'a ordonné d'expédier le présent brevet sous son scel ordinaire et que, pour assurance de sa volonté, elle a signé de sa main et fait contresigner par moi duc de Layauguyon, pair de France, ministre d'État, faisant les fonctions de secrétaire d'État de ses commandements et finances.

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Signé Louis, et contre-signé : le DUC DE LAVAUGUYON. » (Arch. de Couterne.)

Louis XVIII joignait à ce second brevet une lettre des plus flatteuses, mais où ne se révèle nullement le désir de venir se mettre à la tête des insurgés, qu'on lui a prêté quelquefois*. On y remarque plutôt l'absence de toute instruction particulière et même de tout engagement vis-à-vis des insurgés de l'intérieur, en dehors desquels il affectait de se tenir :

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« A Blankenburg, ce 16 février 1797.

J'ai différé longtemps, Monsieur, à répondre à vos lettres parce que je voulois

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BEAUCHAMP, t. IV, p. 55; Vicomte DE POLI, Louis XVIII, p. 125; Ern. DAUDET, Les Bourbons et la Russie pendant la Révolution française. Louis XVIII cherchait naturellement le succès par les moyens politiques, où la supériorité de son esprit pouvait mieux se montrer, Rien ne répugnait davantage à ses qualités intellectuelles, comme à ses infirmités physiques, que le commandement d'une troupe d'insurgés.

connaissait même pas. Frotté, qui avait probablement compté sur le commandement de la Normandie entière, haute et basse, se

avoir une occasion sûre, mais je n'en avois pas moins le désir de vous exprimer tous les sentiments que vous m'avez inspirés. Je n'ai pas cessé d'avoir les yeux ouverts sur vous, depuis que vous vous êtes fait si avantageusement connoître; votre courage ne m'étonne pas, mais votre prudence, la justesse de votre coup d'œil, qualités bien rares à votre âge, m'inspirent la plus grande et la plus juste confiance. Je ne puis vous en donner une meilleure preuve que le pouvoir que je joins à cette lettre. Le malheur qui vient d'arriver peut en rendre l'usage difficile en ce moment, mais je ne puis mieux faire que de m'en rapporter sur cela à votre sagesse.

Votre union avec le prince de la Trémoille me fait le plus grand plaisir; l'âge, les sentiments, l'amour de notre patrie et de la gloire, tout concourt à vous rapprocher, et j'espère un jour vous voir les appuis de l'État que vous aurez tant contribué à relever.

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vous.

Soyez en attendant, Monsieur, bien persuadé de tous mes sentiments pour

M. le comte Louis de Frotte. »

A. S. (Arch. de Couterne.)

« AU ROI.

Réponse de Frotté.

" LOUIS. »>

J'ose supplier Votre Majesté d'agréer avec bonté l'hommage de mes trèshumbles remerciements pour le Brevet et la Lettre dont elle a daigné m'hono

rer...

Nous allons retomber dans cet état de discordance dont nos ennemis ont si bien profité, jusqu'à ce que le Roi puisse remettre dans d'autres mains habiles tous les fils nécessaires pour faire mouvoir d'une manière efficace une machine aussi compliquée dans ses détails que difficile à bien conduire.

Malgré ces inconvénients, je sens trop combien il est de mon devoir de me rendre à mon poste, pour ne pas hâter mon départ le plus qu'il n'est possible. N'ayant plus rien à ajouter aux sollicitations réitérées qui ont été faites et aux vérités qui ont été démontrées, ma présence ne peut plus ici être utile aux intérêts de Votre Majesté, et bien convaincu de l'insuffisance et de l'incertitude des secours qui me seront accordés, ne pouvant obtenir rien de plus, je crois que c'est en France que l'on peut réellement bien servir les intérêts du Roi. Je pars donc, Sire, d'après les ordres de Monsieur, pour la Normandie, et je vais partager le sort des braves officiers qui m'y ont précédé, lorsque l'on m'a autorisé à croire à un grand développement et à de grands moyens. Je verrai par moi-même ce que l'on peut attendre de la partie dont le Roi me confie la direction. J'aurai l'honneur de lui en rendre compte et d'attendre ses ordres, soit pour combattre, si elle croit, dans sa sagesse, d'après le compte qu'elle recevra, devoir en donner l'ordre à tous les royalistes dévoués à ses intérêts, soit pour suivre toute autre marche qu'elle daignera me prescrire.

J'ai l'honneur de mettre sous les yeux de Votre Majesté un aperçu de mon travail, pour que Votre Majesté puisse connaître sur quelles bases nous sommes en mesure d'agir en Normandie.

....Votre Majesté verra que j'avais pris une plus grande extension de pays que celui qu'elle me confie dans mon brevet; mais j'ose la supplier de croire que ce n'était nullement par le désir d'étendre mon commandement, mais d'augmenter et

permit quelques observations auxquelles il fut fait droit. Mallet eut le commandement de la rive droite'. Ces questions de circonscription étaient entre les chefs, dans la chouannerie, comme elles l'avaient été dans la Vendée, une source toujours renaissante de difficultés.

Un témoignage de confiance bien autrement délicate accompagnait ce brevet. Le comte d'Artois s'était repris vivement à l'idée de se jeter de sa personne en France. Il cherchait une revanche de cette malheureuse expédition de l'île d'Yeu qui lui avait fait, vis-à-vis des royalistes de l'intérieur et de l'Europe entière, une situation si fausse et si pénible. Mais, cette fois, c'était en Normandie qu'il voulait effectuer son débarquement;

d'organiser le plus possible de royalistes en Normandie, dans un temps où il n'y avait encore à cet égard aucune limite de fixée par Votre Majesté, et, depuis, les agents ne m'ayant donné d'autre borne que la Seine, Lisieux, Mortagne, Alençon, Mayenne et Pontorson. Mais dès que Votre Majesté daignera envoyer ou nommer un chef dans la haute Normandie, je m'empresserai de lui remettre les divisions qui en font partie, qui étaient sous mes ordres.

Ce que le Roi daigne me dire, avec tant de bonté, de mon intimité avec le prince de la Trémoille me fait oser prendre la liberté de mettre sous les yeux de Votre Majesté la pénible position où il doit se trouver. Le prince de la Trémoille étant parti d'ici pour se rendre où le bien du service du Roi l'appelait, n'ayant écouté que son zèle et l'assurance des agents qu'il trouverait à Paris tout ce qui lui serait nécessaire pour y servir utilement, s'y est rendu sans pouvoirs et sans argent et ne doit y être arrivé qu'après l'arrestation des agents, ce qui doit l'avoir laissé dans un cruel embarras et sans moyens de servir Votre Majesté. J'oserai, de plus, mettre sous les yeux du Roi, d'après l'intérêt qu'il daigne témoigner au prince Louis, qu'il a laissé en souffrance ici des réclamations considérables auxquelles il avait un droit légitime, auprès du colonel Nesbitt, pour le corps qu'il a eu au service de Sa Majesté Britannique. Si le Roi daignait faire appuyer ses réclamations auprès du ministère, il accorderait au prince Louis une marque de bonté bien essentielle à ses intérêts.

« N'attendant plus qu'une audience de M. Windham, qui doit me remettre quelques fonds pour quitter l'Angleterre, j'espère rejoindre, sous le plus court délai, les officiers dont j'ai l'honneur d'envoyer le contrôle à Votre Majesté. Ils sont déjà tous en Normandie... »

Protestations nouvelles d'un dévouement « qui ne peut avoir de termes que celui de mon existence *

1 Bourmont avait obtenu, de son côté, la réunion à son commandement de quelques portions du pays d'Évreux.

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4 p. in fol. Brouillon aut., s. d. (Arch, de madame la comtesse H. de Frotté.)

c'était à Frotté seul qu'il confiait le soin de le préparer et d'en déterminer le point précis, l'époque et les moyens.

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« J'ai reçu, Monsieur, votre lettre du 19 de ce mois, et le baron de Roll m'a rendu compte des conversations que vous avés eues avec lui. Vous connoissés la juste confiance que vous m'inspirés, et je suis bien sûr que vous la justifierés pleinement par la manière dont vous vous conduirés dans la situation importante et délicate où vous allés vous trouver. Vous avez raison de penser que je ne calculerai jamais ce qui m'est personnel, et j'ai déjà prouvé que je sçavois sacrifier les désirs de mon âme au plus grand bien de la cause que je sers; mais la circonstance actuelle doit être décisive pour le rétablissement du Roi sur son trône, et nous devons tout tenter, tout entreprendre pour bien profiter des heureuses dispositions de l'intérieur et des favorables intentions de l'Angleterre.

«La mesure la plus importante est sans contredit ma prompte arrivée à la tête des royalistes. Elle produiroit une grande secousse en France; elle assureroit la confiance du gouvernement britannique, enfin elle hâteroit le jour glorieux où le Roi se trouvera au milieu de ses fidèles sujets. Vous devés donc tout ramener vers ce but et y faire concourir dans tout ce qui dépendra de vous l'accord qui existera entre vous et les agents du Roi à Paris. J'approuve tout ce dont vous êtes convenu avec le chevalier du Verne, et j'espère que mes communications fréquentes prépareront et consolideront le développement des projets auxquels j'ai donné mon assentiment. Ne comptés pour rien les dangers que je peux courir, ne vous arrêtés pas davantage à la juste ardeur qui m'anime, et songés seulement que du jour où j'aurai mis le pied en France, je ne puis, ny ne veux, ny ne dois reculer. Au surplus, j'accepte de bon cœur la promesse que vous me donnés dans votre lettre, je suis sûr que vous la tiendrés fidèlement et j'y compte tellement que je suis décidé à partir sans hésiter le jour où vous m'appellerés, et qu'à moins d'événements que je ne puis prévoir, j'attendrai votre signal avant de me mettre en marche.

« Je profiterai sûrement du zèle et du dévouement de votre père, si j'ai des ordres ultérieurs à vous faire passer; mais songés que c'est de vous, et de vous seul que je dois recevoir une connoissance exacte de l'état des affaires en Normandie, et que ce sera sur votre rapport que je réglerai ma marche.

« Je vous autorise à convenir avec le baron de Roll et avec M. Dutheil de tous les moyens de correspondance et de tous les arrangements à prendre pour mon arrivée en Normandie, sur le point indiqué, à moins

CALE

que

des circonstances imprévues ne vous engagent à m'offrir un lieu de débarquement plus sûr et plus avantageux.

« Le baron de Roll vous remettra en même tems que cette lettre toutes les pièces que vous m'avés demandé et que j'ai jugées utiles au bien du service du Roi. Il vous expliquera mes intentions sur chacune de ces pièces, et c'est avec plaisir que je vous donne une preuve positive de ma confiance en m'en rapportant entièrement à votre prudence sur le choix des deux pouvoirs que je vous envoie.

« Adieu, Monsieur, fasse le ciel que ce soit bientôt en France où je vous exprime de vive voix tous les sentiments que vous m'avés inspiré !

« M. le comte Louis de Frotté. » A. S. (Arch. de Couterne.)

« CHARLES-PHILIPPE. »

Frotté n'attendait ni ne désirait pas tant. Peut-être avait-il exagéré, comme il arrive naturellement en pareil cas, au prince et à son entourage, les ressources qu'il avait en Normandie; mais mis au pied du mur par cette proposition soudaine, il en déclina l'exécution immédiate, en faisant observer avec raison qu'il avait besoin de constater par lui-même ce que la Normandie serait en état de faire pour recevoir le prince qui viendrait se remettre à sa foi, et de s'assurer de la part de l'Angleterre d'un concours suffisant et sérieusement garanti. Il adressa donc au Prince une lettre respectueuse, où la prudence tempérait l'ardeur du dévouement :

Louis de Frotté à S. A. R. Monsieur.

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« J'ai reçu de M. le baron de Roll les nouvelles preuves de confiance dont Monsieur daigne m'honorer en me mettant à même de servir la cause du Roi de tout mon dévouement. V. A. R. l'eût excité, s'il était possible d'y ajouter, surtout en m'offrant la perspective d'être assez heureux de travailler pour servir le noble empressement de Monsieur à venir se mettre à la tête des fidèles sujets de Sa Majesté. Si dans les troubles qui déchirent la France, le zèle d'un sujet fidèle qui fait son devoir peut mériter quelque récompense, la plus chère et la plus glorieuse à laquelle il puisse prétendre est d'être assez heureux pour recevoir l'Auguste frère de son Roi et d'avoir à lui présenter des soldats dévoués, dont l'ardeur, le courage et le nombre seraient augmentés à

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