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rable, après tout, calcul exact dans une certaine mesure, et qu'il serait juste de faire entrer en ligne de compte dans l'appréciation du rôle de ceux qui, à toute époque, ont eu le malheur de se jeter dans les guerres civiles, parfois par crainte de dangers plus grands encore. Mirabeau, lui aussi, acceptait l'éventualité d'une pareille guerre pour éviter l'invasion étrangère. Frotté redoutait donc l'ascendant tout-puissant et les haines d'une coalition victorieuse, les sacrifices qu'elle se croirait en droit d'imposer à la France. Les armes lui ayant été arrachées des mains, il crut qu'il serait possible de tourner contre la République celles des républicains eux-mêmes, de gagner à la cause royale une des armées et quelques-uns des chefs qui la combattaient. L'armée de Hoche et Hoche lui-même furent son objectif. Puisaye avait nourri de semblables illusions, lors de la paix de la Jaunaye. Le prince de Condé, au moment où Frotté voulait s'aboucher avec Hoche, était déjà lui-même, et dès le mois d'août 1795, entré en relation avec Pichegru. Mais une pareille entreprise exigeait d'énormes dépenses. L'Angleterre seule pouvait en faire les fonds. Frotté la trouva plus disposée à prolonger les divisions intérieures de la France qu'à les faire cesser, à l'affaiblir au dedans et au dehors qu'à la relever avec la monarchie. Elle n'était pas dupe des intentions des meneurs contrerévolutionnaires; ils se trompaient en croyant la tromper. D'un autre côté, les hésitations du comte d'Artois, qui craignait que ses pouvoirs ne fussent pas suffisants pour une affaire de cette importance, l'éloignement du Roi, alors à Mittau, arrêtèrent des négociations dont le succès, s'il eût été possible, aurait exigé une promptitude et une décision extrêmes. En voici le récit emprunté au Rapport de Frotté, et d'autant plus intéressant que l'histoire les avait à peine soupçonnées'. Pour ne pas l'interrompre,

■ tous jacobins pour sauver notre pays.» (Th. MOORE, Mémoires sur Sheridan, traduits par PARisot, 1826, t. II, p. 137.)

Mêmes sentiments chez M. de Vitrolles en 1814. V. les fragments de ses Mémoires publiés dans la Nouvelle Revue, août 1882.

Une lettre du comte d'Artois à Bernier, en date, à Édimbourg, du 5 février 1796, saisie, nous ne savons dans quelles circonstances, le 16 mars suivant, c'est-à-dire depuis la prise de Stofflet, autorisait Bernier et Stofflet à traiter avec Hoche:

Je vous authorise spéciallement ainsi que fidèle Stofflet à promettre au

nous rejetons en note les documents officiels qui l'éclairent et le complètent.

« A mon arrivée en Angleterre, je rendis un compte exact de la situation des choses à S. A. R. Monsieur. Je réclamai du ministère ce qui restait dû des sommes qu'il s'était engagé à me fournir par une lettre officielle. Après quelques pressantes sollicitations, appuyées sur mes droits, j'obtins le remboursement, que je fis passer en Normandie pour faire face aux engagements les plus urgents à remplir. Je vis M. Pitt et ne voulus point m'ouvrir à lui sur un plan que je désirais soumettre avant à Monsieur, vu l'éloignement de V. M.; l'espoir qu'on serait frappé de sa simplicité, de son évidente utilité, me faisait croire qu'il serait promptement adopté et qu'on travaillerait à préparer son exécution avant d'avoir reçu la réponse du Roi, auquel Monsieur voulut bien se charger de rendre compte.

« Mon séjour en France m'ayant fait connaître l'esprit de l'intérieur qui est bon et tout ce qu'on peut en espérer dans une grande secousse, incs relations avec le ministère britannique et les résultats des efforts des personnes m'ayant également appris ce que la France devait en attendre, je ne voyais de moyen de rétablir la monarchie que par l'intérieur; mais il faut des ressources d'argent dont elle est dépourvue, et l'Angleterre seule pouvait les fournir. Il fallait pardonner aux moins coupables, satisfaire à leurs intérêts et faire entrevoir un avenir heureux pour tous, et je comptais sur les sentiments paternels et généreux de V. M. Il fallait une armée, et je pouvais (d'après la connaissance du caractère de Hoche, les relations que j'ai conservées près de lui, muni d'une capitulation de l'Angleterre et de pouvoirs de Monsieur pour traiter avec lui) entamer cette négociation sur laquelle je n'étais pas sans espoir de succès. Dans ce cas, l'armée de Hoche, forte de plus de cent mille hommes, et les royalistes marchant de concert sous un même drapeau, n'avaient aucun obstacle à vaincre pour arriver à Paris et se rendre maîtres au moins de tout l'Ouest de la France, tandis que les autres armées républicaines étaient enfoncées au centre de l'Allemagne et de l'Italie. J'eus l'honneur de voir Monsieur', qui adopta ce plan et nom du Roy au général Hoche et à tous ceux qui abandonneroient les drapeaux de l'erreur pour suivre ceux de la justice, non-seulement qu'ils conserveroient les grades et apointements dont ils jouissent, mais que Sa Majesté se réserveroit encore le plaisir de leur témoigner son affection par des gràces proportionnées à la nature des services qu'ils pourroient rendre. » Elle a paru dans le t. VII de la Revue de la Révolution, 2e partie, p. 129.

1 Le comte d'Artois écrivit aussi à Frotté :

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« J'ai reçu votre lettre du 27, Monsieur. J'espère que vous parviendrés incessamment à voir M. Pitt, et j'attends avec une vive impatience le résultat de cette

me donna une lettre pour M. Pitt, m'assurant qu'il suppléerait à l'ab

conversation. Je n'ai rien à ajouter à cet égard à tout ce dont nous sommes convenus ensemble, et vous connoissés toute l'étendue de confiance que je me suis plu à vous témoigner.

J'avois préparé d'avance les lettres que vous m'aviés demandé, ainsy que le brevet de colonel pour M. de la Roque et les quatre croix de Saint-Louis qui sont indépendantes de celle de M. de Médavy et que vous devés distribuer à des officiers de la (sic) Royale de Normandie qui se sont distingués ou qui ont reçu des blessures.

Je joins tout cela à ma lettre. Vous aurés soin seulement d'informer le comte de la Chapelle du brevet que j'accorde à M. de la Roque et du nom des personnes qui recevront des croix de Saint-Louis.

Je joins encore ici une lettre particulière que je veux écrire pour MM. de Marguerie et de Mandat. Vous me manderés si cette marque de bonté particulière est suffisante. Vous ne devés pas douter du désir que j'ai de contenter deux officiers aussi méritants. Quant aux pouvoirs que je dois vous donner comme commandant au nom du Roi, je me suis trouvé dans l'impossibilité de les rédiger par plusieurs motifs qui vous frapperont ainsi que moi :

- 1o Il est nécessaire que je connoisse ceux qui vous avoient été remis par M. de Puisaye, et je vous prie de m'en envoyer une copie;

#

2o Les dispositions particulières qui ont été faites par les agents du Roi à Paris et dont vous avés eu connoissance par les papiers qui vous ont été communiqués par M. Dutheil, m'obligent nécessairement à calculer l'étendue des limites de vos pouvoirs sur celles qui ont été fixées d'après les ordres du Roi;

• 3o Enfin, j'ai pensé, et je crois que vous penserés comme moi, que le résultat de vos conférences avec M. Pitt et les démarches qui en seront la suite, doivent nécessairement influer sur l'étendue et la nature des pouvoirs que je vous remettrai au nom du Roi.

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Si vous avés quelques réflexions à me faire sur les objets que je viens de détailler, vous pouvés compter que je les recevrai avec plaisir et que je les examinerai avec soin.

Je puis prononcer hardiment que le bien du service du Roi exige impérieusement que vous restiés à Londres, mais je pense qu'il seroit utile et même convenable que vous chargiés un de vos officiers de se rendre en Normandie et de conférer avec M. de Rochecot pour que la partie qui vous est confiée puisse s'accorder avec les ordres que le Roi a fait passer ses agents.

à

- Comptés pour la vie, Monsieur, sur la parfaite estime que je vous dois, sur ma véritable confiance et sur tous les sentiments que vous m'avés si justement inspirés.

« CHARLES-PHILIPPE.

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Je vous autorise à faire des lettres que je joins ici sous enveloppe, l'usage que vous croirés le plus utile au bien du service du Roi.

. Ce que vous me dites de l'état des affaires et de la disposition des esprits en Bretagne et en Normandie me fait grand plaisir; mais tout cela demande à être fort ménagé, et je pense entièrement comme vous qu'il faut avoir rédigé et arrêté un plan général, avant de lever de nouveau l'étendard royal.

J'espère que vous avez vu l'évêque de Saint-Pol. Vous connoissez la juste confiance qu'il m'inspire. Je suis également satisfait que vous confériés avec M. de

sence du Roi autant qu'il le pourrait pour le bien de son service et ce qui pourrait favoriser le succès de cette négociation'. A mon retour à

Précy sur la situation des choses dans l'intérieur; c'est un brave et excellent serviteur du Roi*.

« A Monsieur le comte Louis de Frotté. »

Une autre lettre du comte d'Artois, revenant sur cette question des pouvoirs à donner à Frotté, nous montre encore les défiances et les hésitations du prince et de son entourage.

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« J'ai reçu votre lettre du 7, Monsieur, et j'attends chaque jour l'arrivée de la personne qui doit m'apporter une décision positive et définitive, mais je crains des retards et je les trouve bien fàcheux; cependant, ne nous dégoûtons pas et continuons à suivre la marche très-sage et très-nécessaire qui est fort bien développée dans votre lettre.

J'adopte aussy votre opinion sur les pouvoirs que je suis dans le cas de vous donner. Nous attendrons le résultat de la négociation si importante dont vous êtes chargé, et vous êtes bien sûr du plaisir que j'aurois à vous donner de grandes marques de confiance.

« L'abbé Edgeworth, auquel vos officiers ont procuré les moyens de sortir de France, m'a apporté une lettre du comte Henry de Marguerie qui sollicite la croix de Saint-Louis. Les services que M. de Marguerie a été dans le cas de rendre à M. l'abbé Edgeworth me font désirer de ne pas me refuser à cette demande; mais avant de rien décider sur cet objet, j'ai voulu connoître votre opinion sur cette grâce.

« J'attendrai donc votre réponse à cet égard.

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Adieu, Monsieur, vous connoissés tous les sentiments que je vous ai voués pour la vie.

« CHARLES-Philippe.

M. le comte Louis de Frotté; no 3, Park street, Grosvenor square.

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« Monsieur, dans la situation critique où se trouvent la France, l'Europe et particulièrement l'Angleterre, j'ai dû autoriser le comte de Frotté à vous soumettre les projets qu'il m'a communiqués et dont l'exécution seroit si avantageuse au maintien comme à la sûreté de tous les gouvernements.

« Je n'entrerai ici dans aucuns détails sur les idées qui vous seront développées. Vous en calculerés, vous en apprécierés l'importance, et j'ai trop de confiance

« M. de Précy, mon ancien mentor et mon ami, avait là-dessus avec moi une grande conformité de vues et de principes... (FROTTE, Lettre du 5 novembre 1796; Archives de madame la comtesse de Frotté.)

Précy devait diriger, avec d'André et Imbert-Colomès, l'agence royale établie par Louis XVIII dans le midi et l'est de la France, et qui comprenait la Franche-Comté, le Lyonnais, l'Auvergne, le Forez et les provinces méridionales. (BEAUCHAMP, t. IV, p. 312; Abbé DENIAU, t. V, p. 610; · L'Angleterre et l'émigration française, pas. sim;

etc.)

A. S. (Arch. de Couterne.)

-

Londres, je vis M. Pitt seul et ne voulus m'ouvrir qu'à lui. Il sentit d'autant mieux tous les avantages de l'opération que je lui mis sous les yeux, qu'il craignait une descente sur les côtes de l'Angleterre ou de l'Irlande. Au premier aperçu, il trouva même les moyens que je demandais fort modérés en raison des résultats; mais je demandai, avant de faire de démarches, que les articles en fussent signés. Il me les demanda. Je les lui remis semblables à la copie ci-jointe1. Je l'ai vu souvent sur cet objet, mais sans obtenir de réponse définitive, remettant toujours à l'époque du retour du courrier pour porter une lettre à H...2.

dans votre sagesse, dans l'étendue de vos lumières et dans la noble énergie de votre cabinet, pour ne pas être certain que le gouvernement britannique adoptera avec plaisir tous les moyens de terminer cette grande crise d'une manière également noble, solide et conforme à la dignité des souverains.

La conduite du comte de Frotté, son courage, sa prudence et la manière dont il a su mériter jusqu'à l'estime de ceux qu'il combattoit, me dispensent de faire son éloge. Il a déjà fort à se louer de la réception que vous lui avés faite, et je vous prie de l'écouter avec la confiance qu'il mérite sous tous les rapports.

Ne doutés jamais, Monsieur, de tous les sentiments d'estime, de reconnaissance et de considération que vous m'avés si bien inspirés.

1

Note du comte d'Artois.

"CHARLES-PHILIPPE *. »

1° Développement de l'idée. S'assurer si elle séduit M. Pitt et s'il en est fortement frappé.

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1o Ses moyens en armes et en munitions pour relever tous les royalistes.

- 2o S'assurer d'une somme de 3,000,000 sterling, déposée chez des banquiers et disponible le jour où le général français se sera déclaré avec son armée.

3 Assurance positive que le roi Louis XVIII sera reconnu publiquement par l'Angleterre, le jour où il le sera par le général français.

« 4o Assurance positive que le résultat de cette importante négociation est de conduire à faire une paix prompte et solide avec le roi de France.

« 5o Enfin, que le gouvernement britannique annonce d'une manière formelle, non-seulement qu'il est décidé à faire une paix également glorieuse pour la France et pour l'Angleterre, mais qu'il promet toujours ses bons offices auprès de toutes les puissances, dans le traité définitif qui terminera cette grande querelle. »

A. (Arch. de Couterne.)

Copie de la lettre remise le 27 fructidor (13 septembre) au général Hoche,

de la part de M. de Frotté.

« Nés Français l'un et l'autre, quoique combattant pour différents partis, chacun d'après nos principes, nous ne devons avoir pour but que le bonheur et la gloire de notre patrie; ni votre parti ni le mien n'ont pu atteindre ce but, sur le chemin duquel il reste encore de trop grands obstacles à vaincre pour que vous puissiez être plus ébloui des succès que vous avez eus personnellement, que je ne suis abattu de notre situation actuelle.

. De grands intérêts qui ne peuvent être communiqués qu'à vous seul, et sur lesquels je ne dois pas ici même vous donner une idée, m'engagent à vous deman

Copie aux Archives de Couterne.

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