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malheureux périrent sur les plages malsaines où on les avait jetés; d'autres se dérobèrent par la fuite aux recherches de la police ou trouvèrent moyen de s'évader de leur exil. Les autorités administratives furent destituées ou suspendues; certains généraux révoqués ou changés de résidence, notamment Quesnel, que Roulland remplaça dans la Manche. Les prisons se rouvrirent, les spoliations recommencèrent. Au bannissement sur la terre étrangère des prêtres rentrés en France, on substitua la déportation à la Guyane, qui ne devait être qu'une longue mort. Les émigrés rentrés furent chassés de nouveau, les exnobles exclus des fonctions publiques et privés de l'usage des droits politiques; et ce fut presque de la clémence, car on voulait d'abord les bannir tous, femmes et enfants compris, s'emparer de leurs biens et les vendre, sauf à leur envoyer, sous forme de pacotille de marchandises, une partie du prix. Enfin, l'État fit banqueroute à ses créanciers des deux tiers du capital, à ses pen

...

niteur universel, an V, nos 194, 198, 201, 205; avril 1797.) Leur tactique consista alors à faire placer à Mortagne un détachement de quarante ou cinquante hommes qui pût comprimer l'opinion, et qui fut en effet envoyé dans cette ville, retiré, envoyé de nouveau jusqu'au jour où les terroristes, grâce au 18 Fructidor, redevinrent les maîtres, destituèrent leurs adversaires et voulurent même les faire poursuivre criminellement. Le pauvre Dumesny, très-favorable jusque-là aux modérés, se hâta d'écrire à son ministre : « Le parti royaliste est aujourd'hui anéanti. Le 18 fructidor, il disposait de grands moyens. Il avait tout attiré à son projet; les autorités civiles, les tribunaux, les administrations, la garde nationale, tout était pour lui; le militaire seul lui manquait, et il faisait toutes les tentatives possibles pour le séduire. Il avait imaginé, en effet, de placer des soldats, au moyen d'une paye comme gens de la campagne, chez des fermiers; il n'avait pas réussi. Il y a eu vingt déserteurs dans le bataillon qui stationnait à Pont-l'Évêque, mais ils sont retournés dans leur pays, près de Valenciennes, où ils travaillent aux mines; pas un seul n'est avec les chouans. » (18, 23 septembre; Arch. de la guerre.) Le gouvernement cherchait à établir qu'il n'avait fait que se défendre, le 18 fructidor, contre une vaste conjuration près d'éclater, et ne se gênait pas pour presser ses généraux de lui envoyer des renseignements en ce sens (Ibid., 23 sept.); suivant l'usage, ils n'y étaient que trop disposés. " sang n'a coulé », pas disait le Directoire dans sa proclamation; ; « on a prévenu l'effusion du sang ", ajoutait l'adresse du Corps législatif; coûté une goutte de sang", répétait Augereau dans son compte rendu à Bonaparte, et Larevellière employait la même formule, en ajoutant que c'était un point de vue bien doux à considérer!» Nul n'ignorait pourtant que la déportation à Cayenne équivalait à un arrêt de mort; mais, par une hypocrisie qui a quelque chose de plus odieux encore que les cruautés de l'époque précédente, on voulait avoir les bénéfices du crime et les honneurs de la vertu. Jamais le style pastoral n'avait été plus à la mode. (LANFREY, Hist. de Napoléon, t. I, p. 312.)

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sionnaires des deux tiers de leurs pensions, et l'on appela ce qu'on leur laissait le tiers consolidé!

Dans les départements', « le mouvement de compression qui se manifesta reprit toutes les allures de la Terreur de 1793», dit un écrivain justement autorisé. Il en reprit aussi parfois le langage: témoin cette proclamation du général L... :

« Misérables royalistes, prêtres sacriléges, si le 18 Fructidor ne vous a pas tués ou vomis du territoire de la République, la loi vous a jugés. J'arrive aujourd'hui; demain, vous ne vivrez plus ! »

La rupture violente, par le Directoire, des conférences qu'il avait ouvertes à Lille avec le représentant de la Grande-Bretagne, lord Malmesbury, fut une autre conséquence de la proscription

1 Dans la Sarthe notamment, beaucoup de suspects, nobles, prêtres, journalistes, anciens chouans, furent arrêtés ou activement recherchés; parmi eux, Tilly (Escarboville). (Arch. de la guerre, novembre, décembre 1797.) A ces rigueurs, les chouans répondirent par l'odieux assassinat du commissaire central Maguin, dans une rue du Mans, le 11 novembre, à dix heures du soir; par des arrestations de diligences et par d'autres attentats. La Volvène, officier chouan, a été accusé, sans preuves, de l'assassinat de Maguin. D'autres individus, de la ville du Mans, poursuivis à cette occasion, furent relaxés. (RENOUARD, Essais historiques et littéraires sur la ci-devant province du Maine, t. II, p. 294; PESCHE, Précis historique.) 2 V. DU CHATELLIER, le Finistère et la persécution religieuse après le 18 fructidor an V, Angers, 1882, in-8°. Cette intéressante brochure est écrite tout entière sur des documents non moins décisifs qu'authentiques, extraits la plupart des Archives de Kernuz. Elle donne un démenti irréfutable aux fadeurs de Larevellière, qui prétend qu'« après la liste de proscription close par le Corps législatif, la justice reprit toutes ses formes et que qui que ce soit ne fut inquiété ». (Mémoires.) Larevellière cherchait à excuser son rôle dans ces tristes événements. Il paraît certain que la façon dont cette situation l'avait conduit à apprécier celui de Carnot, qui avait eu, lui, l'honneur d'être proscrit, a été le principal obstacle à la divulgation de ces Mémoires, qui, pourtant, sont imprimés. M. Port n'a rien dit de sa participation au 18 Fructidor dans son Dictionnaire de Maine-et-Loire; Bougler (Biographie des députés de l'Anjou, t. II, p. 214) l'a jugée sévèrement. M. Victor Pierre, dans un très-bon article sur la Déportation à la Guyane après Fructidor (Revue des questions historiques, avril 1882, et tirage à part), fait aussi justice des sophismes doucereux de Larevellière.

3 SEGUIN, t. II, p. 232; il renvoie à tort à la Gazette de France du 15 septembre 1835.

du parti modéré et pacificateur'. C'était un rude échec pour Pitt qui voulait la paix, quoi qu'on ait pu dire, et qui allait la conclure en dépit des résistances de ses collègues, Windham et Grenville, ministre des affaires étrangères. Ce dernier surtout, par orgueil autant que par patriotisme, ne se prêtait aux négociations qu'avec une roideur qui multipliait les difficultés au lieu de les aplanir2. Les principaux obstacles étaient levés cependant, et l'on touchait à une conclusion. Elle eût été désastreuse pour les royalistes de l'intérieur, et un coup de grâce pour les chouans; la rupture leur rendit quelque espérance.

Frotté et ses compagnons eurent le bonheur de se dérober aux poursuites de la police directoriale.

Il se réfugia à Caen, puis au château de Coupigni, où Bruslart et lui demeurèrent prudemment cachés pendant quelques

semaines.

Coupigni, dans la commune d'Airan (Calvados), à quelques lieues de Caen, est un joli château de la fin du dix-huitième siècle, qu'habitait alors M. de la Haye d'Ommoy, oncle par sa femme de MM. Ricœur de Bâmont, du Champ de la Pierre. Il n'avait point émigré; il était fort pacifique d'allures et très-aimé dans le pays. Il avait déjà donné l'hospitalité à ses neveux de Bâmont, rentrés de l'émigration, à des officiers chouans, notamment à Got de la Rosière, qui, un peu plus tard, épousa sa fille. Il accueillit Frotté et Bruslart avec la même générosité et

1 A peine lord Malmesbury eut-il quitté Lille, que Pitt reçut une ouverture secrète de la part de Barras. Il offrait la paix aux conditions demandées par l'Angleterre, pourvu qu'on lui payât une somme énorme deux millions sterling à lui et à ses amis. Si odieuse que paraisse une pareille vénalité et si monstrueuse que soit cette demande, il est difficile de les révoquer en doute en voyant, dans la correspondance même de Pitt avec le Roi, combien elles furent prises au sérieux. (L. STANHOPE, t. III, p. 59 et 431.) On ne sait pour quel motif échoua ce projet.

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Je ne sais pas traiter avec les hommes, disait-il; je ne l'ai jamais su, et la fatigue et les soucis m'y rendent de moins en moins propre. (L. STANHOPE, Wil

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liam Pitt et son temps, t. II, p. 119; - VIEL-CASTEL, t. II, p. 194.) 3 BILLARD, t. I, p. 39, 60.

les cacha avec le même bonheur. C'est de Coupigni qu'ils préparèrent leurs moyens de repasser en Angleterre; leur voyage, croyaient-ils, ne durerait que six semaines ; ils comptaient sur une reprise d'armes prochaine'.

Avant de s'embarquer, Frotté adressa, de Caen, à d'Oilliamson une dernière instruction, ou plutôt un manifeste où il expliquait assez bien, par l'incertitude et les hésitations qui se mêlent toujours aux résolutions des assemblées délibérantes*, l'échec qui venait d'avoir lieu; mais il supposait trop facilement que le coup d'État allait dessiller les yeux de tous les bons citoyens et les forcer à chercher un point d'appui chez les royalistes militants, seul parti qui restât debout. Il comptait sans le prestige. que le succès, quel qu'il soit, donne toujours aux vainqueurs, sans la pusillanimité des honnêtes gens. Enfin, il expliquait son départ par la nécessité d'aller préparer les moyens d'une insurrection générale et prochaine; indomptable dans ses projets, il promettait de revenir bientôt. Cette pièce, datée du 27 septembre, ne devait être communiquée qu'aux officiers de l'état-major, aux membres du conseil supérieur et aux chefs de division3.

Très-peu de jours après, il reprenait la mer, et, avec le bonheur qui jusque-là avait toujours favorisé ses périlleuses entreprises, il arrivait en Angleterre.

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Les défenses de Monsieur, l'absence de leurs principaux chefs et la prostration générale qui suivit le 18 Fructidor, condamnaient les chouans de basse Normandie à une inaction complète. Ils n'en sortirent guère que par des coups isolés, ou des crimes de droit commun*.

1 Notes de M. le curé Macé, qui s'appuie sur celles de MM. de Bâmont.

... Dans les assemblées nombreuses où il y a égalité de pouvoirs entre tous les membres, jamais il n'est possible d'y faire prévaloir avec succès une résolution vigoureuse qui exige une grande unité, de la discrétion et de la célérité. Il se trouve toujours des traitres, des hommes timides et irrésolus, et d'autres qui, avec de bonnes intentions, peut-être par prudence mal raisonnée, entravent l'énergie... 3 Copie s., aux Archives de Couterne.

Assassinat à Danvou (Calvados) du commissaire Filoche. (Dumesny à min. G., 8 novembre.) — Arbres de la liberté abattus à Verneuil, 19 au 20 novembre. (Gé

Les officiers restés au milieu d'eux s'employaient tout à la fois à les maintenir dans leurs anciens cadres' et à conjurer des manifestations dont leurs auteurs auraient été infailliblement les premières victimes.

L'arrestation des anciens chefs et des soldats les plus compromis fut d'abord ordonnée, même de ceux que couvrait l'amnistie et auxquels on ne pouvait reprocher de nouvelles attaques contre la République. Le ministre de la guerre et celui de la police y firent procéder chacun de son côté, sans s'être même concertés et avec une sorte de rivalité2. Puis vint le tour de tous les parents d'émigrés et même de « toute personne d'opinion équivoque3»; c'était le rétablissement de la loi des suspects! Le vieux parti jacobin, prenant sa revanche, encourageait ces rigueurs en exagérant outre mesure les dangers de la situation *.

néral Béthencourt à min. G., 25); A Valognes, 22 novembre. (Dumesny à min. G., 28 novembre); Belle-humeur et d'autres brigands arrêtés près de Domfront (octobre), condamnés et exécutés. — Pillages et tentatives d'embauchage dans l'Eure. « La ligne qui sépare ce département de ceux d'Eure-et-Loir, de l'Orne et du Calvados, couverte de forêts et coupée par de grandes routes qui conduisent dans le département de l'Orne, est infestée de brigands. » (Béthencourt à min. G., 25 novembre; Command. de l'Eure à Béthencourt, 8 octobre; Administrateurs du départ. à min. G., 12 octobre.)

1 SÉGUIN, t. II, p. 232.

23 novembre. (Arch. de la guerre.)

3 Dumesny à min. G., 8 novembre 1797 (Arch. Guerre); Circ. du min. de la pol. aux com. du pouv. exéc., 26 octobre ; Admin. centr. du Calvados ; · Etc. Ainsi les partisans de Lecarpentier dans la Manche. (Dumesny à min. G., 28 novembre: Arch. de la guerre.)

Les émigrés sont bien reçus du côté de Mortain et bien cachés. La Mariouze, dit Moustache, de Clinchamps, près Vire, et du Rosel fils, ex-chefs dans les cantons de Villedieu et de Perci, ont été vus dans les environs de Juvigni et Isigni, à la tête d'une quinzaine de chouans porteurs de cocardes blanches. Ils cherchent à réorganiser la chouannerie. Ruays, dit Gérard, se retire du côté de Mortain; « il veut persuader aux habitants que le gouvernement actuel est despotique et anarchique et qu'on ne peut trop tôt le secouer. » Il y avait à Mortain même un dépôt de cinq cents fusils. (23 oct, de Saint-Lô, à Dumesny; Arch. de la guerre.)

Quatre scélérats viennent de partir de Caen pour Bayeux, emportant (et ils s'en sont vantés au postillon qui les conduisait) un brevet de capitaine pour un frère ou un

parent de David la Terreur. » (Coquille-Deslongchamps, commissaire central, Caen, 6 novembre 1797; Arch. de la guerre.) Nous reviendrons sur ce personnage. « J'ai été sur le point d'être assassiné, le 2 courant, en plein jour. On a fait différentes tentatives pour me rencontrer dans la maison où je me retire ordinairement. Personne ne veut me retirer désormais. Je ne puis habiter ma maison, puisque je n'ai pas le moyen de la faire réparer et que le ministre a empêché que

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