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des mots; il ne dira que ces paroles: j'adopte, je rejette, car telle est ma volonté.

Puisque vos règles ont fait tant d'avortons, tant d'hommes médiocres, que craignezvous, lorsque vous supprimerez vos règles? elles sont la plupart si arbitraires! elles ont pour unique fondement l'imagination la plus capricieuse. En voulant symétriser nos créa◄ tions hardies, c'est la source de toutes nos lumières qu'elles essaient de tarir.

On parle de l'importance d'un bon Dictionnaire: la première chose serait de ne pas le confier à une race d'étouffeurs qui se mettent à genoux devant quatre ou cinq hommes du siècle de Louis XIV (1), pour se dispenser, je crois, de connaître et d'étudier tous les autres, et qui, criblés des plus misérables préjugés, fermant le petit temple de leur idolâtrique admiration, ne savent pas qu'il n'y a point de perfection fixe dans les langues.

Les plus belles langues qui aient été conpues dans le monde, c'est d'abord le hasard

(1) Il serait facile de prouver qu'il y avait plus de génie en France dans le seizième siècle, que da temp de Louis-le-Grand; mais dites à nos beaux esprits de lire du vieux gaulois.!

qui les à produites, et l'art ensuite qui les a perfectionnées. Quelque parfaite que soit une langue, elle n'a pas d'autre origine que la plus barbare. Elle ne diffère que par l'abondance des mots, la variété des tours et la netteté de l'expression. Le Français qu'on parlera dans deux cents ans sera peut-être plus différent de celui qu'on parle aujourd'hui, qu'il ne l'est de celui qu'on parlait il y a deux cents ans. Point de langue si barbare qui ne puisse acquérir la perfection de la langue grecque oulatine; il ne faut que le temps, le nombre et le génie des hommes qui la parleront, qui l'écriront, et qui s'appliqueront sur-tout à la perfectionner.

Plus d'un peuple a trouvé par lui-même l'invention de l'écriture par des signes et caractères dont on ne s'était jamais avisé avant lui. C'est ainsi que tout peuple à naître se fera une langue qui n'a jamais été, et qui ne laissera pas que d'exprimer d'une manière nouvelle, les mêmes choses que nous..

Quand j'intitule cet ouvrage Néologie, qu'on ne l'appelle donc pas Dictionnaire Néologique (1)! Néologie se prend toujours en

(1) L'abbé Desfontaines a publié, sous ce titre,

bonne part, et Néologisme en mauvaise; il y a entre ces deux mots, la même différence qu'entre religion et fanatisme, philosophie et philosophisme. Tous les mots que j'ai ressuscités, appartiennent au génie de la langue française, ou par étymologie, ou par analogie; ces mots viennent de boutures, et sont sortis de l'arbre ou de la forêt, pour former autour d'elle des tiges nouvelles, mais ressemblantes; ainsi je me fais gloire d'être Néologue et non Néologiste: c'est ici que l'on a besoin, plus qu'ailleurs, de nuances assez fortes, si l'on ne veut pas être injuste. Au reste les ennemis injustes font du bien, disait Montesquieu.

Il en est d'une langue comme d'un fleuve que rien n'arrête, qui s'accroît dans son cours, et qui devient plus large et plus majestueux, à mesure qu'il s'éloigne de sa source. Mais plus un despotisme est ridicule, plus il affecte de la gravité et de la sagesse. Et qui ne

une critique de la Néologie de son temps. Qu'est-il arrivé? c'est que la presque-totalité des expressions qu'il a blâmées, se sont naturalisées parmi nous. It semble avoir donné le signal de leur adoption, en croyant déterminer leur réprobation éternelle. Exemple insigne de la gaucherie de nos feuillistes !.

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rirait d'un tribunal qui vous dit: je vais fixer la langue. Arrête, imprudent! tu vas la clouer, la crucifier.

Ces petits magistraux ne connaissent ni les desseins de la nature, ni les destinées de l'homme, car c'est à lui de créer la parole, et la parole envahit tous les mots; elle composera un jour la langue universelle: la parole, enfin, ne dépend que dépend que d'elle-même (1).

(1) Revêtu du sacerdoce littéraire, et même costumé, je puis faire l'eau lustrale, la distribuer à longs jets, pontifier comme un autre, et sacramenter des mots : j'userai de mon droit, et ne serai point sacrilége. J'aurai même pour cet office solemnel, des évêques suffragans, diacre, archidiacre, acolyte; ainsi rien ne manquera à la consécration; et si l'on dit qu'elle n'est pas bonne, eh bien! je pontifierai toujours dans mon église, dont j'élargirai peu à peu les murailles; et, priant pour ceux qui me damnent, j'en appellerai au futur concile.

Balesdent-Morellet, ou Morlaix, ou Morlet (car on ne sait pas encore comment s'écrit au juste le nom de cet illustre auteur), a prétendu qu'il n'y avait que lui et les siens pour faire un Dictionnaire de la langue. Je veux venger ici l'Institut national qu'il a outragé. Je dirai que Morellet-Balesdent avait entrepris, à ma connaissance, un Dictionnaire du Commerce, qui fut si long-temps annoncé, prôné, payé, sans jamais

L'entendement produit le signe, et le signe réagit sur l'entendement; rien n'est plus vrai Bacon et Leibnitz nous l'ont dit. Vous voulez donc beaucoup de signes, direz-vous; oui. - Mais vous allez dégénérer en licence, Vous allez apporter la confusion. Ce n'est

paraître, qu'on lui décocha cette épigramme bien méritée, qu'il ne fesait pas le Dictionnaire du Commerce, mais le commerce du Dictionnaire. Il aimerait à recommencer le jeu; inde ira. Oh! c'était le bon temps que celui où l'on fesait des panégyriques et harangues à la louange du roi ! ce qui valait tantôt un bénéfice, tantôt une abbaye, quelquefois un évêché. Morellet le regrette beaucoup, ce temps-là. Morellet ci-devant docteur de Sorbonne! on ne le dirait pas à ses brochures, à ses traductions de romans. Il n'a jamais écrit une page de son métier de prêtre. Lallemand, son prédécesseur, avait gagné quelqu'argent au métier de Morellet; aussi avons-nous de lui un beau et long discours sur l'utilité de l'Académie française.

O fauteuil! ô lit oiseux où Morellet se pavanait en immortel! Que la foudre écrase l'Institut! Doux prêtre, point d'imprécations!

Tel académicien avait à la lettre le traitement d'un maréchal de France; et ces Chapelains défroqués s'écrient, comme l'auteur de la Vieille Pucelle, le mieux renté des beaux esprits: O rage! ô désespoir! perruque ma mie! n'ai-je donc tant vécu ?.......

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