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conversations entre eux, leurs disputes, leurs jeux, les lois qu'ils s'imposent et les applications qu'ils en font, partout on trouvera qu'ils raisonnent tout comme nous, et le plus souvent avec autant de justesse, du moins lorsqu'il s'agit d'objets sensibles, les seuls actuellement qui leur offrent quelque intérêt.

Ce n'est point en effet la succession des années qui produit chez eux la faculté de raisonner, elle y existe dès qu'ils ont des idées et qu'ils les comparent; l'àge ne produit d'autre effet que de tenir en garde contre la précipitation, qui est le défaut commun aux enfants lorqu'ils raisonnent, et de présenter aux hommes faits d'autres objets pour exercer le raisonnement, et leur fournir des moyens plus multipliés et plus propres à le développer.

Ainsi tout ce qu'on dit par abstraction sur l'analyse et le développement successif des facultés de l'âme humaine, ne suppose point que les enfants soient incapables d'aucune opération intellectuelle liée à l'usage de la raison; une telle supposition serait démentie par l'expérience. Dès que l'homme commence à sentir ses besoins avec une sorte de réflexion, il éprouve des désirs, et les idées des objets qui le flattent entrent dans son âme, il s'y rend attentif, il les compare et en saisit les rapports; il juge et il raisonne à sa manière : toutes ses facultés se développent à la fois pour composer successivement sa pensée; et il peut exercer tout aussi bien son intelligence

pour concevoir les choses, que sa mémoire pour en retenir les noms.

Il est vrai que ses facultés sont encore bornées à un petit nombre d'objets, parce qu'il n'a pas eu le temps de voir, d'observer, d'écouter, de rassembler beaucoup de matériaux de connaissances; il est vrai qu'elles sont encore faibles faute d'exercice et d'habitude, ce grand ressort de l'activité et surtout de l'intelligence.

Mais il en est à cet égard de l'être pensant chez l'homme comme de l'être qui végète, ou de l'être animal; comme celui-ci il est dans le cas de croître et de se fortifier; il est même constitué de manière à prendre son accroissement et augmenter en forces à mesure que les organes du corps se développent et deviennent plus vigoureux et c'est précisément ce qui nous conduit au premier et grand principe de l'éducation intellectuelle, c'est qu'au lieu de contrarier l'esprit humain dans sa constitution et sa marche naturelle, il ne faut faire autre chose que seconder les efforts de la nature, et qu'on doit s'y prendre pour aider au développement de l'âme des enfants de la même manière qu'on s'y prend communément dans leur éducation physique pour aider au développement et à l'accroissement de leur corps.

Trois choses sont estimées nécessaires pour produire ce dernier effet: 1° une nourriture salutaire et proportionnelle à leur constitution et à leur degré actuel de forces; 2o un exercice mo

déré qui soutienne leur activité, et loin de l'épuiser, l'augmente; 30 une habitude d'exécuter leurs divers mouvements avec facilité et promptitude, sans contracter aucun mauvais pli ni travers, ni s'exposer à aucun danger.

On peut appliquer ces mêmes principes à l'éducation intellectuelle.

L'esprit des enfants ne peut jamais croître et se fortifier, si on ne leur donne une nourriture convenable, bien choisie, bien préparée, et telle qu'il la faut actuellement pour être proportionnée à leurs forces; qu'on éloigne d'eux tout ce qui est faux, exagéré, merveilleux, hors de toute vraisemblance, et qui n'aboutit qu'à les mettre hors d'état de goûter le vrai et de le reconnaître; qu'on en éloigne non seulement ce qui leur serait nuisible, mais encore ce qui leur serait inutile, et qu'on se borne à leur présenter uniquement ce qui peut leur être utile, et ce dont on peut leur faire sentir l'utilité, ou pour le moment ou pour la suite; sans quoi ils prendront bien vite du dégoût pour la nourriture qu'on offre à leur âme; ce dégoût s'étendra bientôt à toute occupation de l'esprit, qui ne leur paraîtra plus qu'une peine en pure perte; sur toutes choses qu'on évite avec soin de leur rien proposer qui ne soit actuellement à leur portée; aucun objet au-dessus de leur compréhension, aucune notion abstraite dont les éléments et la formation surpassent leur conception; aucun mot auquel ils ne puissent attacher l'idée déterminée que ce mot

doit rappeler; aucun terme abstrait, scientifique, qui ne peut jamais être par rapport à eux qu'un mot vide de sens.

Mais à la bonne nourriture il faut joindre 2o l'exercice nécessaire pour soutenir l'activité de leur âme et aider au développement de ses facultés; sans cela cette âme demeurerait toujours passive et dans l'inaction: mue uniquement par les impressions étrangères, elle resterait toute sa vie comme endormie et enveloppée dans le corps, sans sortir jamais de son engourdissement. Mais il faut un exercice modéré, qui n'ait rien d'accablant, ce qui serait peut-être pire encore que l'inertie, puisqu'il n'aboutirait qu'à épuiser les forces et émousser l'activité; un exercice qui sente le moins que possible la gêne et le travail, ou dont le travail soit toujours soutenu par une sorte d'agrément, par la variété des objets, et surtout par la distribution alternative entre les diverses facultés de l'âme, dont aucune ne doit être exercée seule à la continue, puisqu'elles ont toutes le même besoin d'être exercées, et que la diversité d'occupations, en diminuant les efforts, augmente l'activité générale de toutes.

Il faut joindre enfin l'habitude de déployer ses facultés, sur tous les divers objets, avec facilité et promptitude, mais en même temps sans confusion; rien de plus essentiel que l'habitude dans toutes les affaires de la vie, mais surtout lorsqu'il s'agit de démêler le vrai au travers des

apparences qui le déguisent ou des nuages qui le dérobent.

Tels sont les moyens généraux que l'on doit employer dans l'éducation intellectuelle pour fortifier l'intelligence des enfants et leur aider dans le développement de la pensée.

Rien de plus important même que de leur apprendre à distinguer de bonne heure par euxmêmes la bonne nourriture de la mauvaise, à connaître les facultés dont l'exercice est nécessaire à la perfection de leur âme, et de quelle manière ils doivent se fortifier dans l'habitude de les exercer.

De ces principes généraux que nous venons de poser, résultent les conséquences les plus importantes par rapport à l'éducation intellectuelle.

Quand on observe que les enfants raisonnent pour l'ordinaire mal dans les leçons qu'on leur donne, qu'on attribue donc cela non à leur impuissance naturelle de raisonner juste, mais uniquement à la méthode qu'on emploie dans l'instruction pour les faire raisonner, ou aux objets mêmes sur lesquels on veut qu'ils exercent leur raisonnement avant qu'ils aient pu en concevoir aucune idée nette et distincte.

Est-il surprenant qu'il leur arrive si souvent de raisonner mal, quand on les force à une marche directement opposée à celle que les hommes ont suivie dans tous les temps pour s'instruire, à celle que la nature a tracée elle-même aux en

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