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juste; mais on doit se garder de les introduire dans les autres sciences, pour assimiler aux vérités mathématiques, qui ont une nature propre, les vérités historiques, morales, philosophiques dont l'essence est différente.

Chavannes ne fit point cette confusion: il trouva dans Euclide un modèle de méthode scientifique, et arriva bientôt à la conviction que pour opérer une réforme dans l'éducation et la rendre intellectuelle, il faut réformer la science tout entière, la faire reposer sur la connaissance de la nature humaine, l'approprier à l'homme, en étudiant l'homme dans l'immense système des relations qui l'unissent à l'univers entier. Cette pensée, qui est celle de son grand ouvrage sur l'Anthropologie, paraît s'être fixée dans son esprit dès ce moment; elle le préoccupa, elle le domina jusqu'au jour où il put la réaliser. Nous la retrouverons donc lorsque nous serons arrivés à cette époque de la vie du professeur.

Après sa consécration, en 1753, Chavannes rentra dans la maison paternelle et remplit pendant quelque temps les fonctions pastorales de son père infirme et âgé. Une maladie de langueur, jointe à une disposition mélancolique, le contraignit lui-même à prendre du repos. Le retour de sa santé ne tarda pas à ramener le besoin de la vie scientifique. L'un des ministères français de la ville de Bâle devint vacant. Chavannes le demanda et l'obtint en 1759. Ce fut une circonstance favorable à ses études sérieuses. Bâle était une ville savante; son université possédait quelques hommes éminents. La famille des Bernouilly avait acquis un nom célèbre. Jean Bernouilly, l'illustre ami et digne émule de Leibnitz et de Newton, ne vivait plus; mais son fils Daniel, qui lui avait succédé à juste titre dans la chaire de mathématiques, et qui portait avec honneur ce grand nom, accueillit dans sa famille le jeune Vaudois ami de la science. Sous un tel guide, Chavannes poussa vivement ses études mathématiques; il demeura sept ans à Bâle. Cependant le désir de rentrer dans son pays se fit sentir; la prédiction de son père

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semblait le poursuivre; il voulait l'acc res de belles-lettres et de philosophie tèrent son ambition; il les disputa en va il fut appelé à l'une des deux chaires de fut fixée, vie de travail scientifique, d'ad démique et de dévouement à sa famille. célibat, mais il éleva deux neveux: l'un, mort pasteur à Crissier, fut suppléant l'Académie, pendant les dernières anne celui-ci; l'autre est le professeur Daniel vannes, connu par ses nombreux travau fatigable pour toutes les choses bonnes e à rappeler qu'il était l'élève de son ond les honorait tous les deux. Occupons-n des travaux divers qui ont rempli et c l'homme que nous désirons faire conna teurs.

Nous avons déjà parlé des services qu'i bliothèque académique en rédigeant un ca dique. Les archives académiques furent ses soins; il les compulsa avec exactitud position d'un petit ouvrage sur l'Académi Collège et la Bibliothèque. L'origine et le veloppements de cette institution, la lis seurs depuis sa fondation, la distribution ment, les devoirs de ceux qui le donnent le reçoivent, les détails les plus minutieux tration académique, les règlements des é privilèges, les us et coutumes académique dans ce volume in-4° de 250 pages, manus exactitude et un sérieux qui témoignent de tance que l'auteur mettait à chacune des pa blissement académique. Certes, il ne prévo qu'une ruine prochaine menaçait toutes ce tout cet appareil de formes et de formalités

Un grand volume in-folio fut, en second des explorations de Chavannes dans les ar

miques. Dans ce volume, se trouvent transcrits ou analysés les documents officiels importants qui concernent l'Académie et des extraits des protocoles de ses séances. Ce livre est désigné dans les archives académiques par le nom de son auteur; on l'appelle le Livre Chavannes.

Si ces travaux d'intérieur étaient les seuls monuments de l'activité du professeur Chavannes, on pourrait déjà dire que sa vie ne s'est pas écoulée au sein de l'oisiveté; mais ils ne prennent qu'un moment, et toutes les grandes heures de cette existence ont un emploi bien autrement grave. Nous avons dit quelle pensée paraît avoir constamment occupé l'esprit de Chavannes. La nécessité d'une réforme générale et profonde dans l'instruction de la jeunesse était incontestable à ses yeux; il se dévoua courageusement à cette œuvre immense. Son premier ouvrage a pour titre : Conseils sur les études nécessaires à ceux qui aspirent au St-Ministère; ouvrage qui peut en même temps servir d'introduction à l'étude de la théologie. Yverdun 1771. 1 vol. in-8°.

D'excellents conseils et beaucoup d'érudition théologique distinguent cet écrit; on y trouve l'esprit philosophique, l'ordre et la méthode d'un homme qui réunit au savoir une grande expérience et la connaissance des besoins des jeunes étudiants. Un seul trait donnera l'idée des soins que Chavannes apportait à l'accomplissement de ses devoirs de professeur. Il trace la marche graduée qu'il faut suivre dans le cours entier des études académiques pour les faire avec ordre et employer utilement chaque partie du temps destiné au noviciat. Chavannes unit constamment aux travaux académiques rigoureusement obligatoires, des travaux libres, non moins importants, pour fortifier et compléter les leçons des profes

seurs.

On comprend que cet ouvrage n'est pas un ouvrage de révolution : Chavannes se place dans le système admis; mais il l'éclaire, il en dirige l'application et satisfait ainsi aux besoins des étudiants qui vivent sous cette règle.

Mais bientôt le professeur arrive à d'autres idées, et se pose en hardi réformateur. Suivons-le au milieu de cette nouvelle carrière; voyons le professeur obscur et timide dans sa vie privée, l'humble investigateur des archives académiques, déployant une pensée indépendante, contemplant les sciences de haut et les jugeant avec la sévérité d'un maître. Nous regrettons qu'il ne nous soit pas possible d'exposer avec tous les développements qui en feraient apprécier le mérite, l'ensemble des idées de Chavannes; il faut nous borner à mettre en relief les points principaux, qui sont comme les anneaux de cette chaîne encyclopédique.

Un premier ouvrage fut destiné à introduire dans le public la pensée fondamentale de la réforme qu'il méditait, et cet ouvrage était lui-même aussi un plan de réforme; il a pour titre : Essai sur l'éducation intellectuelle, avec le projet d'une science nouvelle. Lausanne 1787, 1 vol. in-8°. VIII et 261 pages.

L'auteur se propose principalement de relever les défauts de la méthode presque universellement suivie dans l'éducation intellectuelle. A ce but principal il en subordonne un autre, celui de présenter le plan d'une science nouvelle qu'il croit être de la plus grande utilité pour l'instruction. Chavannes parle d'abord, en général, des sciences humaines, de leur exposition par la synthèse, de l'insuffisance de cette méthode pour l'instruction et de la nécessité de la science nouvelle qu'il propose (de l'Anthropologie).

Quelle est la marche que l'esprit humain a dû suivre pour créer les sciences, les langues et les institutions humaines? Chavannes n'hésite pas à répondre que c'est l'observation des objets naturels et la contemplation des rapports infiniment variés de ces objets entre eux et avec nous. Ainsi les idées sont la représentation et comme une sorte de peinture des objets, et la parole présente des tableaux qui ne sont qu'une copie de la pensée et une imitation des objets. C'est également à l'observation des

moyens par lesquels la nature produit ses effets, que l'homme est redevable de tous les procédés des arts mécaniques et libéraux. Les hommes ont ainsi travaillé sur un même fond commun donné par la nature. Plusieurs conséquences résultent de ces principes.

La première, c'est que tout ce que nous voyons d'intéressant pour l'homme doit nécessairement renfermer en soi tout ce qu'il a été dans sa première origine et tout ce qu'il est devenu successivement, à mesure qu'il s'est étendu et perfectionné. La seconde, c'est que tout ce qui s'est successivement développé et perfectionné a eu sa première origine dans les éléments donnés par la nature elle-même et par conséquent dans l'antiquité la plus reculée.

En troisième lieu, tout ce qui a existé dans le monde primitif, quelque modification qu'il ait pu éprouver dans son développemont et ses progrès, existe encore aujourd'hui dans le monde moderne; et, quoique déguisé souvent sous une forme très différente de celle qu'il avait à son origine, il n'est pas impossible actuellement de le reconnaître et même de le ramener aux termes de sa forme primitive. Enfin, il est manifeste qu'en examinant attentivement et dans un esprit d'analyse ce qui existe, par rapport à nous, nous pouvons encore le réduire à ses premiers éléments et par là remonter avec une sorte de certitude aux premières idées, aux premières expressions, aux premiers procédés que les hommes ont adoptés dès les temps les plus anciens.

Si nous insistons sur ces principes de Chavannes, c'est qu'ils donnent le caractère de sa méthode et font connaître la direction de ses travaux ; ils sont comme le secret de sa science.

Guidé par l'observation, l'homme a recueilli dans la nature tous les faits que son sens intime lui révèle; il en a déduit des propositions générales qui ne sont que des faits généraux représentant des forces, des causes; il a généralisé également et classé ces propositions générales

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