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latine, mais beaucoup plus simple dans ses éléments, plus régulière dans sa formation, plus naturelle dans sa marche, ou du moins plus aisée à saisir pour nous et qui est autrement instructive dans son éthymologie, puisqu'il en rejaillit les plus grandes lumières sur la langue latine et toutes celles qui en sont dérivées, lesquelles les jeunes gens dès là même apprendraient avec beaucoup plus de facilité, s'ils avaient auparavant étudié un peu à fond la langue à laquelle elles doivent principalement leur

naissance.

5o Si du moins on leur apprenait la langue latine à peu près comme ils apprennent leur langue maternelle, par l'usage et l'habitude, à mesure qu'on les pousse dans la connaissance des choses; si du moins, pour les en instruire, l'on suivait quelque méthode véritablement élémentaire, à leur portée, et qui n'eût rien de rebutant mais que fait-on au contraire ? Avant qu'ils aient aucune idée quelconque de cette langue; avant qu'ils aient jamais ouï parler du peuple fameux qui en a fait usage; avant qu'ils aient pu y prendre aucun intérêt ni goût, on leur met entre les mains un assez gros livre appelé Déclinaison; et les premières tâches qu'ils ont à apprendre par cœur dans ce livre, ce sont les cas, nominatif, génitif, datif, accusatif, vocatif et ablatif, puis les genres, masculin, féminin et neutre, et les nombres singulier et pluriel; viennent ensuite des noms substantifs de diverses déclinaisons, des articles,

des pronoms, des adjectifs, positifs, comparatifs, superlatifs; après cela succèdent des verbes avec leurs temps, présent, futur, prétérit, imparfait, parfait, plus que parfait, et avec leurs modes, indicatif, impératif, optatif, infinitif, participes, sans oublier les supins et les gérondifs, et des formes qui les distinguent en verbes actifs, passifs, déponents, neutres, impersonnels; tout cela est suivi de légendes de particules sans fin, adverbes, etc.

Ces termes-là ont sans doute un sens, et peuvent être employés utilement entre gens qui les comprennent, mais ce sont des termes d'art qui ne peuvent être entendus sans être définis, et leur définition n'est pas si aisée à saisir, puisqu'elle embrasse nécessairement des notions de métaphysique et de grammaire générale, notions abstraites, composées, et même assez compliquées, dont les enfants sont absolument incapables. Tout cet appareil de déclinaison se réduit donc pour eux à des mots vides de sens, qu'ils ne sauraient apprendre que par cœur, comme pur objet de mémoire, où le jugement n'a point de part, et qui ne leur présentant de là qu'obscurité et difficulté, sans aucun intérêt, ne peuvent que leur inspirer, dès le début, un dégoût complet pour l'étude de toutes les langues et de toutes les sciences, ou devenir pour eux une source intarissable de fausses idées dont les influences pourront leur être funestes pour le reste de leurs jours.

Que n'aurais-je pas encore à dire sur le second livre qu'on met entre les mains des enfants, la Grammaire, où il semble qu'on se soit plu à multiplier les règles pour avoir occasion d'entasser les exceptions?

6o A ces deux livres on en joint deux autres plus volumineux encore, appelés Dictionnaires, l'un latin-français, l'autre français-latin, où les mots sont rangés par ordre alphabétique, c'est-àdire, sans aucun ordre naturel et dans la plus horrible confusion. A chaque mot latin, dans le premier, répondent cinq ou six mots français ; à chaque mot français, dans le second, répondent cinq ou six mots latins; il faut que l'enfant apprenne à y chercher les mots de l'une et de l'autre langue, et qu'il se forme à l'art de deviner lequel, d'entre les cinq ou six mots indiqués, mérite la préférence, comme répondant le mieux à l'énergie de celui dont le sens doit être rendu; et voici à quoi il doit appliquer l'usage de ce merveilleux talent:

Avant qu'il ait encore acquis aucune connaissance de la langue latine, et pendant qu'il ne fait encore que bégayer son français, on lui prescrit les fragments d'auteurs latins pour en faire la version, et dans cet exercice, il faut qu'il applique ce qu'il sait de sa déclinaison, souvent même qu'il suive les règles qu'on ne lui a point encore apprises, et toujours qu'il cherche dans son dictionnaire latin-français la signification de chaque mot; sur toutes choses, qu'il tombe précisément

sur la signification qui convient le mieux au mot considéré dans sa liaison actuelle avec les autres mots de la phrase. S'il est ridicule d'exiger d'un enfant ce qu'il lui est impossible d'exécuter avec quelque succès, on peut dire qu'il n'est rien de plus absurde que ce procédé d'instruction; il faut cependant en excepter le suivant qui l'est beaucoup plus encore.

A peine l'enfant est-il entré dans sa grammaire, qu'on lui prescrit des morceaux en français pour les traduire en latin, langue qu'il ignore encore presque entièrement; et il faut que dans cet exercice, appelé thème, il applique des règles qui sont autant de principes abstraits, inintelligibles pour lui; qu'il en suppose ou soupçonne d'autres dont on ne lui a point encore parlé, enfin qu'il cherche chaque mot français dans le dictionnaire pour y trouver les mots latins correspondants et choisir encore entre ceux-ci le plus convenable, quoiqu'il ne les connaisse pas plus l'un que l'autre et qu'ils soient tous parfaitement indifférents à ses yeux, sauf le premier en rang, qui, parce qu'il le dispense de lire les autres, est ordinairement celui auquel l'écolier donne la préférence.

Pour faire une traduction quelconque d'une langue dans une autre, il faut entendre très bien toutes les deux, et principalement celle dans laquelle on traduit; il faut de plus avoir le jugement très exercé, et le goût formé jusqu'à la délicatesse; car on demande non seulement la correction grammaticale, mais encore une tournure

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qui soit dans le génie de la langue où l'on écrit, sans altérer en rien la pensée telle qu'elle est conçue et exprimée dans l'autre langue. Or rien n'est plus difficile à exécuter; l'expérience le prouve, puisqu'il n'est rien de si rare que les bonnes traductions et les bons traducteurs. On me dira sans doute qu'on n'exige point des enfants une traduction portée à ce point de perfection, et on ne leur demande autre chose qu'une correction grammaticale; à cela je réponds qu'il vaudrait mieux ne leur rien demander du tout et les dispenser entièrement d'un exercice qui n'aboutit qu'à leur donner l'idée la plus fausse du génie de la langue latine, à les accoutumer à des tours absolument étrangers et barbares, les mettre dans l'impuissance de jamais bien composer ni parler dans cette langue, et même de jamais sentir les vraies beautés des auteurs anciens, qui l'ont élevée au plus haut point de perfection.

7° On fait expliquer aux enfants des auteurs latins qui se sont fait une loi de rassembler tout ce que leur langue a pu fournir d'expressions nobles, élégantes, recherchées, abstraites, sublimes, pendant que ces enfants ignorent encore leur propre langue, ou que leur connaissance ne s'étend guère au-delà des expressions les plus ordinaires du ressort de la vie commune et, ce qui est le comble de l'absurdité, on leur fait lire des auteurs qui ont écrit sur des sujets relevés et profonds, et qui en ont dit des choses qu'ils

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